Nous diffusons la traduction de la retranscription d’un entretien télévisé accordé par Lampros Fountoulis, le père de Giorgos, l’un des deux militants de l’Aube dorée assassinés à Héraklion. La transcription originale a été réalisée en anglais par la section de New York de l’Aube dorée.
Lampros Fountoulis : Ce que je veux dire, c’est que j’espère que ce qui nous est arrivé n’arrivera jamais à d’autres parents. J’insiste : à personne, et quand je dis personne, c’est personne. Le sang d’enfants innocents qui coule dans les rues ne profite à personne, peu importe à quelle idéologie ces enfants appartiennent. C’est ce que je voulais dire. Le sang doit être quelque chose que nous donnons pour la vie d’autres gens quand ils en ont besoin, le sang ne doit pas être gaspillé comme ça dans les rues. Depuis des années, nous nous battons pour notre autre enfant, qui est handicapé et nécessite des soins particuliers, en essayant d’offrir à notre enfant tout ce que nous pouvons, comme il y a des milliers d’autres familles comme nous.
Vous avez dit quelque chose à propos de la dignité, les Grecs ont de la dignité. C’est avec cette morale et cette dignité que nos parents nous ont élevés, et c’est précisément cette morale et cette dignité que j’ai essayé de transmettre à mon fils.
Mon fils était un enfant aimant, un garçon avec un cœur d’or, qui n’a jamais fait de mal à personne, pas même à une fourmi. Il espérait en quelque chose de mieux. Il était dégoûté par tout le système politique, et il a éprouvé au sein de notre famille toutes ces choses qu’ils nous ont infligées, avec leurs décisions, leurs réductions de salaires, les réductions de tout, leurs impôts, toutes les difficultés que nous connaissons pour pouvoir acheter des médicaments et des soins, il était déçu. Oui, je suis d’accord : il est allé à l’Aube dorée dans l’espoir de quelque chose de mieux.
Mais Giorgos n’était pas un fasciste. Je sais qu’ils essayent de le présenter comme un fasciste. Je sais quel genre d’enfant j’ai élevé, et hier [lors des funérailles, lundi], avec ces milliers de personnes qui se tenaient à nos côtés et nous ont honorés sur le chemin pour l’accompagner dignement à sa dernière demeure, j’ai été touché. Je pensais que j’étais le seul qui connaissais mon garçon aussi bien, mais toutes ces personnes doivent l’avoir bien connu pour lui rendre un tel hommage. Je ne veux rien ajouter maintenant, je vous remercie beaucoup et je vous remercie pour nous avoir approchés ainsi et parlé de ce sujet avec sensibilité, comme vous l’avez fait.
Les idées ne peuvent pas être tuées
Une chose est certaine, c’est que je ne veux jamais revoir, je ne veux jamais voir à nouveau ces scènes, avec des enfants gisant ainsi dans la rue. Je ne suis pas le genre de père, comment puis-je dire cela… le père qui va anéantir les croyances de son fils, chaque enfant croit tout ce qu’il ou qu’elle veut, et il ou elle défend ses convictions par les mots, les actions et les idées. D’autres veulent nous faire croire que par la violence aveugle, ils parviendront à vaincre d’autres idées. Eh bien, les idées ne peuvent pas être tuées.
Je suis fier de mon enfant, je suis fier de ses idées et je n’ai rien d’autre à ajouter.
La journaliste : M. Fountoulis, vous avez demandé à ce qu’aucun parti politique ne participe à l’enterrement de votre fils ?
Lampros Fountoulis : Oui, oui, aucun parti politique.
La journaliste : Aucun homme politique, d’aucun côté, personne d’aucune force politique spécifique, vous avez demandé aux gens se rendant à l’enterrement de venir seulement comme des amis.
Lampros Fountoulis : Oui certains jeunes m’ont demandé : « Pouvons-nous venir à l’enterrement comme des amis, est-ce que l’enterrement sera accessible au public », « Est-ce que ce sera plus une cérémonie personnelle ou privée ? » ; je leur ai répondu : « Ce seront des funérailles publiques, venez à ses funérailles comme ses amis, non comme des partisans de l’Aube dorée », et ils ont respecté cela, et je l’ai beaucoup apprécié, je tiens à les remercier du fond de mon cœur d’être venus en amis et de l’avoir honoré comme un héros.
