Une nouvelle fois, après 1995, 2003 et 2010, un gouvernement veut « réformer » le système des retraites. Entendons-nous bien : le mot réforme », jadis signe d’amélioration est devenu synonyme de régression, de dégradation de ce qui existe. Comment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement, alors que la France décline, se dégrade, le régime démocratique en portant la responsabilité.
De quoi s’agit-il, en réalité, sinon de gérer le déclin de la France et d’en faire payer les pots cassés aux Français. Il n’est pas étonnant que ceux-ci se rebiffent face aux manigances de l’oligarchie régimiste qui, quel que soit l’emballage utilisé, ont pour but de les faire travailler plus (pour ceux qui ont du travail) pour leur en donner moins.
Par suite, toute attitude politique responsable consiste à refuser de discuter d’une quelconque « réforme » des retraites si au préalable ne sont pas mises en œuvre des mesures de redressement national :
– en premier lieu doit être lancée une politique de natalité visant à assurer le renouvellement des générations de naturels Français, dans la mesure où la vie d’une nation repose avant tout sur sa vitalité démographique et que, dans le système comptable actuel, le problème du financement des retraites provient de ce que le nombre d’actifs diminue au point de devenir insuffisant pour financer les pensions des anciens.
– en second lieu, il convient de mettre en œuvre une politique de développement économique fondée sur l’investissement, la formation efficace des jeunes générations, visant à l’excellence : les besoins ne manquent pas en France, alors que, par exemple, son industrie se réduit comme peau de chagrin et que ses infrastructures se dégradent. Cela nécessite évidemment de rétablir la fonction régalienne de création monétaire de l’Etat, ne serait-ce qu’en reprenant la politique des avances du Trésor à la Banque de France, interdite par le traité de Maastricht, mais qui avait fait ses preuves durant les « Trente glorieuses ». Que l’on ne nous dise pas que l’Etat, en activant la « planche à billet », détériorerait la monnaie : celle-ci fonctionne toujours, mais au profit des financiers privés ; il n’est que de citer les politiques d’assouplissement quantitatif appelées « quantitative easing » lancées par la Banque centrale européenne, sans pour autant relancer l’économie française, handicapée d’un euro surévalué pour elle, les signes monétaires créés allant à l’économie spéculative et non pas productive.
En effet, au-delà du financement des retraites, réalisable par la technique du Crédit social et, temporairement, dans le cadre actuel du système spéculatif mondial par le système des fonds de pension, l’on ne peut distribuer que ce qui est produit. Seule, la quantité de richesses produite permettra d’améliorer le niveau de vie et les conditions de vie des gens.
Nous pourrions arrêter ici nos remarques sur ce sujet. Toutefois, il convient de faire quelques commentaires à propos de la « réforme » macronienne.
Il nous est dit qu’elle est indispensable afin d’équilibrer les comptes des caisses de retraite. Or on fait dire beaucoup de choses aux chiffres. Qu’on en juge : en novembre 2018, le COR (Conseil d’Orientation des Retraites), instance censée être spécialiste du sujet, déclarait que les comptes des retraites étaient à l’équilibre jusqu’en 2070 ! Cela ne faisait pas les affaires du pouvoir qui veut à tout prix « réformer » : finalement, comme par enchantement, le COR a dit un an plus tard qu’il manquera entre 8 et 17 Md € par an en 2025. Tout cela est bien incertain et nous devons nous demander comment ce cénacle d’experts peut produire des documents si fluctuants d’une année sur l’autre, à données théoriques inchangées !
Par ailleurs, il suffirait qu’un million des chômeurs inscrits à l’ANPE aient un emploi pour que le dit déficit soit résorbé. En outre, 10 Mds €, cela correspond au bénéfice annuel de la BNP ou de Total et au montant annuel des gains des jeux de hasard, tandis que le service de la dette de l’Etat avoisine les 60 Mds € !
Quant à s’en prendre aux régimes dits « spéciaux », ceux-ci ne représentent que 3 % du montant total des retraites versées en France. A la vérité, en désignant à la vindicte populaire les soit disant privilégiés de la RATP et de la SNCF, le gouvernement veut diviser les Français, exciter les jalousies, les envies et par suite les détourner des véritables problèmes qui mettent notre pays en péril. Ce faisant, il se conduit en escroc, puisqu’il rompt de fait les contrats de travail qu’ont signé les employés actuels. Leur révolte n’en est que plus justifiée.
A la vérité, nous sommes face à une nouvelle phase de l’offensive de l’oligarchie mondialiste visant à abaisser le montant des revenus des Français. En 1999 – 2000, les cercles d’initiés économiques ne disaient-ils pas qu’il fallait baisser de 30 % les revenus des travailleurs d’Europe pour les rendre compatibles avec la mondialisation ?
En fait, le système de retraite par points, qui certes permet une certaine souplesse d’adaptation, présente aussi et au moins deux aspects pervers : si un travailleur peut (du moins si la loi lui en laisse la possibilité) prendre sa retraite s’il estime avoir un nombre de points qui lui convient, le montant de sa retraite va dépendre … de la valeur monétaire du point ! Et rien n’est plus aisé que de diminuer le montant global des pensions de retraite en diminuant la valeur du point, surtout si l’on a unifié les régimes en les « pixelisant » ! Gageons que c’est ce qui nous attend. Deuxième effet pervers, qui montre la duplicité du gouvernement : alors qu’il dit vouloir supprimer les régimes spéciaux, il va en créer d’innombrables puisqu’il est prévu de faire varier le nombre de points de retraite en fonction de la pénibilité du travail, celle-ci relevant de critères des plus flous. Ajoutons que le sieur Castaner, soucieux de ne pas s’aliéner des forces de polices fortement agacées elles aussi par le climat délétère actuel, leur a promis de ne pas toucher à leur propre régime de retraites !
Climat délétère, en effet, parce que, en dépit de l’alerte des Gilets jaunes, la ploutocratie régimiste ne veut pas comprendre pas l’état d’esprit des Français et les méprise plus que jamais, mais aussi parce que, peu assurée de ses forfaits, elle joue lâchement l’ambiguïté sur sa réforme des retraites, ne dévoilant que parcimonieusement le détail de ses intentions – ne lui faisons pas l’injure de ne pas savoir elle-même ce qu’elle veut faire.
Pour que le mouvement de grèves de décembre 2019 puisse réussir, il faudrait que se produise une coagulation de tous les mécontentements, que les Français se mobilisent en masse contre ce pouvoir d’anti-France. Ce ne sera pas le cas. Pour deux raisons. D’abord, les Français pensent avoir encore trop à perdre pour renverser ce pouvoir qu’ils conspuent mais qui, ne l’oublions pas, est en place parce qu’ils ont toujours voté pour son maintien ou ont adopté une attitude passive à ce sujet. Le petit livre de La Boétie « De la servitude volontaire des peuples » est toujours d’actualité. Ensuite – mais c’est en partie une conséquence de la première raison – il n’existe actuellement aucun mouvement politique qui parvienne à les mobiliser et par suite à coordonner les révoltes actuelles pour en faire une révolution, qui doit être nationaliste.
Pourtant, l’actuelle situation ne pourra durer. Tôt ou tard, pour quelque raison inconnue de nous, un grain de sable peut-être, le régime vacillera. Les nationalistes ne doivent viser que ce moment et travailler en fonction de celui-ci, qui arrivera inéluctablement, pour rétablir la France.
MILITANT
Editorial de Militant N°721 – Décembre 2019