Jeune nation évoquait il y a quelques jours les velléités électorales de l’Union des démocrates musulmans de France (UDMF). Ce petit groupuscule possède pour l’heure un seul et unique conseiller municipal à Bobigny, élu en mars 2014 avec la complicité de l’Union des démocrates et indépendants (UDI). Après avoir annoncé des candidats dans huit cantons (Avion, Bagneux, Bobigny, Lyon, Marseille, Les Mureaux, Nice, Strasbourg), le parti islamiste a finalement revu ses ambitions très fortement à la baisse.
Finalement, un seul candidat se présentera en mars sous les couleurs de l’UDMF, à Marseille. Les raisons de l’échec du parti, lâché par la plupart de ses candidats – dont certains ont quitté le parti –, ne sont pas claires. Son fondateur Najib Azergui, évoque des problèmes financiers et l’impossibilité de mobiliser assez d’argent pour les campagnes des huit candidats.
L’UDMF n’était pas la première tentative de présenter des candidats islamistes en France. En 1997, Mohamed Latrèche avait créé le Parti des musulmans de France (PMF). Les divisions du monde arabo-musulman, la réticence générale de la France à l’époque face au communautarisme, l’extrémisme affiché des candidats n’avaient pas permis à ces premières ébauches d’aboutir.
La débâcle de l’UDMF pourrait faire le jeu du Parti égalité justice (PÉJ), un parti islamo-turc implanté à Strasbourg, l’une des villes les plus touchées par cette communauté. Comme l’UDMF, le PÉJ milite pour le port du voile islamique à l’école et pour la généralisation des tortures sur les animaux. Le parti propose également d’adopter une politique étrangère antisioniste et de revenir – ça coûte pas très cher – sur la loi ouvrant le mariage aux paires de déviants sexuels infertiles.
Ce tout nouveau parti affiche des ambitions comparables à l’UDMF : sa direction a déjà confirmé sept candidatures aux élections départementales de mars. Le parti vise les voix des islamistes dans quatre cantons alsaciens (Colmar, Schiltigheim, Strasbourg II et Strasbourg III) et trois cantons franc-comtois (Belfort, Montbéliard, Besançon).
« Ce parti vous accepte avec votre voile et votre barbe. J’ai été au PS et à EELV, mais dans ces partis, si vous ne levez pas votre verre à la fin des réunions, vous ne grimperez jamais. On m’a écarté des réunions, on a empêché que je sois tête de liste. Tous les jours on parle de l’Islam : Jean-François Copé, Nadine Morano, Nathalie Kosciusko-Morizet, Éric Zemmour… alors que les musulmans n’ont pas demandé à être sur la place publique. Mais aujourd’hui, le vivre-ensemble en France est en danger, nous devons agir, dans les médias et en politique »
se lamente l’une des responsables du parti, Fatih Karakaya.
« En France, il y a 13 % de musulmans, mais les musulmans ne représentent pas une force politique. Les élus issus de la diversité ne représentent que 6,68 % de l’ensemble et ils restent muets quand les partis traditionnels traitent de l’Islam. Chaque voix du PEJ, chaque bulletin, ce sont des voix que nous allons récupérer après les avoir prêtées aux autres partis »
attaque Kadir Guzle, vice-président du PÉJ et conseiller municipal d’Obernai grâce à l’UMP. Il est l’un des représentants du Conseil pour la justice, l’égalité et la paix (COJÉP), l’une des nombreuses associations impérialistes turques.
« Sur la culture, nous voulons diversifier la représentation culturelle subventionnée. En économie, nous proposons que la Banque centrale européenne puisse prêter directement aux États. Sur l’éducation, nous pensons qu’il faut renforcer les structures dans les quartiers difficiles et intégrer la vision multiculturelle de la France dans les manuels d’histoire. Repenser la laïcité, pour permettre la pratique sociale et publique de la religion, obtenir un jour férié pour l’Aïd et permettre des menus hallal dans les cantines. Et puis nous demandons l’abolition de la loi interdisant le port du voile à l’école. Enfin, nous demandons que soit mis fin à l’enseignement de la théorie du genre à l’école et que la loi sur le mariage homosexuel soit revue. »
poursuit-il.
Contrairement aux initiatives précédentes, les islamo-turcs bénéficient de certains atouts : leur communauté est l’une des plus soudées. Elle est aussi l’une des plus soumises au pouvoir de leur pays de tutelle. La Turquie utilise sa diaspora à travers le monde et notamment en Europe comme un groupe de pression et parfois comme un groupe de menace contre les pays qui ont été contraints à accueillir plusieurs centaines de milliers de Turcs. Cela a conduit la Turquie à favoriser des candidatures et l’émergence de minorités actives et structurées dans plusieurs pays européens, notamment par la voie électorale.
Lors des élections municipales de 2014, les islamo-turcs ont présenté une liste à Strasbourg, au nom du Mouvement citoyen de Strasbourg (MCS). Tuncer Saglamer et ses colistiers avaient obtenu 1 870 voix à l’échelle de la métropole (2,3 %), avec de bons résultats dans les quartiers occupés de la ville, comme à Hautepierre ou à Cronenbourg (23 % des voix).
Des Turcs à papiers français avaient expliqué leur choix, affirmant sans détour un vote communautariste :
« Oui, j’ai voté pour Saglamer. Faisant comme lui partie de la communauté turque, j’ai eu l’occasion de le voir plusieurs fois à des mariages et également à la mosquée lors de séminaires où il a pris la parole. Comme il vit également dans un quartier, il partage notre quotidien et connaît nos problèmes, notamment la discrimination dont nous souffrons parfois. »
« Ça fait longtemps que l’on n’a pas vu quelqu’un issu des quartiers sur les listes électorales, alors il s’est tout de suite fait remarquer. Il est vrai que je n’ai pas pris connaissance de son programme, mais j’ai entendu à droite et à gauche qu’il était turc comme moi, alors j’ai décidé de le soutenir. »
Pour réaliser ces très bons scores (plus de 10 % dans une vingtaine de bureaux de vote, plus de 20 % dans trois d’entre eux), la liste MCS avait bénéficié d’un très fort taux d’abstention. L’échec généralisé des partis de leur République, après leur avoir permis de s’installer, demeure le principal facteur de réussite potentiel des partis islamistes dans les années à venir.