Les cours des matières premières, en particulier le pétrole, le cuivre, le cacao, le coton et le soja pour ne citer que les plus importantes, se maintiennent dans de faibles fluctuations de prix depuis le début de l’année. Des facteurs conjoncturels et structurels expliquent ce phénomène :
– Une demande chinoise atone (taux de croissance de 6% le plus faible depuis 25 ans)
– Un ralentissement économique mondial (hors Afrique) dans les zones à forte croissance (Asie du Sud-Est, Amérique Latine), et une progression modeste depuis 2 ans en Europe et aux États-Unis.
Plus spécifiquement, les cours du pétrole (et du gaz) avaient chuté de près de 50% en fin d’année 2016 pour atteindre un plus bas à 26 USD/baril avant de se redresser suite à l’accord de Vienne en fin novembre 2016. La prévision de 70 USD/baril en moyenne en 2017 envisagée par les experts ne se matérialise cependant pas pour le moment. Les prix, après avoir touché un plus haut à 55 USD/baril ont à nouveau plongé pour se stabiliser aux alentours de 45 USD/baril, fin juin. Les cours avaient notamment atteints leur plus bas niveau en dix mois à la mi-juin, soit une chute de près de 20% du baril depuis un sommet de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) fin mai. L’OPEP et ses partenaires, dont la Russie, ont décidé de poursuivre leur effort de limitation de leur production respective afin de soutenir les cours, mais la Libye, l’Iran et le Nigeria ont augmenté leur extraction. De plus, l’OPEP n’a pas intérêt à ce que les prix flambent, ce qui relancerait le pétrole de schiste aux États-Unis. Les producteurs américains de schiste qui ont subi de plein fouet la chute des cours, verraient d’un bon œil les prix du baril remonter à un niveau leur permettant de retrouver une rentabilité (proche des 55 USD/baril).
La conjoncture économique, financière et sociale sur notre planète ne semble pas satisfaire tout le monde. À en croire les dernières élections, en particulier en Europe, les « masses laborieuses » ne se montrent pas aussi enthousiastes que certains analystes, qui eux, se félicitent des cours historiques des actions, de l’argent généreusement octroyé par les banques centrales aux institutions financières et du soutien inconditionnel de ces mêmes banques centrales pour les actifs financiers « pourris ». En effet, la Banque Centrale Européenne (BCE) rachète les dettes souveraines et mêmes les obligations d’entreprises quand le système n’en veut plus car trop risquées ! Ces rachats à vil prix ne sont pas autorisés stricto-sensu dans les statuts de la BCE, mais des artifices juridiques font fi de ces interdits. Que ne ferait-on pas pour aider les copains ?
Votre argent sert donc bien ce système pourri, inefficace, voire inutile. Les banques exercent-elles encore leur métier d’intermédiaires : à savoir prêter de l’argent à des porteurs de projets, des entreprises désireuses d’investir, à des entrepreneurs ? Le secteur bancaire européen n’en finit pas de se lézarder et de sérieux doutes subsistent au sujet de la « fin de la Crise », ce qui ne manque pas non plus d’inquiéter les marchés.
Le contribuable italien paiera 750€ pour la survie des banksters
Le gouvernement italien s’est engagé dimanche 25 juin à verser jusqu’à 17 milliards d’euros pour sauver les activités saines et éponger les créances douteuses de Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca, deux banques régionales qui représentaient une menace pour le système financier du pays. Les deux établissements seront liquidés, mais leurs actifs sains repris par Intesa Sanpaolo, la plus grande banque et la plus stable du pays, permettant d’éviter des licenciements secs et de protéger les déposants. L’opération est « un happy end pour les banques italiennes car il supprime le risque systémique », ont estimé les analystes de Crédit Suisse. Sans intervention de l’Etat, il y avait un « risque d’effet domino », a affirmé le président d’Intesa Sanpaolo, Gian Maria Gros-Pietro. La « défaillance » des deux établissements aurait entraîné « une intervention immédiate du fonds de résolution interbancaire (alimenté au prorata par toutes les banques du pays) pour un montant estimé à 12-13 milliards d’euros », ce qui « aurait probablement mis en difficulté un certain nombre de banques au patrimoine insuffisant », a-t-il ajouté
Équivalent à 1% du PIB
Mais l’opération se révèlera « coûteuse pour les contribuables », et ce pour des « banques de taille moyenne », avertit de son côté Franco Quillico, professeur de finances à l’école de commerce de Polytechnique à Milan, interrogé par l’AFP.
