Jeune Nation a rendu compte de la tournée de Donald Trump en Arabie saoudite et dans l’État sioniste frappée d’une forte animosité contre l’Iran taxé hypocritement de soutien au terrorisme : Trump au Proche-Orient : danse du sabre ou danse du ventre ?
Et la « Déclaration de Ryad » signée par les États-Unis et 55 pays musulmans sunnites a ressemblé à un adoubement et à un élargissement de la coalition arabe, dont l’Arabie saoudite a pris la tête, et qui frappe d’un côté les rebelles Houtis au Yémen et apporte son soutien clandestin de l’autre aux groupes takfiristes et jihadistes en Irak ou en Syrie !
L’onction de Donal Trump à cette croisade anti-iranienne a sonné comme un encouragement aux oreilles de nombreux dirigeants sunnites de la région pour accentuer la répression de leurs composantes populaires chiites.
Bahreïn, sanglante répression anti-chiites
Ainsi, au Royaume de Bahreïn, pétromonarchie insulaire du Golf persique peuplée d’environ 1 200 000 habitants dont la proportion de chiites dépasse les 65 % alors que la famille régnante al-Khalifa est sunnite.
Depuis 2011 le pays a connu des manifestations soutenues et répétées pour réclamer des réformes constitutionnelles au monarque, souvent menées par la population de confession chiite et très vite rejointes par les autres composantes populaires : chiites, sunnites, riches, pauvres, hommes, femmes, adolescents. Mais le régime s’est enfermé dans une répression de plus en plus sévère et depuis l’adoubement par Trump de l’hystérie anti-chiite, la violence redouble.
Ainsi mardi 23 mai les commandos du régime bahreïni ont attaqué le village d’al-Diraz. Les militaires du régime de Manama ont fait irruption dans la localité où se trouve la maison du cheikh Issa Qassem. Des dizaines d’effectifs de sécurité ont bouclé l’accès au domicile avant d’ouvrir le feu sur la foule réunie pacifiquement en « sit-in ». Au moins 5 personnes ont été tuées et plus d’une centaine d’autres blessées. Le ministère bahreïni de l’Intérieur a également arrêté 50 manifestants et aucune information n’a filtré sur leur devenir. Le sort de l’ayatollah Issa Qassem, leader religieux des chiites de Bahreïn, reste également jusque-là inconnu.
Les oulémas de Bahreïn ont réagi à ces événements et des réactions ne tardent pas à venir aussi de la part des oulémas du Liban et des oulémas chiites de la région qui pointent la responsabilité de l’Arabie saoudite et de Donald Trump par leurs gesticulations :
« Une fois qu’il a reçu l’aval des États-Unis, le roi de Bahreïn n’a pas lésiné. En moins de 24 heures, ses mercenaires ont fait irruption chez le cheikh Issa Qassem et l’ont arrêté. Nous croyons que les États-Unis et les pays du bassin du Golfe (Persique) sont impliqués dans les événements contre le cheikh Qassem et les citoyens à Bahreïn. Le régime a tué pas moins de cinq personnes. Il est donc impliqué dans un grand crime vis-à-vis de la population bahreïnie »
En réaction aux événements, le président de la Coalition de l’État de droit d’Irak a également dénoncé l’incursion des forces du régime bahreïni dans le domicile du cheikh Qassem avant d’appeler les organisations internationales à agir.
Et à la suite, le Hezbollah libanais a condamné dans un communiqué l’attaque des militaires du régime des al- Khalifa, appelant « les États et les organisations des droits de l’Homme qui ont encore de l’honneur et de l’indépendance, à condamner ce crime du régime de Manama ».
Cynismes américain et saoudien
Mais confortés par un silence politico-médiatique international, le ministère saoudien des Affaires étrangères a cyniquement apporté le soutien de Riyad à la politique et aux mesures de répression adoptées par le régime des al-Khalifa et censées « assurer la sécurité des citoyens et contenir les actes terroristes » selon une surréaliste dialectique inversée : « La sécurité et la stabilité de Bahreïn sont inséparables de celles de l’Arabie saoudite et des autres pays du golfe Persique ».
Rappelons que Barheïn abrite une base navale américaine, quartier général de la Ve flotte, le « NAVCENT », composante maritime du commandement central des États-Unis pour les opérations militaires au Proche-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud, et offre la base de Sheik Isa pour l’US Air Force.
Et à la vue des bonnes relations américano-barheïni manifestées à Ryad, de nombreux observateurs internationaux n’hésitent plus aujourd’hui à affirmer que Donald Trump a pu formellement donner au monarque-tyran al-Khalifa un chèque en blanc pour poursuivre la répression contre son peuple : « Nous allons avoir une relation de très, très long terme. J’en suis très impatient. Nous avons beaucoup de choses en commun », a glissé Trump lors d’une séance photos avec le roi…
La coalition saoudienne menace l’intégrité du Yémen
Au Yémen, la crise humanitaire s’est intensifiée depuis 2 ans dans la quasi indifférence mondiale. En effet l’Arabie saoudite conduit depuis mars 2015 une coalition de pays sunnites du Golfe dans des opérations militaires aériennes contre les miliciens chiites Houthis, appuyés par l’Iran. Le conflit a fait plus de 10 000 morts et 50 000 blessés.
