Après plusieurs jours d’accroissement des tensions, la situation a atteint un point de non-retour ces dernières heures avec l’arrivée des forces de Sanaa à Aden et l’attaque du Yémen par l’Arabie séoudite au nom d’une coalition.
Avancée des chiites à Aden
Durant la journée de mercredi, les miliciens chiites ont poursuivi rapidement leur avance vers le sud. Les messages diffusés ces derniers jours sur la résistance d’éventuelles forces fidèles à l’ancien président ou de tribus sunnites locales se sont révélés n’être que de la propagande mensongère.
Après avoir pris la ville de Taëz en fin de semaine dernière, les combattants chiites ont avancé sur plusieurs dizaines kilomètres jusqu’à atteindre la base aérienne d’al-Anad – la plus grande de la région, où stationnaient jusqu’à ces derniers jours des forces américaines –, puis Aden. La 39e brigade blindée a fait connaître son soutien au gouvernement de Sanaa et pris le contrôle de l’aéroport international.
Un raid aérien a été mené contre le palais présidentiel à Aden, comme cela avait déjà été le cas quelques jours plus tôt. L’ancien président Abd Rabbo Mansour Hadi, issu d’un coup de force débuté en 2011, a fui la capitale. Selon certaines informations, il aurait même fui le pays. Les chiites ont également annoncé avoir capturé l’ancien ministre de la Défense Mahmoud el-Soubaihi.
L’Arabie séoudite attaque le Yémen
Depuis plusieurs jours et particulièrement mercredi, l’armée séoudienne a préparé un assaut contre le Yémen. De très importantes forces ont été aperçues le long de la frontière – longue d’environ 1 800 kilomètres – entre le Yémen et l’Arabie séoudite mercredi.
Comme le gouvernement l’avait laissé entendre depuis lundi, la poursuite de la progression des chiites vers le sud a déclenché l’attaque du Yémen. Les Séoudiens ont pris prétexte d’appels de l’ancien président et de l’ancien ministre des Affaires étrangères yéménites en fuite pour intervenir. « Nous allons demander lors du sommet arabe une intervention urgente », avait lancé depuis son exil dans la ville touristique égyptienne de Charm el-Cheikh Riyad Yassine. Il a clairement évoqué sa volonté de lutter contre l’Iran. Les Séoudiens n’ont pas attendu les résultats des pourparlers au sommet arabe.
Dès cette nuit, l’aviation séoudienne a violé la souveraineté yéménite et mené plusieurs attaques contre le gouvernement à Sanaa. Plusieurs sites ont été touchés, notamment l’aéroport international et une base aérienne attenante ainsi que le palais présidentiel et le siège des miliciens chiites. Des raids auraient également été menés contre la base aérienne d’al-Anad, prise quelques heures plus tôt par les forces du nord.
Risque de conflit régional
Selon un représentant séoudien, une coalition groupant « plus de dix pays » a été réunie.
« Il y a une agression en cours au Yémen et nous y ferons face vaillamment. Des opérations militaires vont entraîner la région dans une guerre générale »
a mis en garde l’un des responsables chiites, Mohammed al Boukhaiti.
L’Arabie séoudite, alliée du gouvernement américain malgré son soutien durant de longues années aux pires terroristes islamistes, ne s’est pas cachée de mener cette guerre contre l’Iran. Le royaume s’inquiète de l’influence grandissante de l’Iran dans la zone et espère profiter de l’opposition entre chiites et sunnites au Yémen pour affaiblir l’Iran, qui soutient les miliciens chiites fidèles au président Ali Abdallah Saleh chassé en 2012.
L’Arabie séoudite, outre le soutien américain, bénéficie de l’aide de la plupart des États de la région, dirigés par des dynasties sunnites – avec parfois d’importantes tensions avec les populations chiites, parfois majoritaires comme à Bahreïn. Les armées séoudiennes et émiraties avaient pénétré dans ce pays en 2011 pour mettre fin à une révolte des chiites ; elle couve toujours et les tensions dans la région pourraient conduire à un nouvel embrasement.
L’Arabie séoudite abrite elle-même une importante minorité chiite, évaluée à 15 %, concentrée notamment dans le sud-est du pays, près de la frontière avec le Yémen, dans la province pétrolifère d’Ach-Charqiya.
L’Iran se trouve dans une situation délicate : s’il soutient les chiites du Yémen, les autorités iraniennes tenteront jusqu’à la fin de la semaine d’obtenir un accord avec les États-Unis, qui soutiennent leurs ennemis, sur le dossier du nucléaire civil.
Obama lance les États-Unis dans une nouvelle guerre
Dès l’attaque du Yémen par l’Arabie séoudite, le gouvernement américain, qui a vraisemblablement autorisé cette agression, a annoncé apporter son soutien logistique et en matière de renseignement aux Séoudiens. Comme ces derniers, les Américains redoutent une extension de l’influence iranienne au détriment de ses alliés.
Les pays participants à la « coalition » séoudienne n’ont pas été détaillés. Jusqu’ici, mis à part les États-Unis, L’Égypte, le Qatar, le Koweït Bahreïn et les Émirats arabes unis (ÉAU) ont confirmé leur participation. L’Égypte a fait connaître également son soutien politique et militaire à l’attaque séoudienne contre le Yémen. Selon un représentant de l’Égypte, le régime d’Abel Fattah al-Sissi pourrait fournir des forces aérienne, navale et terrestre. Parmi les membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), seul Oman a rejeté cette « alliance ».
Les islamistes grands vainqueurs ?
Les terroristes pourraient être les grands vainqueurs de l’aggravation de la situation dans le pays. Le régime chiite naissant luttait jusqu’ici parallèlement à l’armée américaine contre Al-Qaïda Péninsule arabique (AQPA, Tanẓīm al-Qā‘idah fī Jazīrat al-‘Arab), la plus violente et active branche du groupe islamiste. Malgré l’avancée des chiites, les Américains ont poursuivi jusqu’à ces derniers jours leurs frappes aériennes contre les islamistes. La situation est désormais incertaine : le retrait des Américains du pays et la crise devraient conduire à l’arrêt des frappes. Les islamistes devraient profiter de la situation, non seulement du chaos en tant que tel et de l’arrêt des frappes, mais ils pourraient également tenter de nouer des alliances avec l’ancien régime d’Abd Rabbo Mansour Hadi.
Outre AQPA, le Yémen a vu ces derniers jours une section de l’État islamique (ÉI) entrer en action en commettant plusieurs massacres contre les chiites.