Le 4 novembre Vincent Reynouard était condamné par la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris à cinq mois de prison ferme pour avoir fait cette simple proposition dans une vidéo mise en ligne en décembre 2014 : « 5 000 euros seront offerts à quiconque me démontrera au terme d’un débat libre, loyal et courtois que les chambres à gaz homicides hitlériennes ne sont pas un mythe de propagande ». A un quadragénaire qui a dû s’exiler en Angleterre pour poursuivre son combat et qui propose un « débat libre, loyal et courtois » à ses contradicteurs, on ne répond que par des peines de prison. Ceux-là mêmes qui dénoncent ce qu’ils appellent l’obscurantisme du Moyen Age, le dogmatisme, l’Inquisition, ceux qui se réclament de la liberté d’expression et de pensée, du droit au blasphème, de l’esprit Charlie (le Sénat vient d’ailleurs de supprimer le délit de blasphème qui demeurait, au moins sur le plan théorique, dans le droit local en Alsace et en Lorraine mosellane) rétablissent des dogmes inviolables en matière historique. Et les choses vont chaque jour en s’aggravant puisque dans le projet de loi Egalité et citoyenneté qui a été adopté par le Palais du Luxembourg et qui doit être à nouveau examiné par l’Assemblée nationale un article prévoit de punir jusqu’à cinq ans de prison ferme le délit de contestation de crimes contre l’humanité. Comme en Allemagne, en Autriche et en Italie. Mais ce n’est pas seulement en vertu de la loi Fabius-Gayssot que l’on peut passer de longs mois derrière les barreaux, les magistrats n’hésitent plus désormais à condamner à de la prison ferme des publicistes ou des blogueurs contrevenant à la loi Pleven : cette année Boris Le Lay a ainsi été condamné à deux ans de prison ferme et Hervé Ryssen pour seulement quelques tweets à un an de prison ferme.
Or, à notre connaissance, aucun grand mouvement politique n’a inscrit aujourd’hui à son programme l’abrogation des lois Gayssot et Pleven. Jean-Frédéric Poisson a certes inséré la suppression des lois mémorielles dans ses propositions mais il a assez discret sur le sujet et il semble très isolé sur ce point dans la classe politique. Le Front national qui a longtemps fait figurer à son programme de gouvernement l’abrogation de ses dispositions scélérates ne fait plus jamais état de sa volonté d’en finir avec ces législations d’exception. Depuis 2007 la suppression des lois Pleven et Gayssot ne fait en effet plus partie de ses propositions. Si Jean-Marie Le Pen s’est prononcé pour la suppression de ces mesures liberticides à plusieurs reprises, notamment dans plusieurs entretiens à RIVAROL, il n’en va pas de même de la direction actuelle du Front national qui, à force de tenir un discours aseptisé, finit par sombrer dans le politiquement correct et par passer sous les fourches caudines de l’ennemi.
Le gauchissement du mouvement est tel que même un allié pourtant aussi modéré et propre sur lui que le SIEL (Souveraineté, indépendance et liberté) a officiellement quitté le 5 novembre le Rassemblement Bleu Marine qui était pourtant destiné, au moins sur le papier, à élargir l’assise électorale du FN et à attirer des personnalités et des mouvements extérieurs au Front. Ce nouvel épisode prouve la difficulté d’être un allié du FN lorsque l’on ne partage pas en tous points la ligne politique et stratégique imprimée par le tandem Marine Le Pen-Florian Philippot. On sait les difficultés rencontrées par le maire de Béziers Robert Ménard qui souhaiterait un infléchissement à droite sur les questions économiques et sociétales, on sait aussi la volonté d’éliminer Jacques Bompard et la Ligue du Sud du Nord Vaucluse, ce qui a conduit à des duels fratricides et à autant d’échecs au final pour le FN. On se souvient des départs d’intellectuels comme Laurent Ozon et Aymeric Chauprade qui en avaient assez d’être traités comme des petits garçons. Et voici que d’autres alliés pourtant fidèles claquent à leur tour la porte. Le SIEL est un petit parti jusque-là allié au sein du Rassemblement bleu marine (RBM). Il revendique 2000 adhérents, ce que personne n’est obligé de croire. Son président explique : «Il fallait mettre un terme à la mascarade. Ma capacité à avaler des couleuvres a atteint ses limites ».
Commentaire de Marine Le Pen : « Le Siel était devenu un groupuscule concentrant tous les profils d’extrême droite dont on ne voulait plus. Les virés, les tarés, les racialistes, Civitas et autres dingues. Son départ est une bonne nouvelle. » On reconnaît là les gracieusetés habituelles de la direction du FN à l’égard de tous ceux se plaçant à sa droite, ce qui fait du monde. Il est d’autant plus maladroit d’user d’insultes à l’égard du SIEL que ce mouvement vient de réaffirmer, à une majorité écrasante, son intention de soutenir la candidature de la présidente du FN à la présidentielle de 2017. Ce qui soit dit en passant relève du masochisme. Quand on est insulté et méprisé, on peut certes pratiquer le pardon des insultes mais on n’est pas contraint d’appuyer publiquement la candidature de sa persécutrice.
Suite de l’éditorial de Jérôme Bourbon dans le Rivarol du 10 novembre 2016