« Dans ce moment-là, où nous assistons à une montée particulièrement inquiétante du Front national avec des propos de haine […] il faut rassembler, et il faut rassembler notamment toute la gauche »
a déclaré Manuel Valls chez qui l’inquiétude grandit au fur et à mesure qu’il prend connaissance des sondages désastreux pour le PS et des projections selon lesquelles les départements perdus au soir du 29 mars se compteront par dizaines. Le même qui avait attaqué les « frondeurs » avec des mots très durs dans le passé, notamment lors du vote de la loi Rothschild-Macron, tente désormais de se les concilier.
Certaines sources évoquent des négociations en vue du prochain remaniement ministériel ; Manuel Valls tente par tous les moyens d’empêcher l’émergence d’une extrême gauche puissante comme en Grèce et en Espagne, d’autant plus puissante qu’elle pourrait compter sur le ralliement de nombreux membres du Parti socialiste (PS). Jusqu’ici les querelles des ego et les affrontements de chapelles ont rendu l’idée même d’une tentative de fédération des forces d’extrême gauche illusoires.
L’aile droite du PS est prête à tout pour empêcher l’implosion du parti qui signerait la fin des carrières politiciennes de la plupart de ses cadres faillis. En parallèle à l’offensive anti-FN, et corrélativement, la petite fraction hollando-vallsienne tente de réunifier le parti, jouant sur le danger antifasciste1. Il s’agit également de consolider la majorité après le désastreux effet produit par l’utilisation du 49.3 au sein de la gauche.
François Hollande – à la fureur des députés non frondeurs – a invité une dizaine de députés frondeurs à un apéritif hier soir. Leur président, qui prétendait incarner « l’unité nationale » il y a deux mois, en est réduit à négocier l’unité de son propre parti. Aucun communiqué n’a été diffusé pour faire savoir si le PS avait fait la paix autour de ces bonnes bouteilles de rhum qui font la réputation des parties de l’Élysée. C’est peut-être cela qui a délié les langues :
« C’était un vrai échange, pendant 2h15, autour de la table du Conseil des ministres, pas une rencontre pour se faire des reproches »
s’est réjoui Christian Paul comme les autres frondeurs présents. Le chemin semble encore long cependant, les frondeurs réaffirmant leurs positions et leur volonté de changer de politique.
« Je ne les ai jamais appelés frondeurs. Je les ai toujours considérés comme des députés socialistes. Et je n’ai jamais dramatisé. Toutes les grandes démocraties connaissent des débats de ce genre. Le président Obama a été en difficulté avec sa propre majorité pour sa loi sur la sécurité sociale. Ce qui me préoccupe c’est de savoir comment on sort de ces contradictions par le haut. Après le temps du débat, il doit y avoir le temps du compromis puis le temps de l’unité. Tout le monde doit y mettre du sien. Il faut améliorer notre fonctionnement, car il faut rétablir la confiance. Le débat, le compromis et l’unité sont des moteurs de confiance »
a déclaré de son côté le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone (PS).
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1 C’est par une manipulation identique, mais plutôt lancée par la gauche de la SFIO à l’époque, que le mouvement d’union de la gauche avait été lancé en 1934. Il avait abouti deux ans plus tard à la victoire du Front populaire et de Léon Blum. Comme le constatait amèrement Xavier Vallat : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain [était] gouverné par un Juif ».