La double attaque américano-anglo-française et israélienne contre la Syrie n’a pu être effectuée qu’avec l’aval des « Russes », entendant par là le système eurasien néo-communiste qui a, du reste, conservé les insignes de l’Armée Rouge et vient, ce 9 mai, de célébrer la victoire du 8 mai 1945, devant le Kremlin, avec pour invité de marque « Bibi » Netanyahou : à cet égard néo communistes de l’Est et néo-conservateurs de l’Ouest se donnent la main pour cueillir ensemble les fruits continuels de la victoire.
Il était possible à la Russie de freiner l’initiative de la coalition qui a encouragé les attaques israéliennes, sur un plan militaire et aussi moral, en dénonçant clairement le mensonge ayant servi d’argument aux lanceurs de missiles. Les relations dont on nous entretient entre l’armée russe et israélienne font que toute initiative de « frappe », comme on aime à dire, est non seulement connue mais approuvée ou tolérée, acceptée ou soutenue par un système politique dont la dépendance envers les forces qui disposent aussi de l’Amérique, devrait devenir de plus en plus évident.
Serait-ce à dire que nous ayons affaire à un serpent à deux têtes ? Le temps qui dévoile tout le montrera. Et nous pourrions citer, avec Benoist-Méchin qui fut, sur place, témoin de l’agression israélienne contre l’Égypte nassérienne en 1967, et reprendre à notre compte, ce propos rapporté par lui d’un passant égyptien manifestant sa colère devant l’ambassade soviétique dans le même temps qu’une foule vociférante, ce samedi 9 juin, s’en prenait à l’ambassade U.S. :
– « Et les Russes, pas amis ? » demande l’ancien secrétaire d’État Jacques Benoist-Méchin.
– Non, lui est-il répondu : « Les Américains on les connaît. Ce sont des ennemis. On n’a rien à en attendre. Mais les Russes ? Ils nous ont prévenus qu’Israël allait nous attaquer. Ils nous ont dit qu’ils nous soutiendraient. Et puis, quand Israël attaque, ils nous laissent tomber ! Vous appelez ça des amis ? Qu’ils retournent chez eux… » (« Deux étés africains », Albin Michel, 389pp., p.248)
Dans ses notes du mardi 6 juin 1967, l’ancien homme politique, vingt ans plus tôt condamné à mort puis gracié pour raison de santé (à cause d’une septicémie… dont il guérit par miracle), rapporte les déclarations de soutien soviétique à Nasser, qui se terminent par cette dépêche de New York : « MM. Fedorenko (URSS) et Goldberg (USA) ont décidé de se rencontrer en tête à tête pour tenter de mettre au point une résolution commune avant la reprise des travaux (des Nations Unies) ». « Point n’est besoin de lire entre les lignes pour comprendre ce que cela signifie », commente l’auteur (p.239).
Abordant la position politique de la Chine, il reconnaît que « l’analyse est lucide ; le réquisitoire contre Washington et Moscou vigoureux » « Et puis tout retombe comme un soufflé qui se refroidit » !
Devons nous assister au calamiteux spectacle d’une reculade russe qui serait la trahison de ses propres soldats engagés sur un front pendant que les chefs s’entendent par des visites régulières de leurs supposés adversaires ?
Entre temps l’Europe réelle subit des pertes considérables, au nom d’une menace iranienne loufoque et le quotidien de l’économie « Les Echos » (ce jeudi 17 mai) de titrer ce jour que les entreprises françaises sont « contraintes de quitter l’Iran », et que Total est « en passe de renoncer à son vaste projet gazier dans le Golfe Persique au profit des Chinois », perspective moins gênante pour Israël que de savoir une Europe « occidentale », dont en premier l’Allemagne et l’Italie, faire fructifier leurs compétences en ces lieux qu’il entend soumettre, en puissance non pas prétendument locale, mais bien, en réalité, mondiale.
Qui ne voit le sens symbolique de cette visite de « Bibi »Netanyahou à Vladimir Poutine, rose rouge en main, non pas seulement pour célébrer leur commune victoire, mais soutenir leurs efforts contre les adversaires d’hier qui seront leurs concurrents perpétuels à travers le conflit mondial qui ne cesse de se développer depuis août 1914 ?
Le sacrifice des soldats russes et syriens tombés contre les mercenaires de ce même invité de la Place Rouge est ainsi méprisé par les marionnettes néo-conservatrices et néo-communistes qui s’entendent comme larrons en foire !
Pierre Dortiguier