Le péril kurde dénoncé par les Turcs
Rappelant son soutien de fait à l’État islamique (ÉI), le gouvernement turc a mis en garde les Kurdes et ceux qui les soutiennent ou les aident d’une manière ou d’une autre contre l’avancée des miliciens contre l’ÉI et les groupes islamistes dans le nord de la Syrie. Les avancées des unités kurdes les ont rapprochées de la frontière avec la Turquie. Selon deux responsables, l’Union européenne (UE), la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique ont été prévenus que la Turquie ne tolérerait pas que les forces kurdes passent l’Euphrate.
« Le PYD s’est dernièrement rapproché à la fois des États-Unis et de la Russie. Nous considérons le PYD comme une organisation terroriste et nous voulons que tous les pays réfléchissent aux conséquences de leur coopération. Avec le soutien de la Russie, le PYD tente de s’emparer d’un secteur situé entre Jarablous et Azaz pour progresser vers l’ouest en direction de l’Euphrate. Nous ne l’accepterons jamais »,
a fait savoir un responsable turc, évoquant le Parti de l’union démocratique (PYD, Partiya Yekîtiya Demokrat), dont les Unités de protection du peuple (YPG, Yekîneyên Parastina Gel) dirigent les forces de défense kurdes. Ces entités sont considérées comme liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, Partiya Karkerên Kurdistan), contre lequel le gouvernement turc a déclaré une guerre totale en juillet dernier, ce qui l’a conduit à ordonner des raids aériens contre les Kurdes en Irak notamment et près de la frontière avec la Syrie. Contrairement au PYD, le PKK est considéré comme une organisation terroriste par de nombreux pays et organisations internationales (y compris les États-Unis, l’UE et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), mais pas la Russie, qui, par anti-américanisme et marxisme a soutenu autrefois le mouvement kurde).
Officiellement, le PYD ne revendique que l’autonomie au sein de la Syrie, non l’indépendance, ni la création d’un Kurdistan indépendant regroupant Kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie. L’état de guerre et l’irruption de l’ÉI ont cependant conduit les Kurdes de Syrie à un état très proche de l’indépendance aujourd’hui. Les Kurdes bénéficient dans cette guerre d’une relative homogénéité ethnique dans leur zone de vie, de la concentration des attaques des coalitions russes et américaines sur les autres groupes, comme de ces groupes entre eux.
Une coalition kurde pour marcher contre Racca
Les forces kurdes ont annoncé en début de semaine la création d’une alliance dénommée Forces démocratiques syriennes.
« La phase délicate que traverse notre pays la Syrie et les développements rapides sur les fronts politique et militaire […] nécessitent qu’il y ait une force militaire nationale unie pour tous les Syriens, regroupant les Kurdes, les Arabes, les Syriaques et autres groupes »,
ont précisé les YPG dans un communiqué.
Outre les miliciens kurdes, elle réunirait des groupes arabes, dont le Volcan de l’Euphrate (Burkan el-Furat), l’Armée des rebelles (Jaich el-Thouwar) et des chrétiens syriaques. Dans un entretien au quotidien arabe el-Hayat, le commandant des YPG, Sipan Hamo, a affirmé que l’État islamique serait délogé de Racca, dont le groupe islamiste a fait sa capitale, dans quelques semaines.
Tout indique que cette alliance, qui ne compte aucun groupe sunnite important, a été suscitée par les États-Unis. Sipan Hamo a évoqué des « contacts » avec la coalition américaine pour fixer l’heure de l’attaque contre Racca. Jusqu’ici, les Kurdes n’ont pas mené d’action hors de sa zone ni contre l’ÉI, ni contre les forces syriennes, ce qui a fortement déplu aux groupes sunnites soutenus par les États-Unis, auxquels cela a été reproché.
Pour les raisons inverses, la coalition russe n’a pas de raison jusqu’ici de s’attaquer aux YPG. Dans l’imbroglio irako-syrien et malgré les accusations d’Amnesty International, qui, dans un rapport, accuse les milices kurdes de crimes de guerre, les Kurdes apparaissent comme les moins perdants de la situation, le facteur stable sur lequel tentent de s’appuyer les États-Unis ne disposant pas de troupes au sol comme la Russie.