Ce Pacte mondial nous fait penser à la révélation de quelque chose qui aurait été jusqu’ici tenu occulte. Et qui aurait peut-être dû le rester encore un moment. Car sinon pourquoi le Gouvernement estime-t-il avoir encore besoin de mentir ? En effet, il est stupéfiant qu’il ose encore, après la publication du texte, dénoncer les fausses informations qui circuleraient à son sujet (sur le site du Gouvernement, « Pacte de Marrakech : que dit réellement le texte ? »). Et c’est de manière trompeuse que le Gouvernement nous dit qu’il s’agit de « faire face » aux migrations ou de renforcer la lutte contre la migration “irrégulière”.
Emettons avant tout une réserve qui tient à ce que la première chose qui ne va pas, avec ce pacte, c’est que l’original est en anglais. Autrement dit, ce que vous comprendrez du texte français devra être vérifié dans le texte anglais, et même dans l’interprétation qui sera donnée du texte anglais. Le français aurait dû être l’une des langues originales. Les francophones auraient dû l’imposer. Le texte fait 41 pages, les 51 articles sont répartis en neuf parties : un Préambule, Nos ambitions et principes directeurs, Vision commune, Responsabilités partagées, Ambitions communes, Nos cadres de coopération, 23 objectifs et engagements (la partie la plus détaillée), Propos relatifs à la mise en œuvre pour terminer par le Suivi et examen.
Les 23 objectifs et engagements forment le corps du texte, 23 articles tous construits de la même manière : l’objectif est énoncé dans un premier paragraphe puis une série d’actions sont égrenées et désignées par une lettre minuscule. L’objectif 8 (« Sauver des vies, etc. ») est ainsi énoncé à l’article 24 (« Nous nous engageons à coopérer au niveau international pour sauver des vies, etc. ») et six actions sont exposées, dont celle-ci : « Recueillir et centraliser les données relatives aux cadavres et en systématiser la collecte, etc. ».
Ce pacte est un document des Nations unies qui n’est pas officiellement contraignant. Mais il exprime plus qu’une intention, une volonté. Il n’est question que d’invites et d’encouragements. Les signataires terminent même sur une commune prière adressée au président de l’assemblée générale des Nations unies. On promet de se revoir, et même tous les quatre ans. C’est le processus de gouvernement du monde, à coup de pactes et de forums sur le développement durable, le climat, etc. Mais l’on s’engage tout de même bien à suivre une direction précise. Car ce pacte exprime surtout une philosophie politique, une idéologie. Cette idéologie est nettement favorable aux migrations des peuples et aux diasporas (migrants et diasporas sont souvent associés dans le pacte).
Tout est dit dans le titre : « pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ». Parce qu’aujourd’hui elles sont encore périlleuses, désordonnées et irrégulières. Et pour longtemps encore sans doute. Mais il faut faciliter les migrations. S’il faut lutter contre les migrations irrégulières, c’est en tant qu’elles sont irrégulières. En bref : si vous légalisez le trafic de l’alcool ou les jeux d’argent, il n’y a plus d’infraction possible. C’est de cela qu’il s’agit. Les migrations doivent être régularisées, réglées et régulées. Migrer, c’est bien. La doxa est exprimée très tôt dans le texte du pacte : les migrations sont facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable (§ 8 et passim). Les migrations offrent à saisir des occasions, elles ont des effets positifs, des avantages, elles présentent un potentiel et des possibilités dont il faut tirer parti.
Les migrations sont bénéfiques
Ce sera répété comme un mantra. « Les migrants vont enrichir nos sociétés » (§ 12). Le migrant est essentiellement bon, puisqu’il est migrant. Il s’agit d’ailleurs de démonter l’image négative des migrants qui a été construite par les discours trompeurs (§ 10). Quelques bémols, d’abord au paragraphe 12, d’une seule phrase. Où l’on pourrait croire que l’on veut aider les gens à rester chez eux : « Le présent pacte mondial a pour objet d’atténuer les facteurs négatifs et structurels qui empêchent les individus de trouver et de conserver des moyens de subsistance durables dans leur pays d’origine et les forcent à rechercher un avenir ailleurs. » Qu’entend-on par “atténuer” ? Et pense-t-on qu’il y a des facteurs positifs pour migrer ? Sans doute. Les choses sont précisées ensuite avec l’objectif 2 (article 18) « Lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine ». Les objectifs sont tels que l’on comprend que les populations aient plus vite fait d’émigrer : « l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l’éducation, une croissance économique profitant à tous, le développement d’infrastructures, le développement urbain et rural, la création d’emplois, le travail décent, l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes et des filles, etc. » la liste continue ainsi, sans être exhaustive.
Tout le Pacte est ainsi. Mais ce sera tout. Rien en particulier sur l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, rien sur la destruction de la Libye, rien sur les opérations en Syrie, etc. Et le peu d’importance de cette unique nuance en dit long sur la philosophie du pacte. La migration est érigée en valeur positive. Rien n’est fait pour empêcher le départ, ou pour freiner le transport, et réciproquement tout est prévu pour faciliter l’entrée dans le pays de destination et empêcher le retour.