Si le montant débloqué par l’État va jusqu’à 17 milliards, « cela représentera 1% du PIB italien! », note Lorenzo Codogno, chef économiste de LC Macro Advisors. Et ce, alors même que le système bancaire italien, en particulier Intesa et UniCredit, avaient déjà « mis 3,5 milliards d’euros dans ces deux banques », rappelle M. Quillico.
Selon lui, la solution est toutefois positive pour le système bancaire, et en particulier pour Intesa qui a signé un bon accord. Pour le pays, en revanche, le résultat est « plus mitigé », même si l’objectif est de sauver des banques ayant un « rôle stratégique dans une région riche », la Vénitie, qui connaît le plus fort taux de croissance du pays.
L’État avait débloqué 20 milliards d’euros fin 2016 pour aider les banques. 8 à 9 milliards, selon M. Codogno, devraient être utilisés pour recapitaliser la Banca dei Monte di Paschi dei Sienna, maillon faible du système qui avait concentré les regards l’an passé et sera nationalisée dans les prochaines semaines. Pour les banques vénitiennes, cinq milliards viendront aussi de cette enveloppe, mais Rome a promis de travailler au maximum pour récupérer ce montant à partir du stock de créances douteuses.
Pas significatif ?
D’après M. Codogno, l’opération sur les banques vénitiennes « préserve la stabilité financière » et représente « un pas significatif vers la résolution des problèmes », en retirant 18 milliards d’euros de créances douteuses du système.
Mais « la morale de cette histoire est que plus on attend pour résoudre des problèmes bancaires, pire la situation devient », note l’ancien directeur général au ministère des Finances italien : « on aurait dû s’attaquer au problème général il y a bien longtemps et les responsabilités sont également partagées entre Rome, Bruxelles et Francfort ».
L’Italie a pris conscience du défi et s’est attaquée ces deux dernières années tant à l’éclatement du système bancaire (qui compte 700 établissements différents) qu’à la question des créances douteuses, qui s’élèvent à quelque 350 milliards d’euros. Ces prêts, qui ont peu de chance d’être remboursés, représentent un facteur de fragilité pour les banques et un frein à la croissance économique, les établissements financiers étant extrêmement réticents à accorder de nouveaux prêts.
Des signes de redressement sont apparus ces derniers mois, avec la fusion entre Banco Popolare et BPM ou l’importante restructuration menée par UniCredit.
« UniCredit a réussi à mener avec succès une importante augmentation de capital, Intesa est une banque saine, les deux banques vénitiennes sont désormais absorbées par Intesa. Les choses s’améliorent », note M. Quillico.
Mais des dossiers restent encore sur la table, comme la BMPS, qui négocie encore avec Bruxelles, souligne le professeur. Des banques de taille bien moindre (combien ?) suscitent aussi quelques inquiétudes, tandis que la faiblesse de la croissance économique fragilise les entreprises et par effet domino les banques elles-mêmes, via les crédits. Comme on l’a vu ci-dessus, il va falloir encore trouver quelques milliards d’euros supplémentaires pour renflouer l’ensemble des banques défaillantes…
En Italie, comme en Grèce, en Espagne, au Portugal ou ailleurs, le secteur de la finance est explosif
Il faut un certain courage, de la clairvoyance et surtout du bon sens pour assainir les institutions financières européennes telles les banques, mais aussi les assureurs et les fonds de pension.
Les autorités de contrôle sont pleinement conscientes de la situation, elles possèdent les outils et les moyens pour restructurer le secteur financier, mais ici aussi le manque de courage, le fait d’être inféodées au pouvoir malgré une soi-disant indépendance rendent les réorganisations difficiles, voire impossibles. Allons-nous vers un nouveau krach financier ?
Pieter Kerstens