Alstom et GE : une affaire de famille ?
Steve Immelt, l’avocat qui a conseillé l’entreprise française Alstom dans ses négociations avec General Electric (GE), n’est autre que le frère de Jeff Immelt, président-directeur général de General Electric. Steve Immelt devrait prochainement prendre la tête du cabinet Hogan Lovells, l’un des quinze plus gros cabinets d’affaires au monde, qui a conduit les discussions. L’information n’a pas provoqué le moindre scandale, ni en France, ni aux États-Unis, malgré la valeur stratégique d’Alstom, dont GE va prendre le contrôle du secteur énergie, et l’énormité des sommes en jeu. L’offre initiale de GE était de 12,32 milliards d’euros.
Ce cabinet aurait été choisi pour l’une de ses collaboratrices, Rachel Brandenburger. Juive également, comme l’ensemble des protagonistes de ce dossier, elle est issue du ministère de la Justice américain. Alstom aurait tenté de cette façon de se protéger contre de futures accusations de corruption, alors même que le groupe est déjà impliqué dans plusieurs procédures judiciaires pour des faits de corruption aux quatre coins de la planète.
Cet évident conflit d’intérêt pourrait aboutir à une amende record, d’autant que cette vente ne s’est jamais déroulée dans la transparence, au détriment notamment de la société allemande Siemens, qui a été écartée d’emblée, contre toute logique. Le comportement de Patrick Kron, le président d’Alstom, avait été diversement apprécié quand, les discussions commençant à peine, il avait vanté au personnel les bienfaits du rachat par GE.
La vente d’Alstom à GE, après avoir excité pendant quelques jours la grande scène de théâtre politicomédiatique, a été réalisée sans la moindre contestation syndicale ou politique.
630 millions d’euros d’amende aux États-Unis… et d’autres à venir
Le ministère de la Justice américain a obtenu que le groupe français reconnaisse les faits de corruption qui lui étaient reprochés. Alstom, après avoir plaidé coupable et accepté l’accord, devra payer une amende de 772,29 millions de dollars (4,1 milliards de francs). Il s’agit de la plus forte amende jamais infligée pour une affaire de corruption à l’étranger par la justice américaine.
Sous la direction de Patrick Kron (administrateur du groupe Alstom en 2001, directeur général en janvier 2003, puis président-directeur général en mars 2003), le groupe a multiplié les actes de corruption, en Égypte, en Arabie séoudite, dans les Bahamas ou à Taïwan. Ces faits n’ont jamais préoccupé la justice française et Patrick Kron a pu rester patron du groupe jusqu’à aujourd’hui.
D’autres États sont beaucoup moins laxistes : après les États-Unis, bien heureux de pouvoir ainsi infliger une lourde amende à un (ancien) concurrent, c’est la direction britannique de la répression des fraudes (Serious Fraud Office, SFO) qui a lancé une procédure judiciaire contre Alstom. Deux employés de la filiale britannique sont poursuivis pour des pots-de-vin, et d’autres faits auraient été commis durant les années 2000 en Lettonie, en Inde, en Pologne ou en Tunisie.
Patrick Kron pour avoir bradé Alstom, s’octroie 4,1 millions
Toutes ces affaires n’ont pas empêché Patrick Kron de s’octroyer une petite prime de quatre millions d’euros. Une belle récompense pour avoir contribué à détruire l’outil industriel français.
« C’était un collaborateur persifleur et subversif »
raconte un proche. Doté d’un culot incroyable, il tance ses managers d’un : « Ma poule, t’es nul ! » Le premier ministre Jean-Pierre Raffarin a lui-même longtemps côtoyé Patrick Kron (grand amateur de voile) lors de vacances à Royan, à l’époque où lui-même était premier ministre.
Patrick Kron sait quand il le faut prendre parti, par exemple contre Jean-Marie Le Pen lors de la campagne pour la présidentielle. « Patrick est quelqu’un qui aime bien profiter de la vie », témoigne l’un de ses camarades de chambrée, qui n’aime rien tant que « se faire cramer au soleil ».
En Grèce, bien sûr, où il séjournait encore cet été. Il est également passionné de golf, qu’il pratique à Marrakech – il a même fait sponsoriser un golfeur professionnel. L’hiver, il file à Megève, où il possède un appartement. « Son truc, c’est de vous appeler du télésiège ! » s’amuse un ami…
Malgré le bradage d’Alstom, malgré les amendes record, il vient d’annoncer qu’il refusait de renoncer à une prime d’environ 4,1 millions d’euros, l’équivalent d’environ 300 années de salaires au SMIC.
« Le conseil d’administration a dit oui. Il s’est appuyé sur le haut conseil de la gouvernance qui traite des questions relevant de la direction des entreprises cotées, qui a également considéré que c’était conforme aux bonnes pratiques (sic) »
Ce scandale n’aura pas fait plus de bruit que la vente d’Alstom à l’Américain General Electric (GE). Patrick Kron pourra continuer de longues années à se prélasser sur les plages de Grèce pendant que le FMI pille le pays ou skier à Megève pendant que les Français, dépouillé de toutes leurs industries, pourront toujours lui servir de chauffeur, de porte-valise, de femme de chambre ou de garde du corps.
(Voir également Alstom : la nationalisation ou la mort !)