Le 13 juin 2019, les navires de commerce Front Altair et Kokuka Courageous auraient été « attaqués » dans le golfe d’Oman, près du détroit d’Ormuz, selon leurs compagnies respectives. Le Front Altair, navire battant pavillon des Marshall, est un tanker norvégien de 111 000 tonnes. Le second navire, le Kokuka Courageous, est un méthanier japonais. Les deux incidents ont eu lieu à une heure d’intervalle à 25 mille nautiques et 28 milles nautiques de Bandar-e Jask, ville située dans le sud de l’Iran.
Le propriétaire norvégien du 1er navire a évoqué « 3 explosions à bord » sans avancer de cause. L’armateur du 2ème évoque « une brèche au dessus de la ligne de flottaison ». Il n’en fallait pas plus aux Yankees pour tenter de manière éhontée d’accroître les pressions de multiples manières sur l’Iran et d’isoler le pays sur la scène internationale… Pour y trouver prétexte ou préparer une attaque dont ils sont coutumiers (les Etats-Unis ont été en guerre 222 des 239 années de leur existence) ?
Les accusations américaines
Ainsi, le jour même, Mike Pompeo, secrétaire d’État des États-Unis, a affirmé que l’administration américaine considère la République islamique d’Iran comme responsable des attaques… Quelle rapidité d’enquête !
« Cette évaluation est basée sur les renseignements, les armes utilisées, le niveau d’expertise nécessaire pour mener à bien l’opération, des attaques iraniennes similaires récemment menées contre la marine marchande ainsi que le fait qu’aucun groupe, soutenu par l’Iran, n’avait les ressources et la compétence nécessaire pour agir avec un tel degré de puissance et de sophistication », a déclaré Mike Pompeo lors d’une conférence de presse au département d’État.
Et d’ajouter : « L’Iran a promis, le 12 avril, au monde entier qu’il allait mettre fin au transfert du pétrole par le détroit d’Hormuz et il tente de le faire maintenant. »
Mike Pompeo a continué en ce sens : « L’Iran attaque parce que son régime veut que notre efficace campagne de pression maximale contre lui soit levée. Aucune sanction économique ne donne à la République islamique le droit d’attaquer des civils innocents, de perturber les marchés mondiaux du pétrole et de se livrer à un chantage nucléaire. »
Il a souligné que les États-Unis avaient saisi le Conseil de sécurité des Nations unies pour faire valoir leurs arguments. « La communauté mondiale condamne les attaques menées par l’Iran contre une libre navigation maritime et contre des civils. J’ai ordonné à notre ambassadeur à l’ONU d’évoquer cette question au Conseil de sécurité », a ajouté Pompeo.
Des propos qui tranchent avec la réaction russe. Le vice ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riyabkov, a appelé les diverses parties à éviter toute conclusion hâtive. « La situation est tellement sensible que le moindre faux pas ou malentendu pourrait avoir des conséquences irréparables ». « Il faut examiner la situation avec calme et impartialité et éviter toute conclusion hâtive. Il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu. Qu’on évite surtout d’accuser tel ou tel pays parce qu’on a des problèmes avec lui »
La réponse iranienne
Une vidéo, publiée sur le site web de la radiotélévision de la République islamique d’Iran montre les membres de l’équipage d’un des pétroliers touchés par une explosion d’origine inconnue dans la mer d’Oman, secourues par des équipes iraniennes. La vidéo réfute les fausses informations de certains médias selon lesquelles l’Iran aurait évité d’aider les marins travaillant sur le navire.
Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a réagi aux accusations américaines sur Twitter accusant à son tour les Etats-Unis « de sabotage diplomatique et de maquillage de son terrorisme économique contre l’Iran » et jugeant « sans fondement » les accusations d’une implication iranienne dans les attaques. « Des attaques contre des pétroliers, liés au Japon, ont eu lieu alors que le Premier ministre japonais, Abe Shinzo rencontrait l’Ayatollah Khamenei pour des entretiens approfondis et amicaux. Même le terme « suspect » est inapproprié pour ce qui s’est passé ce matin ».
Il a été rejoint par le propriétaire japonais du pétrolier qui a affirmé que les accusations américaines ne sont pas fondées : selon l’équipage, le bateau aurait été percuté par un objet volant !
