Les années se suivent et se ressemblent. Après en avoir fait des tonnes à l’automne dernier pour « la primaire de la droite et du centre » qui a vu le triomphe le 27 novembre d’un François Fillon se refaisant à moindre frais une virginité politique, voici que les media audiovisuels accordent une importance considérable à la « primaire de la Belle Alliance populaire ». Sept candidats s’étaient affrontés à “droite”, sept postulants se concurrencent à “gauche” : Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Vincent Peillon, Sylvia Pinel, François de Rugy et Jean-Luc Bennhamias. Quatre débats télévisés à heure de grande écoute avaient été consacrés aux candidats des Républicains et assimilés, quatre autres confrontations télévisuelles mettront en scène les prétendants du Parti socialiste et de ses alliés à la primaire des 22 et 29 janvier. Mais si les primaires de la droite et du centre ont peut-être désigné le futur chef de l’Etat, il en va tout autrement du scrutin prévu à la fin de ce mois. Car le vainqueur de la compétition, quel qu’il soit, n’est pas du tout assuré de se qualifier pour la finale de l’élection-reine de la Ve République. Si l’hypothèse d’une élimination de la gauche dès le premier tour de la présidentielle se confirme le 23 avril 2017, quinze ans après le fameux 21 avril, ce sera, comme en 2002, le fait de son atomisation, de sa dispersion bien plus que de son affaiblissement ou de son effondrement, l’ensemble des gauches rassemblant toujours quelque 40 % des suffrages exprimés.
En 2002 cinq candidats issus de la « gauche plurielle » s’étaient affrontés : le Premier ministre sortant Lionel Jospin, son ex-ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, la Guyanaise Christiane Taubira pour les radicaux de gauche, le Vert Noël Mamère et le communiste Robert Hue. Cette fois-ci, en dehors des traditionnelles candidatures de l’extrême gauchiste trotskyste (Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière et Philippe Poutou pour le Nouveau Parti anticapitaliste), trois candidats représenteront a priori une gauche gouvernementale : le vainqueur de la primaire socialiste, l’ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron et l’ex-sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon. Il est évident que cette triple candidature laisse actuellement très peu de chances à un postulant de gauche de se qualifier pour le second tour de la présidentielle, sauf improbable effondrement de François Fillon ou de Marine Le Pen. On peut s’étonner que la gauche, habituellement si douée pour chasser en meute, ne soit pas capable pour l’heure de se réunifier. Car si les différences sont relativement importantes, au moins dans le discours, entre la gauche réformiste de Valls et consorts et la gauche radicale de Mélenchon, on peine en revanche à distinguer les divergences fondamentales entre un Valls et un Macron qui appartinrent au même gouvernement. Les querelles d’ego, le choc des ambitions semblent donc l’emporter pour le moment sur l’intérêt de la gauche dans son ensemble. Il faut dire que les haines sont fortes au sein de la majorité présidentielle et d’autant plus que les perspectives ne sont pas bonnes. En marge d’un déplacement en Corrèze pour présenter ses vœux à son ancien fief électoral le 7 janvier, François Hollande, spectateur forcé de la primaire à gauche, n’a pas retenu ses coups contre son ancien Premier ministre. Amer, le locataire de l’Elysée juge avec sévérité la campagne de Valls. « Il observe que Valls n’a pas de projet, qu’il tourne en rond » confie un des proches du président au Monde. « Son projet, c’était de me virer, c’est ce qu’il dit », ajoute cet hollandiste selon lequel le chef de l’Etat aurait une préférence pour Benoît Hamon. […]
Suite de l’éditorial de Jérôme Bourbon dans le Rivarol du 12 janvier 2017