Le ministère de l’Économie a saisi la justice cet automne sur de possibles infractions commises par le groupe cimentier Lafarge en faisant fonctionner une usine en Syrie, malgré des interdictions européennes.
Bercy a confirmé le dépôt d’une plainte au parquet de Paris, sans autre précision. Et le parquet a ouvert une enquête préliminaire sur la base de cette plainte en octobre selon une source judiciaire.
La plainte du ministère de l’Économie porte sur une interdiction d’acheter du pétrole dans ce pays, édictée par l’Union européenne en 2012 dans le cadre d’une série de sanctions contre le régime de Bachar al-Assad, a expliqué une source proche du dossier. Cette plainte remonte à fin septembre.
De son côté une ONG qui défend les victimes de « crimes économiques », avait déposé une plainte avec constitution de partie civile en novembre. Elle dénonçait notamment des faits de financement du terrorisme et visait plus spécifiquement les possibles arrangements de Lafarge avec l’État Islamique pour faire fonctionner l’usine en 2013 et 2014, jusqu’à ce que l’organisation jihadiste en prenne le contrôle en septembre 2014. Cette plainte visait à obtenir l’ouverture d’une information judiciaire confiée à des juges d’instruction, ce qui n’est pas encore le cas à l’heure actuelle…
Le fonctionnement de la cimenterie de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, sous la responsabilité d’une filiale locale de Lafarge, avait déjà fait polémique quand des médiats avaient révélé en juin dernier de possibles arrangements avec l’État Islamique. L’entreprise aurait cherché à garantir l’accès à l’usine de ses ouvriers et des marchandises alors que plusieurs points de la zone étaient contrôlés par l’État Islamique, en missionnant un intermédiaire pour obtenir des laissez-passer aux points de contrôle. Pour pouvoir fabriquer le ciment, Lafarge serait aussi passé par « des intermédiaires et des négociants qui commercialisaient le pétrole raffiné par l’État Islamique, contre le paiement d’une licence et le versement de taxes ».
D’autre part, en continuant de fonctionner jusqu’à septembre 2014 en Syrie, malgré les risques dus à la guerre civile, le groupe Lafarge est susceptible d’avoir exposé ses employés à des risques graves d’enlèvement ou de mort. Malgré les efforts du groupe pour sécuriser les routes autour de l’usine en multipliant les contacts avec les groupes armés, les employés de Lafarge Cement Syria ont été les premiers exposés aux dangers de la guerre.
Les économistes ultralibéraux prétendent faire de l’économie une réalité échappant à la morale. Mais en réalité l’immoralité étant constitutive du capitalisme, l’État nationaliste devra poser les garde-fous empêchant que les acteurs économiques, hors de sa vue, travaillent contre les intérêts fondamentaux de la nation.