Et aux bombardements meurtriers de la coalition s’est ajoutée une épidémie de choléra et de malnutrition sévère. La population peine à avoir accès aux soins, à la nourriture, à l’eau potable, à l’hygiène, ce qui favorise considérablement les risques épidémiques. Et selon des organisations humanitaires, « environ 19 millions d’habitants, soit environ deux tiers de la population, ont un besoin urgent d’aide humanitaire, dont 17 millions souffrent de la faim » ! Et malheureusement les autorités ne peuvent répondre à l’étendue des besoins, et l’aide internationale peine à se déployer compte tenu de l’insécurité liée à la guerre.
Menaces sur Hodeïda, principale source d’approvisionnement
Drame dans le drame, 80 % des importations de nourriture, de médicaments et de carburant transitent par la zone du port d’Hodeïda. Or la coalition dirigée par l’Arabie saoudite s’est dite déterminée à aider le « gouvernement » à reprendre les zones contrôlées par les Houthis, y compris le port de Hodeïdah !
Le coordinateur des secours d’urgence des Nations-unies, Stephen O’Brien a critiqué la coalition militaire conduite par l’Arabie saoudite qui menace d’attaquer le port d’Hodeida tenu par les rebelles, pourtant vital pour les importations du Yémen : « Une attaque sur Hodeïdah n’est dans l’intérêt d’aucune partie, car elle conduirait directement et irrévocablement la population yéménite à une famine plus avancée », a-t-il dit au Conseil de sécurité. Il a aussi critiqué les délais d’autorisations pour les navires, qui sapent la confiance des négociants. « Étant donnée la hausse des coûts, les principales compagnies maritimes non seulement évitent les ports de la Mer rouge, mais privent les Yéménites de la nourriture et du carburant dont ils ont désespérément besoin ».
Mardi 30 mai, les Nations-Unies ont formellement mis en garde l’alliance conduite par l’Arabie saoudite, appelant la transformation d’Hodeïdah en zone neutre contrôlée par un tiers pour éviter le « scénario catastrophe » d’une offensive militaire sur le port. Bien piètre solution de rechange pour cette organisation internationale qui n’a pu – ou voulu ? – jusque ici empêcher ni tempérer la fureur belliciste sunnite…
L’Arabie saoudite veut-elle pacifier ou dépecer le Yémen ?
Mais l’Arabie saoudite veut-elle vraiment réinstaurer le gouvernement démissionnaire de Mansour Hadi et rétablir la stabilité du pays qui passe par une solution politique ?
Rien n’est moins sûr ! Le 22 mai dernier, à l’occasion du 27e anniversaire de l’union nationale du Yémen, Saleh al-Samad, président du Conseil politique supérieur du Yémen a fait part de ses doutes craignant que la volonté saoudienne soit de saper la structure sociale et l’unité nationale du pays pour mieux détruire les différentes institutions, dont l’armée.
Pour sa part, il a affirmé qu’Ansarallah, branche politique du peuple Houtis, était prêt à faire la paix, si le principe du respect de la souveraineté du Yémen était respecté. Il s’est félicité des victoires de l’armée et des comités populaires qui combattent dans toutes les circonstances, dans les déserts, les montagnes ou au large des côtes maritimes tout en a demandant au peuple yéménite de préserver son unité et de faire preuve de retenue face aux agressions américano-saoudiennes.
« Nous serons prêts à coopérer avec tous les acteurs internationaux et régionaux afin de mettre court à l’offensive contre le Yémen, si on respecte sa souveraineté et son indépendance. Ansarallah a répété plusieurs fois qu’il était prêt à œuvrer pour une paix véritable. »
Complicité du régime de Hollande dans les crimes saoudiens
À noter, le Yémen est soumis depuis le début des hostilités à un blocus terrestre et maritime mené par la coalition et le régime de François Hollande en est complice. En janvier dernier, sur arbitrage de l’Élysée, Bernard Cazeneuve a autorisé des ventes d’armes à Ryad pour un montant de 455 millions d’euros dont une grande partie pourrait bien être destinée à la guerre au Yémen !
De même en 2015 le régime de François Hollande avait déjà autorisé 16 milliards d’euros de ventes d’armes à l’Arabie saoudite, loin devant les États-Unis (5,2 milliards d’euros) et le Royaume-Uni (3,5 milliards d’euros) !
Et les autorités françaises se dédouanent en utilisant la veine dialectique « trumpienne », en rappelant qu’il s’agit de la « nécessité de supporter la lutte contre le terrorisme » et qu’elles agissent conformément à la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l’ONU… Oubliant de préciser que celle-ci impose arbitrairement et criminellement un embargo sur les armes destinées aux Houthis, mais pas sur celles à destination de la coalition saoudienne…