Le calendrier de cet incident est en effet étrange, car il coïncide avec la réunion qui a eu lieu entre le Premier ministre japonais, Abe Shinzo et le Leader de la Révolution islamique, l’Ayatollah Seyyed Ali Khamenei. Le fait que les deux pétroliers appartenaient au Japon dont le Premier ministre se trouvait au moment des explosions en Iran n’est peut-être pas anodin pour beaucoup d’observateurs. Ils pensent que les attaquants ont cherché à saper cette visite et à réunir les conditions nécessaires pour qu’éclate finalement une guerre dans la région.
Ces « attaques » interviennent dans un contexte inflammable, sur fond de tensions croissantes entre Téhéran et Washington autour du nucléaire iranien. Les Etats-Unis ont quitté unilatéralement, en 2018, l’accord de 2015 conclu à Vienne, puis ont rétabli et renforcé des sanctions contre la République islamique. Donald Trump a notamment imposé des sanctions contre « les secteurs du fer, de l’acier, de l’aluminium et du cuivre ».
Les États-Unis veulent la guerre
Depuis, les Etats-Unis ne cessent de durcir leur politique à l’égard de l’Iran et de renforcer leurs moyens militaires dans la région, avec notamment l’envoi d’un porte-avions et de missiles Patriot. En réponse aux pressions des États-Unis et de ses alliés arabes (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis), Téhéran a menacé à plusieurs reprises de fermer le détroit d’Ormuz par lequel transite 35% du pétrole transporté par voie maritime.
Persistant dans leurs accusations, les Etats-Unis ont publié lundi 17 juin de nouvelles photos présentées comme incriminant l’Iran… Les onze photos rendues publiques par le Pentagone montreraient un objet métallique circulaire d’environ huit centimètres de diamètre attaché à la coque du pétrolier japonais Kokuka Courageous et la cavité sur la coque du même pétrolier. Après l’hypothèse du tir de torpille qui s’est révélé peu convaincant, ils affirment aujourd’hui que les dégats ont été occasionnés par des mines « limpet » posées par des Iraniens…
Affirmation tout aussi gratuites que les précédentes mais donnant l’occasion au chef du Pentagone, Patrick Shanahan, « d’autoriser l’envoi de 1 000 troupes supplémentaires à des fins défensives pour répondre à des menaces aériennes, navales et terrestres au Moyen-Orient ».
Malgré toutes leurs belliqueuses accusations, les officiels américains sont beaucoup moins volubiles sur les mobiles éventuels des Iraniens pour s’attaquer à des navires de commerce japonais… Quel aurait été l’intérêt iranien à attaquer les super tankers liés au Japon au moment où le Premier ministre nippon rencontrait l’Ayatollah Khamenei dans une atmosphère amicale et axée sur une volonté de développement réciproque ?
À qui profite le crime ?
D’autres pistes que l’origine iranienne des attaques méritent quand même d’être examinées.
L’une des hypothèses qui circulent verrait dans l’attaque contre les pétroliers dans le Golfe Persique une opération menée clandestinement par l’armée américaine, bras armé du Complexe Militaro Industriel américain. Alors que Donald Trump voulait vendre des armes à l’Arabie saoudite, une majorité de Sénateurs et de Représentants qui lui sont hostiles avait déposé au Sénat une résolution visant à interdire ces ventes d’armes tant à l’Arabie saoudite qu’au Qatar. L’attaque, qu’elle soit faussement attribuée à l’Iran ou à tout autre pays, justifiait que les ventes d’armes soit de nouveau autorisées.
D’autres encore rappellent qu’il est actuellement vital pour l’État juif qui occupe illégalement la Palestine de se débarrasser du régime des Mollah en Iran et, dans le cadre son extension d’influence au Proche-Orient, de se débarrasser de tous les « régimes ennemis » (Syrie, Irak, Yemen). Et l’on sait que lorsqu’il s’agit de sa survie, l’État juif ne recule devant rien. Des précédents d’implications israéliennes dans le terrorisme existent : l’affaire de l’USS Liberty attaqué le 8 juin 1967, l’explosion de l’Hotel King David le 22 Juillet 1946, l’assassinat de l’envoyé spécial suédois de l’ONU Folke Bernadotte le 17 septembre 1948 et du colonel français André Sérot, commandant des observateurs de l’ONU en Palestine… Sans même évoquer la longue série d’attentats ayant précédé l’auto-proclamation d’indépendance d’Israël le 14 mai 1948.