Mohammed Omar, qui a dirigé l’Afghanistan sous le règne des talibans en Afghanistan à la fin des années 1990 est décédé il y a plusieurs années selon des sources officielles afghanes largement reprises aujourd’hui. Ce Pachtoune fit ses premières armes contre l’occupation russe, période durant laquelle cet homme né vers 1960 aurait perdu un œil.
C’est l’une des rares caractéristiques physiques connues de lui : il n’existerait que deux photos de son visage, mais dont l’authenticité est douteuse. Les photos étant considérées comme contraires aux principes de l’islam, il refusait de se laisser prendre en photo. Il est sans doute le chef d’État contemporain le plus mal connu : sa date et son lieu de naissance sont aussi incertains que ceux de sa mort.
Durant la guerre russo-afghane, il aurait été blessé quatre fois ; certains de ses lieutenants le présentaient comme un héros de guerre qui excellait dans l’art de détruire les chars soviétiques. À l’issue de la guerre, le jeune homme issu d’une famille de paysans pauvres, mais dont père puis le beau-père, son oncle, étaient des chefs religieux locaux, se tourna vers les études religieuses et entra dans une école coranique.
Alors que l’Afghanistan sombrait dans une guerre civile qui s’accentua avec la chute du régime de Mohammed Nadjibullah en 1992, il fondait lui-même une madrasa. Elle fut à l’origine du mouvement des talibans (« étudiants ») : Mohmmed Omar aurait armé et réuni pour la première fois moins d’une cinquantaine de ses élèves pour punir un chef de guerre coupable de l’enlèvement et du viol de deux jeunes filles. Le criminel fut capturé et pendu au canon d’un char.
Le mollah Omar et ses étudiants s’attaquèrent à la corruption endémique dans le pays en guerre et se mobilisèrent pour mettre fin aux pratiques du « bacha bazi », des comportements pédocriminels incluant l’esclavage sexuel et la prostitution forcés très répandus. Par son action efficace et radicale et se croyant investi d’une mission divine, il émergea comme un chef susceptible de mettre fin à la guerre civile ; en quelques mois il prit le contrôle de la vaste province de Kandahar, dans le sud-ouest, dès novembre 1994, puis d’Herat, dans nord-ouest, en septembre 1995.
Celui qui était désormais nommé Commandeur des croyants prit Kaboul en septembre 1996, avec l’aide directe du Pakistan, et en partie du soutien du gouvernement américain, actif allié du Pakistan. Le commandant Massoud, qui dirigeait la capitale, fuit vers son fief du Panjchir dans le nord-est laissant les mains libres au mollah Omar pour diriger un pays globalement pacifié à l’exception du nord-est.
L’année suivante, le mollah Omar proclama l’Émirat islamique d’Afghanistan, reconnu par les principales puissances sunnites, le Pakistan, l’Arabie séoudite et les Émirats arabes unis. Il engagea le pays dans la voie d’un islamisme rigoriste, créant à plusieurs reprises des indignations internationales, comme lors de la destruction des bouddhas géants de Bamiyan en mars 2001.
Malgré cela, ce chef charismatique mystérieux – il se montrait très rarement en public, refusant les honneurs – au physique de géant – il mesurait près de 2 mètres –, s’imposant une vie ascétique, bénéficiait d’une forte aura dans le pays, par sa politique et pour avoir quasiment mis fin à la guerre civile.
Le régime des talibans recula lors de l’attaque américaine de 2001 en représailles aux attentats du 11 septembre, commandité par Oussama ben Laden, accueilli dans le pays depuis de nombreuses années. Le mollah Omar abandonna les villes pour mener, une fois encore, une guerre de guérilla, se sachant incapable de vaincre en conservant des lignes de front déterminées. L’insurrection dure toujours, quatorze ans plus tard, malgré le départ de l’ennemi américain et les attentats sont quasi quotidiens dans le pays.
Malgré l’avancée des troupes de l’OTAN, il avait conservé en grande partie son pouvoir sur le pays, mais celui-ci s’était amenuisé avec les années, les rumeurs – d’attaque cardiaque, de mort, d’hospitalisation, etc., – et la consolidation du régime mis en place par les Américains, repoussant les talibans aux zones montagneuses de l’est du pays. Les fortes dissensions au sein du mouvement taliban ces derniers mois pouvaient laisser à penser que Mohammed Omar était mort.
Ce mercredi, le gouvernement et les services de renseignement afghans ont annoncé qu’il était décédé en mars 2013 de la tuberculose. Il aurait été enterré dans les zones toujours dirigées par les talibans dans l’est du pays, tout près de la frontière pakistanaise.