L’élan patriotique de la société bulgare
Unis au sein de l’Alliance balkanique (traités serbo-bulgare du 13 mars 1912 et gréco-bulgare du 29 mai 1912), quatre pays balkaniques – la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro – déclarent la guerre contre la Turquie pour libérer les territoires peuplés de chrétiens dans sa partie européenne.
L’idée d’indépendance des Bulgares de Macédoine et de Thrace de la région d’Edirne, territoires toujours occupés par l’Empire ottoman, a toujours été présente et forte dans la conscience populaire après la Libération du pays en 1878. C’est une cause nationale. C’est au nom de cette idée que voit le jour le mouvement de libération dont l’apogée est marqué par l’Insurrection de 1903 qui, malheureusement, échoue. A l’automne 1911, dans la ville de Štip en Macédoine des révolutionnaires bulgares organisent un attentat pour attirer l’attention de l’opinion internationale sur les aspirations à l’autonomie de la Macédoine. Cet attentat conduit à des représailles contre la population bulgare qui font 20 morts et environ 300 blessés.
L’écho de l’attentat et de la répression est très fort dans le Royaume de Bulgarie et on observe de nombreuses démonstrations populaires revendiquant la libération des compatriotes oppressés par les autorités ottomanes. Tout cela encourage le gouvernement bulgare à mettre sur pied l’Union des Balkans par le biais d’accords bilatéraux avec, d’abord, la Serbie, ensuite la Grèce. La montée de l’élan patriotique ne laisse pas le choix au gouvernement bulgare et il se voit obligé de recourir aux armes dans le but d’une victoire décisive. L’académicien Guéorgui Markov, directeur de l’Institut de recherches historiques, considère que le premier ministre bulgare de l’époque Ivan Guéchov, un banquier pacifique et président de l’Académie bulgare des sciences, n’avait pas souhaité la guerre.
« Son parti politique, le Parti populaire, non plus. Mais après les deux carnages de la ville de Štip et de Kotchani le pays croule sous les meetings et les réunions de protestations qui ne cessent d’envoyer au palais royal et au parlement des télégrammes. Il existe huit chemises dans les archives personnelles du roi Ferdinand contenant de tels télégrammes et lettres exigeant la proclamation de la guerre ».
De nombreux correspondants étrangers indiquent avec surprise à cette époque que les forces armées bulgares ne représentent pas uniquement des armées mais qu’il s’agit en réalité d’un peuple armé. Les spectacles du Théâtre national, le plus prestigieux dans le pays, sont interrompus durant la guerre étant donné que la majorité des artistes rejoignent les forces armées. De nombreux autres intellectuels bulgares s’inscrivent dans le Premier régiment d’infanterie de Sofia.
La mobilisation et la marche des armées vers les frontières matérialisent cet incroyable élan dans des scènes inoubliables dont parlent les reporters de cette époque.
« L’appel à la mobilisation, écrit le correspondant militaire le capitaine Spas Ikonomov, a été accueilli non pas avec de la joie et avec de l’approbation, il a été accueilli avec un enthousiasme frénétique sans bornes ».
Et voilà comment le journaliste français René Puaux du journal Le Temps décrit la marche des armées vers la frontière :
« Ce sont des milliers et des milliers de personnes, justes mobilisées, certains en uniforme, d’autres dans leurs habits de tous les jours, armées de vieux modèles de fusils avec des cartouchières en bandoulière, suivies de chariots tirés par des bœufs et la cavalerie, sortie tout droit, dirait-on des temps préhistoriques. Ils sont tous joyeux, fébriles, exaltés et aux regards belliqueux et ils marchent infatigablement vers le sud… »
Suite aux combats les Ottomans sont contraint d’abandonner 90 % de leurs territoires balkaniques : c’est-à-dire toutes leurs possessions à l’ouest d’une ligne Enez-Kıyıköy (Enos-Midia) qui sont cédées à la Ligue et répartis entre les différents alliés suivant la ligne de front au moment de l’armistice.
Malheureusement une partie de l’Europe reste occupée par le Turc encore et toujours en Thrace, à l’Ouest des détroits du Bosphore et des Dardanelles. Mais le jour viendra où la croix trônera de nouveau sur le dôme de Sainte-Sophie, Istanbul redeviendra Constantinople et nous pavoiserons San Stefano des drapeaux de la Chrétienté d’orient restaurée !