De plus en plus de mariages blancs avec des envahisseurs démasqués à Roubaix
Année après année, la municipalité roubaisienne signale de plus en plus de mariages suspects au parquet. Sur les neuf premiers mois de l’année, la célébration de 28 faux mariages a été évitée grâce à l’action du service de l’état civil.
Les tentatives d’escroquerie au mariage impliquant des envahisseurs en situation irrégulière augmentent en nombre. Les faits sont là : depuis 2014, chaque année, le nombre de signalements au parquet effectués par la municipalité grimpe. Et le nombre d’unions interdites par la justice suit la même voie. Depuis le début de l’année, pas moins de 28 mariages blancs ont ainsi été évités.
Du côté de la ville de Roubaix, c’est une véritable lutte qui a été engagée à l’initiative de l’adjointe en charge de l’état civil, Margaret Connell (LR). « J’en ai fait une de mes priorités dès le début du mandat », insiste-t-elle. Depuis 2014, des consignes claires ont été transmises au service de l’état civil pour tenter de démasquer ceux qui tentent d’obtenir des papiers en épousant un ou une Français(e). Objectif : ne rien laisser passer.
Les documents laissés par les couples qui déposent une demande de mariage sont ainsi scrutés à la loupe. Dans le lot, les employés municipaux dénichent parfois des faux. « Une fois, on a même eu une dame qui avait mis du blanco sur son acte de naissance pour cacher qu’elle était déjà mariée. On ne s’en est aperçu qu’en téléphonant à la mairie du lieu de naissance, c’était déjà sa deuxième tentative de fraude », raconte Margaret Connell. Et puis il y a parfois l’attitude des prétendants qui fait naître des soupçons en mairie. « On a des doutes quand les futurs mariés sont crispés, quand ils n’ont aucun geste de tendresse l’un envers l’autre, quand il y a plusieurs hommes autour de la femme. Cela peut ne rien vouloir dire mais c’est un des éléments qui nous alertent », confie l’élue, qui indique qu’il y a parfois aussi des dénonciations.
Dès qu’il y a un doute, en tout cas, les candidats au mariage sont convoqués pour un entretien conduit par l’adjointe au maire en personne. « On les reçoit séparément. Quand ils n’ont pas la même version sur les circonstances de leur rencontre, par exemple, on sait qu’on a probablement affaire à un mariage blanc ou gris », souligne Margaret Connell. Parfois, l’entretien permet de dissiper les soupçons. Dans d’autres cas, le doute demeure mais faute d’éléments, le mariage est célébré. Mais dès qu’il y a des incohérences flagrantes, le dossier est transmis au procureur de la République qui choisit ou non d’ouvrir une enquête.
– 11 oppositions en 2014. La mairie avait signalé 20 cas litigieux en 2014, le parquet en a retenu 11. 430 mariages ont été célébrés cette année là.
– 17 oppositions en 2015. L’an dernier, les auditions menées par le service d’état civil ont permis de dénoncer 35 cas suspects. Cette fois, le parquet a prononcé 17 oppositions. Pour 442 mariages célébrés au total dans la ville.
– 28 oppositions en 2016. Sur les neuf premiers mois de l’année, le parquet a déjà formulé 28 oppositions sur les 34 dossiers transmis par la ville de Roubaix.
D’après l’élue en charge de l’état civil à Roubaix, ceux qui tentent de conclure des mariages blancs sont presque tous des Maghrébins en situation irrégulière, et le plus souvent des Algériens. « Il y a une vraie filière à Roubaix, on sent que c’est une destination choisie », confie Margaret Connell.
Pour une somme qui varie selon les cas « de 2 000 à 10 000 euros », les candidats à l’obtention de papiers réussissent à convaincre leur époux fictif de s’engager avec eux. Dans le lot de ceux qui tentent le coup, il y a aussi bien des hommes que des femmes. Ceux qui acceptent de rentrer dans la combine commettent eux aussi un délit, qui peut être puni par des peines de prison avec sursis. « On a souvent affaire à des femmes influençables, qui ont des parcours compliqués », précise l’adjointe roubaisienne.
Selon elle, il y a aussi, à l’inverse, le cas de femmes d’âge mûr, envoyées « du bled » épouser un célibataire roubaisien encore plus âgé, pour les « caser ». « On est parfois à la limite, cela peut être considéré comme une forme de mariage arrangé et dans ce cas on n’a pas grand-chose à dire, poursuit Margaret Connell. Mais ce sont aussi parfois des faux mariages, où la femme sert en réalité de servante. » S’il n’est pas détecté à temps, le mariage blanc peut toujours être annulé après coup : l’adjointe au maire se souvient d’une situation de ce type, dénoncée par une lettre anonyme. « Les gens doivent se mettre dans la tête que même s’ils ont réussi à se marier, ils ne sont pas à l’abri », martèle Margaret Connell.