20 000 euros par mois
Suffisamment rémunéré par son poste d’eurodéputé – où il demeure adhérent du Parti populaire européen (PPE), le parti auquel est affilié l’UMP –, Jérôme Lavrilleux a abandonné son siège de conseiller général de l’Aisne. Cet élu modèle y était rémunéré depuis 14 ans et a continué à l’être ces derniers mois bien qu’ayant avoué avoir violé la loi. Il a même touché ses indemnités – 2 400 euros par mois –, bien que n’ayant pas siégé une seule fois depuis 2011. Soit, pour cette seule période, environ 100 000 euros, l’équivalent de sept années de salaire d’un ouvrier au SMIC. Pas mal pour un emploi fictif.
En 2012, à son apogée, il cumulait de plus son salaire de directeur de cabinet de l’UMP, soit environ 15 000 euros par mois, plus son salaire de conseiller du groupe UMP à l’Assemblée dite, sans doute par antiphrase, nationale, pour un total se situant aux environ de 20 000 euros par mois.
Désormais, il devra se contenter des 12 255 euros par mois qu’il touche depuis juillet comme député européen. Une somme qui ne comprend pas l’indemnité journalière de frais de restauration et d’hébergement (304 euros par jour de présence), ni les remboursements de frais de voyage, ni les indemnités de voyage (4 243 euros par an), ni les 21 209 euros mensuels de rémunération de personnel parlementaire.
Lavrilleux recèle son siège de conseil général à une complice de Bygmalion, adjointe de Xavier Bertrand
À son poste de conseiller général, Jérôme Lavrilleux sera remplacé par sa suppléante Monique Bry, adjointe au maire franc-maçon de Saint-Quentin Xavier Bertrand. C’est justement au maire UMP qu’avait succédé Jérôme Lavrilleux en 2002 au conseil général, après la démission de Xavier Betrand. Jérôme Lavrilleux avait obtenu au premier tour 50,6 % et au second 56,6 %. Deux ans plus tard, il n’avait obtenu au premier tour que 38,5 % et n’avait été réélu que de quelques dizaines de voix d’avance au second avec 43,9 %.
En 2011, il avait sombré avec seulement 32,5 % au premier tour, ne devant sa réélection qu’au retrait du Parti socialiste devant la possibilité de l’élection d’un candidat du Front national. Il obtenait au second tour 58,3 %, mais, malgré un contexte très favorable, en perdant plus de 1 000 voix en sept ans.
Sa suppléante était donc Monique Bry. Le nom de cette dernière apparaît dans l’affaire de Bygmalion où, pour des tâches de « rédaction », elle a touché entre 2009 et 2011, 49 154 euros. Très proche de Jérôme Lavrilleux, Monique Bry partageait avec lui une même adresse à Saint-Quentin, une maison bourgeoise des beaux quartiers de la ville.
Xavier Bertrand, prochaine victime de Bygmalion ?
Proche de Jérôme Lavrilleux, Monique Bry l’est également de Xavier Bertrand, qu’elle connaît depuis bientôt vingt ans. Elle a lié son parcours politique à l’ancien ministre du Travail. Il y a quelques mois, l’équipe de campagne de Xavier Bertrand l’interrogeait :
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=CoL49UyjU78[/youtube]À Saint-Quentin, Monique Bry est l’adjointe en charge de la « rénovation urbaine et du cadre de vie ». Xavier Bertrand se serait bien passé de ces révélations : le maçon a déjà annoncé sa candidature pour les primaires de l’UMP avec l’objectif d’incarner son parti pour les présidentielles de 2017. Il a à plusieurs reprises protesté de son innocence dans l’affaire Bygmalion. Il affirme avoir été en guerre avec les copéistes et Jérôme Lavrilleux depuis plus de 10 ans. Après les révélations sur la collaboration de Monique Bry avec Bygmalion, il s’était emporté :
« J’ignorais tout de l’activité de Madame Bry, c’est incroyable ! Je l’ai convoquée immédiatement dans mon bureau pour lui demander les conditions exactes de cette collaboration. Elle m’a indiqué avoir travaillé pour eux dans le cadre d’un contrat avec France Télévisions pour lequel elle était censée répondre aux courriers des téléspectateurs. Je lui ai demandé de me notifier cela par écrit, avec les documents afférents. J’attends son dossier. »
Ces propos ont été recueillis il y a plus de quatre mois par Marianne. Monique Bry est toujours adjointe aujourd’hui. La présence de cette dernière dans la liste des adjoints de Xavier Bertrand prouve que le fossé entre lui et les copéistes est loin d’avoir été infranchissable. Dans les deux sens. Ces faits sont d’autant plus troublants que Saint-Quentin est la ville de naissance de Bastien Millot, le cofondateur et dirigeant de Bygmalion, sous la direction duquel les fausses factures ont été réalisées.
La création discrète de la « Société Jérôme Lavrilleux »
Lâché par les siens, Jérôme Lavrilleux organise depuis plusieurs mois sa vie post-UMP. Avec les centaines de milliers d’euros pris au contribuable depuis quinze ans, sans compter ceux à venir, bénéficiant du laxisme de la justice républicaine et d’une Union européenne tout aussi exemplaire, il n’a pas trop de soucis à se faire.
Après avoir tenté de s’y accrocher, il a d’abord mis en scène sa démission/exclusion de l’UMP, profitant du malaise visible à la tête du parti. Elle a été officialisée début novembre. Il vient donc d’annoncer son retrait du conseil général et travaille au Parlement européen comme si de rien n’était.
Entre temps, il a, dans la plus totale discrétion, créée une société, baptisée en toute simplicité Jérôme Lavrilleux. Cette Bygmalion-bis est inscrite dans le secteur des « activités et des organisations politiques ». Il n’est désormais plus domicilié à Saint-Quentin, mais dans un petit village à quelques kilomètres de là, Joncourt. Il s’agit d’une adresse différente de la société civile Lavrilleux, située au 146, boulevard Gambetta – à deux pas de l’OPAC… – dans laquelle il possède « 10 parts à 10 euros ».
Par ailleurs, les noms de domaine jerome-lavrilleux.fr comme jeromelavrilleux.com ont été achetés ce 25 novembre. Le concussionnaire, qui a avoué devant les caméras avoir violé la loi, s’en servira-t-il pour mettre ces menaces de « parler » à propos de la corruption à l’UMP à exécution ?