En politique, parler d’une réalité – à grande échelle – c’est la rendre possible. C’est le cas pour la victoire du Front national à l’élection présidentielle comme pour la guerre civile ou pour la sécession des territoires d’une nation, quelles que soient les conséquences de telles réalisations. C’est l’une des grandes victoires des « eurosceptiques » en Grande-Bretagne, qui ont obtenu du gouvernement, qui s’est saisi de l’occasion pour tenter de raffermir son pouvoir en exerçant du chantage avec ses partenaires européens, la tenue d’un référendum.
Électorat indécis pour référendum sans date
« Je ne me fais aucune illusion ».
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker n’a pas caché qu’après une année 2015 catastrophique, 2016 pourrait être encore pire pour le super-État fédéral. En plus de la crise de l’invasion et l’explosion des accords de Schengen, de la guerre en Ukraine, d’une économie atone et d’un taux de chômage très élevé, l’Union européenne (UE) sera traversée en 2016 par les négociations préalables au référendum dans le Royaume (de moins en moins) uni sur le maintien ou non dans l’Union.
La promesse d’un référendum date de 2013. Elle avait été prononcée par David Cameron alors en campagne. Après avoir gagné les élections générales en mai 2015, la décision de la tenue d’un référendum a été l’une des premières décisions prises par le nouveau gouvernement. Ce dernier s’est donné du temps : le vote ne devra se tenir qu’avant la fin de 2017, donnant d’une part du temps au gouvernement pour « négocier » avec ses « partenaires » européens, d’autre part d’étudier l’évolution des sondages d’opinion pour donner les meilleures chances au résultat souhaité.
Gauche, indépendantistes et libéraux unis pour le maintien dans l’UE
Le oui au maintien dans l’UE est soutenu par la majeure partie des acteurs politiques, de l’ensemble des partis indépendantistes (le Parti national écossais (SNP, Scottish National Party) comme les Irlandais de Nous mêmes (SF, Sinn Féin) et le Parti du Pays de Galles (Plaid Cymru)) aux groupes de gauche et libéralistes (les ‘Verts’, le Parti travailliste (Labour Party), le Parti social-démocrate et travailliste (SDLP, Social Democratic and Labour Party), les Libéraux-démocrates (Liberal Demcrats), etc.).
Les partisans du retrait de la Grande-Bretagne de l’UE sont beaucoup moins nombreux. Il s’agit essentiellement du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP, United Kingdom Independence Party) et des partis unionistes d’Irlande du Nord.
Le Parti conservateur (Conservative Party), qui présente cette particularité d’avoir pour trois principaux dirigeants des Juifs1, n’a pas formellement pris part à la campagne pour l’un ou l’autre camp. De nombreux cadres se sont cependant engagés dans la campagne en faveur du retrait.
Les sept derniers sondages donnent le maintien dans l’UE vainqueur à quatre reprises – les quatre dernières enquêtes –, le retrait devant deux fois, le dernier concluant à une égalité des suffrages.
L’UE ou le chantage permanent
Le représentant du Parti conservateur, David Cameron, premier ministre, tente d’arracher de multiples « accommodements », pour obtenir des règles en sa faveur et ne pas être contraint à obéir aux lois de l’Union qui lui disconviennent. Cette manière de procéder s’inscrit dans la droite ligne des pratiques de ses prédécesseurs, de Margaret Tatcher et autres dirigeants britanniques, qui n’ont clairement jamais partagé la même vision de l’UE que les dirigeants du continent.
Plus le courant anti-UE en Grande-Bretagne est fort, plus David Cameron réclame des aménagements ; processus qui nourrit en retour les anti-UE… David Cameron sait que le « Brexit » serait un signal extrêmement négatif pour les européistes, ce qu’ils peuvent difficilement se permettre en cette période.
Le chantage fonctionne depuis longtemps au sein de l’UE. Dernièrement encore, le régime islamiste turc a fait plier l’exécutif européiste, obtenant plusieurs milliards et la réouverture des négociations pour son adhésion, en échange du simple respect du droit international.
En milieu de semaine, les dirigeants européens se sont réunis pour discuter des demandes britanniques.
« Nous ne poussons pas pour avoir un accord ce soir, mais nous poussons pour créer un véritable élan afin de boucler cet accord. Donc je vais me battre pour la Grande-Bretagne toute la nuit et je pense que nous allons avoir un bon accord »,
avait fait savoir David Cameron.
Pas d’avancées
Sans qu’il soit possible de savoir quelles seront les conséquences sur les électeurs britanniques, David Cameron n’a obtenu aucune réelle avancée. Le Conseil avait déjà annoncé qu’il était prêt à négocier sur trois des quatre grandes propositions britanniques :
-renforcer la compétitivité de l’UE en renforçant les parlements nationaux ;
-protéger les pays n’adhérant pas à la monnaie unique de décision de la Banque centrale européenne (BCE) de décisions contraires aux intérêts des Britanniques – des financiers de la City plus précisément ;
-voir la Grande-Bretagne être déliée de la mention évoquant une « union toujours plus étroite ».
Concernant la quatrième proposition, la plus simple et la plus sensée, ils ont au contraire imposé un veto très ferme. Elle vise à suspendre pour quatre ans toutes les aides sociales aux immigrés y compris ceux qui viennent de l’UE, y compris s’ils exercent un emploi.
David Cameron s’est montré très confiant après les discussions avec ses homologues.
« Les dirigeants ont exprimé leurs préoccupations, mais ils ont aussi manifesté leur volonté de chercher un compromis »,
a répondu diplomatique Donald Tusk à l’enthousiasme du premier ministre britannique, pour rappeler qu’aucun changement n’était intervenu.
« [Les rencontres] ont montré la bonne volonté de toutes les parties impliquées, mais cela ne change pas le fait que certaines propositions britanniques semblent inacceptables »,
a précisé celui qui préside actuellement le Conseil européen. La prochaine étape sera le conseil européen de mi-février.
1Dirigé par David Cameron, premier ministre, il est présidé par Andrew Simon Feldman ; son vice-président est Robert Halfon. Il n’est pas inutile de faire le rapprochement avec son homologue français qui avait, jusqu’à il y a peu, deux juifs parmi ses trois principaux dirigeants : son président Nicolas Sárközy et sa vice-présidente Nathalie Kosciusko-Morizet.