Youssouf Fofana, chef du gang des barbares, encore devant la justice
Le chef du gang des barbares est jugé à partir de mardi pour tentatives d’extorsion de fonds entre 2002 et 2004, avant même l’assassinat d’Ilan Halimi.
« Vous venez de recevoir l’annonce du déclenchement de la mort qui prendra effet dans 24 heures. Vous et les vôtres êtes devenus un objectif prioritaire pour notre organisation. » En ce mois d’avril 2004, André, le directeur juridique de Lagardère Active, reçoit de bien étranges menaces de mort. André ne le sait pas encore, mais ils sont des dizaines de grands patrons et de hauts dirigeants de multinationales et de grandes entreprises françaises à recevoir comme lui des courriers inquiétants.
Depuis le début des années 2000, les services de police enquêtent pour savoir qui se cache derrière ces menaces réitérées. Le 20 mai 2002, Georges, ancien cadre de Philips, découvre une grenade incendiaire sur le perron de son appartement. Trois mois plus tard, en juillet, c’est au tour des patrons de Rolex et de Whirlpool de découvrir un explosif à l’entrée de leur logement, avant que le PDG de Reebok ne trouve en septembre une grenade dans le jardin… de ses voisins.
Le mode opératoire est toujours le même, ou presque. Les chefs d’entreprise reçoivent un courrier de menace les sommant de verser des sommes astronomiques – plusieurs centaines de milliers d’euros ou de dollars – et leur demandant d’apporter l’argent à des points de rendez-vous fixés à l’avance, cités de la région parisienne ou stations de métro et de RER. S’ils ne répondent pas, les menaces s’accentuent. Les lettres, sur lesquelles on distingue des versets du Coran, sont parfois signées du « chef de la bande armée des Frères musulmans » ou du « Front de libération de la Palestine ». Et assorties d’une photo d’un homme en djellaba tenant une grenade, un lance-roquettes ou un bazooka, et portant à la main un livre dédié à Oussama Ben Laden.
But, Conforama, IBM, Daimler Chrysler, la société Jean Paul Gaultier… La liste des victimes s’allonge et un début de panique s’installe. Qui peut bien en vouloir à ces symboles du capitalisme occidental ? Les menaces se répètent, les domiciles des victimes sont placés sous surveillance, mais le mystérieux expéditeur des missives reste dans l’anonymat le plus complet et ne met jamais ses menaces à exécution. Les services de police ne parviennent pas à l’identifier.
Après une brève accalmie, l’enquête repart de plus belle au printemps-été 2004. Une voiture piégée à la bonbonne de gaz est découverte à Sceaux, près de Paris. Le domicile du directeur du groupe Pier Import est ciblé par des cocktails Molotov et le président de l’ONG Médecins sans frontières a la surprise de trouver dans la cour de sa maison une bouteille de vin remplie de liquide inflammable.
Plusieurs patrons et personnalités reçoivent désormais des e-mails de menace émis depuis des adresses comme « [email protected] ». L’auteur des courriels ne se revendique plus d’Allah, mais se réclame du mouvement indépendantiste corse ou du collectif de rap Mafia K’1 Fry…
Les policiers exploitent désespérément les images de vidéosurveillance des bureaux de poste et de plusieurs cybercafés, mais les investigations patinent. Jusqu’à ce qu’un rapprochement soit fait avec l’affaire Ilan Halimi, nom de ce vendeur de téléphones de 23 ans, séquestré, torturé et exécuté par Youssouf Fofana en février 2006. Fofana l’avait pris pour cible, estimant que le jeune homme avait de l’argent puisque sa famille était juive.
Pour les enquêteurs, il n’y a plus aucun doute. Le mode opératoire est exactement le même. Youssouf Fofana, le chef du gang des barbares, est bien l’auteur des menaces, soutiennent-ils. Condamné à la perpétuité pour l’assassinat d’Ilan Halimi en juillet 2009, Fofana fait donc son grand retour devant la justice française, où il doit être jugé mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour « menaces de mort » et « tentatives d’extorsion ». Le prévenu, qui avait refusé de donner le nom d’éventuels complices, avait reconnu les faits, avant de se rétracter.