Barack Obama à la tête de la croisade contre l’État islamique
L’Élysée a annoncé hier qu’une conférence internationale sur l’Irak se tiendrait le 15 septembre à Paris. Outre les pays occidentaux, le président irakien Fuad Masum et plusieurs représentants des puissances régionales seront présents. Cette réunion sera précédée par la visite de François Hollande en Irak vendredi, avec le double avantage pour lui de pouvoir s’emparer d’un sujet qui fait presque l’unanimité, et de pouvoir parader hors de France, loin des Français.
Avant tout cela, après avoir rencontré les représentants du Congrès, le président américain Barack Obama aura déjà déterminé l’essentiel : il doit s’adresser aujourd’hui aux Américains à propos de l’intervention américaine en Irak lancée en août, de son extension dans les temps à venir. Les États-Unis prendront la tête de cette « croisade internationale » contre les islamistes alors même que les États-Unis, par leur soutien aux pires régimes du Golfe, par leur politique inconsidérée dans la région et au-delà, par leur alignement inconditionnel sur Israël, font figure de principal artisan de la naissance et de la diffusion du terrorisme islamique à travers la planète.
Washington veut une lutte mondialisée contre les islamistes
Les États-Unis veulent aller plus loin qu’une intervention militaire en Irak – la troisième en 20 ans, qui a laissé à chaque fois le pays dans un état plus dramatique qu’avant. Ils ont lancé une offensive à l’ONU, où un projet de résolution a été soumis au Conseil de sécurité. Le texte prétend imposer – sous peine de sanctions – que « tous les États membres s’assurent que leurs lois et règles nationales instaurent de lourdes sanctions pénales » contre « combattants terroristes étrangers ». L’ONU s’arrogerait donc le droit d’exiger d’un pays non seulement qu’il adopte certaines lois, mais imposerait encore les peines associées. Celles-ci viseraient les ressortissants de chaque pays, mais également les terroristes qui transiteraient par ce pays. Ce passage vise expressément la Turquie, alors que plusieurs pays de la région ou d’Europe ont déjà légiféré contre les islamistes partant pour le Levant.
Le danger est grand de voir encore ce texte déborder largement le cadre de la lutte contre l’ÉI. Si le qualificatif de « terroriste » est utilisé pour l’État islamique, il peut également être appliqué à de nombreux groupes de résistance à travers le monde, comme des dissidences de l’IRA, le Hamas, le FLP ou le Hezbollah, pour ne citer que quelques-uns des groupes considérés comme « terroristes » par les États-Unis. Chaque grande puissance publie ainsi une liste d’organisations terroristes, dont les noms ne sont souvent, comme c’est le cas pour la Russie et la Chine, que ceux des organisations qui menacent directement les intérêts du pays.
Les autorités américaines ont déjà prévu de faire valider ce texte lors d’un sommet du Conseil de sécurité qui se réunira le 24 septembre sous la présidence de Barack Obama.
Une guerre pour sauver l’image de Barack Obama et François Hollande ?
Si François Hollande espère que cette opération de diversion sera profitable – alors que son ministre de la Défense évoque lui une attaque en Libye –, c’est un fait quasi assuré pour Barack Obama. Le président américain est au plus bas dans les sondages – loin cependant des abysses côtoyés par François Hollande – ; il a été « élu » « pire président des États-Unis dans un sondage. Mais il pourrait obtenir un regain de soutien avec cette intervention en Irak soutenue, selon une enquête pour le Washington Post, par 71 % des sondés, alors que 91 % d’entre eux considèrent l’État islamique comme une grave menace pour leur pays. Pour 65 % des personnes interrogées, les frappes doivent même être étendues en Syrie. Les parlementaires étasuniens sont très majoritairement favorables également à cette intervention – jusqu’à Rand Paul –, certains évoquant même une opération au sol.
La situation est beaucoup moins claire en France ; si un important soutien à l’aide humanitaire pour les chrétiens a vu le jour début août en France, François Hollande doit affronter le résultat de 50 ans de politique d’invasion menée par la République : un sondage réalisé par l’institut ICM Research révélait en juillet que 15 % des personnes interrogées en France sont favorables à l’État islamique, une proportion qui monte à 27 % – plus d’un sur quatre – pour les 18-24 ans. Les Français, exaspérés par la situation politique, économique et sociale, pourraient mal percevoir une nouvelle aventure militaire face à un ennemi plus puissant que les Touaregs du Mali ou les miliciens de Centrafrique.
Sur le terrain, en attendant de savoir si la « communauté internationale » fera la guerre au nom de l’ONU, des États-Unis, ou de l’OTAN, les raids aériens se sont poursuivis hier dans l’ouest du pays, près du barrage de Haditha (ouest), au profit de l’armée irakienne et de sunnites combattant contre l’ÉI.