En décembre 2014, la tenue d’élections législatives extraordinaires fut envisagée en Suède, à l’occasion d’une crise politique où le nouveau gouvernement Löfven, minoritaire, vit son projet de budget battu par celui de l’opposition. Six mois après le renouvellement général, des élections furent annoncées pour le 22 mars 2015, mais un pacte fut conclu juste avant la parution du décret prononçant la dissolution du parlement.
Le texte, connu comme « l’Accord de décembre », oblige les deux coalitions de gauche et de droite – excluant donc, et c’était le but principal, le parti d’extrême droite, les Démocrates suédois (SD, Sverigedemokraterna) – à ne pas provoquer de crise majeure lors de législature actuelle et la suivante, notamment concernant le budget. D’autre part, l’accord entérine le partage du pouvoir entre les deux groupes jusqu’en 2022.
Le texte a été respecté jusqu’au début de l’automne, mais depuis octobre, une crise similaire à celle de décembre dernier s’est produit. Le gouvernement minoritaire de Stefan Löfven, à la tête des sociaux-démocrates (SAP, Sveriges Socialdemokratiska Arbetareparti), vacille. Le 9 octobre, les petits partis du centre droit ont refusé une première fois de soutenir un texte du gouvernement concernant le budget. Des parlementaires du parti des Modérés (M, Moderata Samlingspartiet), le plus gros parti de l’alliance de centre droit, font entendre leur mécontentement. Ils cachent à peine leur volonté de refuser d’obéir aux ordres de leur direction, qui veut maintenir l’accord ; s’ils se décidaient à entrer ouvertement en rébellion, cela conduirait à une nouvelle crise politique qui s’achèverait probablement par un retour aux urnes.
Ils réclament aussi le limogeage des Verts du gouvernement et un recentrage de celui-ci. Le premier ministre a rejeté cette idée, appelant à une plus grande participation de la fausse opposition libérale-centriste.
La crise ne s’apaise pas. Ebba Busch Tor, dirigeante des Démocrates-chrétiens (Kristdemokraterna), alliés du grand parti modéré, a rompu l’accord. Elle a appelé à la rédaction d’un budget de centre droit « dès que possible » pour le présenter contre celui du gouvernement. Un petit parti libéral s’est montré favorable à cette initiative. C’est exactement le même scénario qui s’était produit en décembre.
Les Modérés, affaiblis dans les sondages, redoutent de nouvelles élections. En plus du climat économique et politique délétère, un scrutin se déroulant à court terme serait nécessairement marqué essentiellement, sinon consacré exclusivement, à la question de l’invasion. La Suède est l’un des pays les plus touchés par la crise des migrants : le gouvernement veut imposer plus de 150 000 étrangers. Les terribles drames qui se sont déjà déroulés sur son sol, comme le meurtre de deux Suédois par un ‘réfugié’ il y a quelques semaines, ont rappelé aux Suédois que l’invasion n’a été synonyme depuis des années que de brutale explosion de la criminalité.
En recul lors des dernières élections – l’alliance libérale-centriste avait perdu 10 points –, les Modérés craignent une débâcle en cas de scrutin anticipé et une victoire des Démocrates suédois. Depuis août, ces derniers sont arrivés à cinq reprises en tête dans les sondages. Un fait nouveau est constaté : alors que le score des Modérés dans ces enquêtes d’opinions est similaire à celui des élections de septembre 2014, celui des sociaux-démocrates chute de 5 à 10 points, pendant que celui les Démocrates suédois augmentent leur score de 5 à 15 points selon les enquêtes.
Jusqu’ici, la plupart des analystes jugent improbable une dissolution du Riksdag. Il s’agirait des premières élections anticipées en plus d’un demi-siècle. Pourtant, le blocage de plus en plus évident du système semble les rendre aussi inévitables qu’inutiles. Le maintien du statu quo comme une victoire du parti libéral-sioniste ne mettrait absolument pas fin à l’instabilité, au contraire : incapable de former une majorité, cette dernière plongerait le pays dans un déséquilibre plus grand encore.