Le fin mot est lâché à l’article 21; il s’agit de « faciliter la mobilité de la main d’œuvre ». Les hommes, les femmes et les enfants doivent circuler sur la planète aussi facilement que l’énergie électrique ou que les ondes radio. Les enfants sont particulièrement protégés. Mais de nos jours l’enfance c’est comme le sexe, cela devient un choix personnel. Sans possibilité d’examen médical ou de critère de puberté. D’ailleurs, l’identité des migrants est un problème à régler. Mais il n’est pas question de relever leurs empreintes génétiques (ce serait du nazisme). Et de toute façon grâce au pacte ils auront le droit de circuler d’un pays à l’autre avec tous leurs papiers, sans tomber dans les trafics clandestins. Les populations doivent intégrer l’idée qu’elles ne seront plus chez elles nulle part. Non seulement elles ne pourront plus élever la prétention de ne pas être envahies là où elles sont, mais elles ne pourront même plus prétendre avoir un droit quelconque à y demeurer. Il faut bouger sans cesse, s’attendre même à être délogé. Les chefs d’État ne sont plus que les préfets des départements du monde (le niveau “national”, le niveau des “pays” ou des “États”, situé entre les niveaux régional et local). Et les pays, en fonction du sens des courants migratoires, sont de trois types : pays « d’origine », « de transit » et « de destination ».
Et tout cela est exprimé au nom et sous l’égide de l’amitié entre les peuples, du développement durable et des droits de l’homme (§ 2, 15 f, passim). Le texte est truffé de ces incantations magiques : « fondé sur les droits de l’homme », « le droit international des droits de l’homme », « tout en défendant le droit à la vie privée conformément au droit international des droits de l’homme et en protégeant les données personnelles » (dès qu’il est question d’identifier des migrants), « l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes et des filles », « qui tiennent compte de la problématique femmes-hommes » (ces deux dernières formules, à tout propos) et même « les questions de genre ».
Une idéologie favorable aux migrations
Après cela il n’y a plus rien à dire. Et personne n’osera prétendre que les droits de l’homme pourraient être interprétés autrement au sujet des migrations. C’est bien la seule interprétation. Par conséquent, si vous êtes contre le pacte de Marrakech, c’est que vous êtes contre les droits de l’Homme. Vous serez donc traité en ennemi du genre humain, en outlaw. L’autochtone n’existe plus qu’en tant que « communauté d’accueil ».
Tout est prévu pour judiciariser les migrations. La préoccupation majeure des rédacteurs du Pacte semble être de fournir un avocat au migrant, le plus tôt possible, de sorte qu’il puisse engager des procédures contre les autorités à tous les stades de son périple. Le migrant peut exiger des soins et des aliments. Les Etats sont donc d’ores et déjà soupçonnés des pires avanies (spécialement avec leurs « camps de rétention », voir objectif 13, c). Ils sont au demeurant sommés de simplifier et d’expliquer aux migrants leurs législations quant aux procédures migratoires.
Mais ce n’est rien à côté des populations qui manifesteraient individuellement ou collectivement une quelconque résistance à l’idéologie du Pacte. Pour ce cas on se penchera en particulier sur l’objectif 17 : « Eliminer toutes les formes de discrimination, etc. » A l’article 33 on s’engage à éliminer « toutes les formes de discrimination et à condamner et combattre les expressions, les manifestations et les actes de racisme, de discrimination raciale, de violence et de xénophobie visant les migrants et l’intolérance qui y est associée ». Pour ce faire on permettra aux migrants « et aux communautés » de dénoncer tout acte d’incitation à la violence contre les migrants. Même les droits des trafiquants de migrants, des passeurs et de ceux qui se livrent à la traite semblent mieux garantis que ceux des nationalistes (voir article 25, c), in fine).
Terminons sur un dernier exemple, qui, sauf RIVAROL et quelques autres, intéresse la presse : « dans le plein respect de la liberté de la presse », il est question de cesser « d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants ».
Si l’on s’attendait de la part de l’ONU à un pacte sur les migrations qui viserait à lutter contre les phénomènes du déracinement et du déplacement des peuples, on sera forcément déçu. Mais si l’on s’attend à cela, c’est que l’on n’a rien compris à l’ONU. Car faut-il s’étonner de ce choix, de la part des Nations unies ? Qui est encore assez naïf pour s’imaginer que les fonctionnaires, les juristes et les amis de l’ONU aient jamais eu le moindre souci des populations du globe ? On ne trouve dans ce pacte rien d’autre que la philosophie mondialiste qui prévaut depuis le début du XXe siècle : un monde peuplé d’hommes déracinés, sans patrie, sans famille et sans cervelle.
Le gouvernement et les médias insistent sans cesse sur le caractère non contraignant du texte. Mais ils le font d’une très perfide manière qui résume bien leur méthode de propagande. En effet, que signifie le fait de signer un Pacte international tout en disant à ses concitoyens de ne pas s’en inquiéter, parce que ce n’est pas contraignant ? Est-ce que cela veut dire que l’on ne s’engage réellement à rien et que l’on ne fera pas ce que l’on promet de faire ? Mais alors pourquoi l’avoir promis ? Et quels effets de telles déclarations peuvent-elles avoir sur l’ONU et sur les autres Etats signataires du Pacte ? Est-ce que cela ne signifierait pas, de manière plus perfide, que l’on fera tout ce que l’on a promis de faire, et qu’on le fera volontairement, sans avoir à y être contraint, parce qu’on est la France, le pays des droits de l’homme, la terre d’asile, lieu d’accueil de toutes les migrations et de toutes les diasporas.
On ment donc, en insistant sur le point secondaire, que le Pacte est non contraignant, en omettant le point principal, c’est que l’on n’a pas besoin de la contrainte pour favoriser la déportation (pardon : la migration) des populations du globe et la grande invasion de l’Occident.
Me Damien VIGUIER
Source : Rivarol n°3363 du 6 février 2019