Ces dernières heures ont été marquées par l’annonce et la confirmation par les deux camps de la mort d’un troisième manifestant, Roman Senyk, 45 ans, grièvement blessé mercredi. Des affrontements violents se sont produits vendredi soir. Des sites non-officiels pro-russes ont diffusé l’information selon laquelle un policier avait été abattu et un autre grièvement blessé d’un coup de couteau, mais cette information ne semble pas confirmée par les médiats proches du gouvernement, comme la mort de trois autres manifestants de l’opposition.
« Les événements des derniers jours dans la capitale ukrainienne ont montré que nos tentatives pour régler le conflit de manière pacifique, sans recours […] à la force, étaient vains. Nos appels n’ont pas été entendus et la trêve est violée. »
a déclaré samedi le ministre de l’Intérieur, Vitali Zakhartchenko, incarnant la voix de la fermeté tandis que le président ukrainien poursuit les négociations avec les opposants. La journée de dimanche a été marquée par de nouveaux affrontements à Kiev ; dans la nuit de samedi à dimanche, un bâtiment occupé par les forces de l’ordre a été attaqué. Dimanche matin, un autre face à face a tourné à la défaveur des policiers, dont le libéral Vitali Klitschko a négocié le repli. Hier soir, les manifestants ont pris le contrôle du ministère de la Justice à Kiev, qui a été « sécurisé » par des barricades. La nuit de dimanche à lundi aurait été marquée par des violences dans plusieurs régions d’Ukraine selon l’opposition.
Le président ukrainien a proposé l’entrée au gouvernement de deux des dirigeants libéraux de la contestation, refusant de discuter ou de promouvoir les nationalistes modérés ou radicaux qui forment aujourd’hui le cœur de la protestation. Le proche de Ioulia Tymochenko Arseni Iatseniouk pourrait devenir Premier ministre et Vitali Klitschko vice-Premier ministre. Ce dernier avait déclaré dans un premier temps : « Ianoukovitch a satisfait un grand nombre de nos exigences […] lLes négociations se poursuivent », avant, sous la pression de la rue, de devoir préciser que ces avancées étaient insuffisantes. Les propositions ont été refusées aussi bien par Svoboda que par le Secteur Droit, qui ont engagé une lutte à mort contre le gouvernement. Ces derniers sont engagés dans une révolution qu’ils veulent mener à son terme avec le départ des autorités.
La carte ci-dessous (réalisée par un journaliste pro-opposition libérale, Sergii Gorbachov) indique la situation ce matin à 8 h 00.
La vidéo illustre la violence des manifestants en province. Les images présentent la prise de contrôle du bâtiment abritant l’oblast de Vinnytsia, un important centre urbain à 200 kilomètres au sud-ouest de Kiev.
Les médiats polonais ont rapporté par ailleurs que des bus avaient été arrêtés et les passagers soumis à de fortes pressions de la part des manifestants avant d’être laissés libres de partir (source). Des faits abondamment commentés en Pologne, rappelant que le mouvement révolutionnaire ukrainien s’inscrit dans un contexte régional très tendu. Les pressions russes ou européistes font souvent oublier les multiples tensions identitaires d’une région où autrefois liées par la population et par l’administration à la Pologne et la Hongrie par exemple. Certaines de ces populations forment encore des petites communautés revendicatives .
Ces fortes tensions régionales étaient rappelées par la Russie par l’intermédiaire de Ria Novisti vendredi, appelant à des négociations sous l’égide de nations internationales neutres, comme la France et l’Allemagne, à l’exclusion de pays comme la Pologne et les États baltes, voir même de la Russie.
« Il n’y a aujourd’hui en Ukraine qu’un semblant de dialogue. Pendant ce temps le pays dérive chaque jour un peu plus vers la guerre civile. Ce mouvement suicidaire vers le gouffre doit être stoppé. Si les politiciens ukrainiens n’ont plus d’instinct de survie, il est probablement temps que les voisins de l’Ukraine lui viennent en aide. La Russie et l’UE en premier lieu mais pas ceux qui, jusqu’à présent, ont défini la politique de l’UE en Europe de l’est, ni les Polonais, ni les pays baltes, ni le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt car l’Ukraine est pour eux un champ de bataille géopolitique contre Moscou.
Aujourd’hui, la voix des poids lourds européens, des fondateurs de l’UE, est plus importante que jamais. Avant tout celle de l’Allemagne et de la France, qui ont une approche différente des jeunes pays européens : la stabilité sur le continent est importante à leurs yeux et la provocation d’une nouvelle Guerre froide ne fait partie de leurs projets, qui plus est au prix de la division de l’Ukraine. Seules les puissances européennes responsables et impartiales pourront proposer aux autorités et à l’opposition ukrainiennes un plan réaliste de sortie de crise, appuyé par leur autorité.
La Russie pourrait également rejoindre l’élaboration de ce plan, sachant qu’elle ne doit pas forcément afficher sa participation et jouer le premier rôle. Si sa présence suscitait un certain antagonisme auprès de l’une des parties en conflit, elle pourrait se retirer dans l’ombre. Après tout, l’important n’est pas de remporter des lauriers diplomatiques mais d’atteindre un objectif : stopper la guerre qui éclate et empêcher Kiev de suivre l’exemple de Damas. »