Cela peut constituer une surprise pour certains, mais les conséquences du transport maritime sur la nature sont catastrophiques.
Bientôt, nous serons à nouveau nombreux à partir en vacances en prenant l’avion ou l’Autoroute du Soleil. Tout cela est très polluant. À l’inverse, le transport maritime nous semble moins nuisible pour l’environnement que le transport aérien ou routier. Mais est-ce vraiment le cas ?
La journaliste climatique et exploratrice Bernice Notenboom a enquêté et nous donne son point de vue dans le documentaire « Sea Blind » pour lequel elle a voyagé en Arctique, en Norvège, en Russie, au Groenland, au Canada, au Danemark, aux États-Unis, en Angleterre, à Rotterdam et à Terschelling. Elle a parlé à des scientifiques, des armateurs, des expéditeurs, des ingénieurs, des organisations environnementales et des experts maritimes.
90 000 porte-conteneurs sur les mers en permanence
Environ 90 % de tout ce qui se trouve dans nos magasins est transporté par bateau. Nourriture, vêtements, meubles, appareils électroniques, automobiles, etc. À bord de l’Oscar, le plus grand porte-conteneurs du monde, on peut embarquer 19 200 conteneurs. De quoi transporter 954 millions de bananes, 39 000 voitures, 117 millions de paires de chaussures et 900 millions de boîtes de nourriture pour chiens. Dans le monde, plus de 90 000 porte-conteneurs transportent sans cesse de lourdes cargaisons.
« Partout dans le monde, les marchandises transportées par ces porte-conteneurs sont indispensables. Nous attendons que ces marchandises soient livrées à temps dans nos magasins pour un prix raisonnable. Et ces centaines de kilos de bananes pourries, on en fait quoi ? Nous les jetons. »
Énormes émissions d’oxyde de soufre
Le secteur du transport maritime est relativement propre si l’on se contente d’observer les émissions par tonne de marchandises transportée. Mais ces énormes quantités de marchandises déforment la réalité des chiffres. En terme de pollution absolue, les chiffres sont très différents. Les 17 plus grands porte-conteneurs émettent ensemble autant d’oxydes de soufre que toutes les voitures du monde. Le transport maritime est en outre responsable d’environ 3 % des émissions mondiales de CO2.
Le transport maritime est néfaste pour la qualité de l’air
La plupart des navires utilisent du pétrole de soute bon marché. C’est une huile épaisse qui est un résidu du raffinage des carburants pour voiture. « Il s’agit en fait d’un carburant qui est un déchet pour les raffineries », explique Bernice Notenboom. Le pétrole de soute bon marché est très polluant : par litre, il peut contenir jusqu’à 2 000 fois plus de soufre que le diesel conventionnel.
Une absence de régulation du transport maritime
La nature opaque et non réglementée du transport maritime est étroitement liée à son caractère polluant et mérite une attention d’autant plus grande. La moitié des 6 000 porte-conteneurs est immatriculée dans un autre pays que son pays d’origine. La plupart (33 %) sont enregistrés au Panama. Et ce, bien que ni le propriétaire, ni l’équipage, ni l’itinéraire ou le chargement ne soient liés de près ou de loin avec le Panama.
Comment cela est-il possible ? Les navires peuvent, après une procédure d’immatriculation simplifiée, naviguer sous des pavillons de complaisance comme celui de la Mongolie, un pays qui n’a pourtant ni mer, ni flotte. Les pavillons de complaisance offrent de nombreux avantages : faible taux d’imposition, main-d’œuvre bon marché (et non syndiquée) et absence de contrôles. De quoi polluer en toute tranquillité…
Améliorations en vue
Depuis le 1er janvier 2015, dans certaines zones côtières, des réglementations sur le soufre sont entrées en vigueur. Après des dizaines d’années de négociations, les 170 pays membres de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) sont arrivés l’an dernier à un consensus sur ce sujet. En mer du Nord, en mer Baltique et le long des côtes d’Amérique du Nord ou du Canada, les navires doivent à présent utiliser un diesel qui ne contient que 0,1 % de soufre. Mais les contrôles dans ce no man’s land restent un vrai problème…
De nombreux navires évitent les zones règlementées
Arnold Van Vuren, directeur du transport maritime néerlandais, est responsable de l’inspection pour la navigation maritime et intérieure. Il estime qu’il y a encore beaucoup à faire en mer où aucun contrôle n’est mené et où le temps et l’argent manquent pour faire respecter la loi.
Les inspections portuaires européennes partagent depuis peu une base de données et des listes noires des navires en infraction mais, selon Van Vuren, de nombreux navires contournent les zones où la règlementation sur le soufre est d’application. « En pleine mer, ce bénéfice économique devrait être supprimé. Tout le monde devrait respecter les mêmes règles », explique-t-il.
La solution, selon Van Vuren, serait que les consommateurs soient prêts à accepter des coûts de transport plus élevés : « Même si le diesel à faible teneur en soufre est deux fois plus cher que l’huile de soute, le consommateur n’est pour le moment pas prêt à payer un cent supplémentaire pour une boîte de soda. »
Sea Blind : un regard critique sur le transport maritime
Des mesures visant à rendre le transport maritime international plus respectueux de l’environnement ont été supprimées au dernier moment lors de la signature de l’accord sur le climat des Nations Unies, à Paris. Dommage, car ce secteur pourrait avoir un énorme impact sur une amélioration de la problématique climatique. La journaliste climatique et exploratrice Bernice Notenboom a enquêté en profondeur au sein du transport maritime international, pour produire « Sea Blind » un documentaire très critique. Regardez la bande-annonce.
Pieter Kerstens