Personnellement, Mlle Tatiana, je n’ai jamais vu de policiers pleurer quand ils font leur travail. J’ai vu comment les policiers étaient l’an dernier, lorsque l’institution Sigitaridio a été fermée, alors que nous marchions dans les rues pour nos enfants pour que l’institution ouvre à nouveau et quand les policiers sont arrivés avec leurs sprays pour nous gazer, nous et nos enfants, comme s’ils étaient en danger à cause de nous. Ces policiers, je les ai vus hier, avec des larmes dans les yeux, je tiens à les remercier et je tiens à les féliciter. Je n’ai rien d’autre à dire.
Merci beaucoup.
La journaliste : J’aimerai que vous m’en disiez plus à propos de l’institution Sigitaridio, puisque vous, en tant que famille, vous avez vécu le défaut de présence de l’État dans votre vie et le défaut de présence de l’État dans la vie de votre enfant qui est la plus faible de votre famille [en parlant de leur second enfant handicapé]. Cet enfant, qui souffre du syndrome de Down et qui était accueilli par l’institution Sigitaridio, et avait l’habitude d’aller à cette école.
Lampros Fountoulis : Mon enfant va toujours à l’école là-bas : cette année l’institution fonctionne à nouveau.
La journaliste :Vous avez dit que l’institution a été fermée l’année dernière pendant quelques mois.
Lampros Fountoulis : L’année dernière, l’institution a été fermée pendant 5 mois.
La journaliste : Pourquoi ?
Lampros Fountoulis (ici à gauche sur la photo) : Cette année, elle est de nouveau ouverte, je ne sais pas quel genre de problèmes ils ont maintenant, parce que nous sommes encore le début de l’année ; nous avons demandé aux gens de ne pas apporter de fleurs [pour les funérailles de Giorgos], le montant de 3 150 € a pu être récolté, et je tiens à remercier tout le monde pour cela, et je ferai en sorte que cette somme d’argent soit offerte à l’institution Sigitaridio, là où elle est nécessaire, l’argent ne sera pas donné n’importe où, alors voyons à quels genres de problèmes ils sont confrontés, où se posent ces problèmes, de sorte que cet argent soit utile, c’est ce que mon enfant, Giorgos, aurait voulu.
La journaliste : Et nous voudrions demander aux gens d’aider, aider pour que ces initiatives se mettent en place.
Je voudrais maintenant conclure avec une dernière question. Votre fils était-il impliqué dans l’Aube dorée depuis longtemps, y était-il depuis une longue période, en d’autres termes, était-il un cadre de l’Aube dorée ?
Lampros Fountoulis : De quel cadre me parlez-vous, Mlle Tatiana ? Qu’est-ce que vous dites ? Mon fils était un membre et un militant de l’Aube dorée.
La journaliste : Pouvez-vous peut-être dire pourquoi je vous demande cela ?
Lampros Fountoulis : Je sais de quoi vous parlez, probablement parce que vous l’avez vu porter quelque part un uniforme et tenant un drapeau.
La journaliste : Non, pour être honnête avec vous, il a été diffusé sur internet juste avant que cet entretien commence, je pense que cela a dû être dix minutes, une photo de votre fils avec Kasidiaris lors d’une randonnée en montagne.
Lampros Fountoulis : Je sais, je sais.
La journaliste : Eh bien voici la photo [la photo est affichée sur l’écran], et un débat est né sur le fait que peut-être votre fils, Giorgos, parce qu’il connaissait personnellement Ilias Kasidiaris…
Lampros Fountoulis : Oui, vous êtes en train de dire qu’il était un haut cadre ?
La journaliste : Non, non, ce n’est pas cela, c’est autre chose que je voudrais vous demander. C’est peut-être parce que le jeune homme, parce qu’il avait ces contacts avec Ilias Kasidiaris et parce qu’il pouvait y avoir eu quelques photos publiées sur internet avec Kasidiaris, peut-être est-ce la raison pour laquelle il a été ciblé comme il l’a été.
Lampros Fountoulis : Non, non, il n’a pas été ciblé, la fusillade a été aveugle, ils voulaient les tuer tous, ils voulaient du sang, cela aurait pu être moi personnellement, cela aurait pu être n’importe qui d’autre marchant à travers cette place à ce moment-là ; tout d’abord Giorgos n’était même pas dans les bureaux de l’Aube dorée, il était à un café avec son ami et ils buvaient du café, en discutant du travail, parce que la mère de Giorgos avait trouvé un travail pour lui, et ils étaient sur le point de partir, ils ont bu leur café et ils étaient en train de partir.
Ilias Kasidiaris et mon fils avaient un intérêt commun, le sport. Et ils randonnaient ensemble, ils gravissaient la montagne de Penteli pour regarder le lever du soleil, mon fils parmi beaucoup d’autres personnes.
La journaliste : La raison pour laquelle je vous demande cela – si vous le permettez –, est qu’Ilias Kasidiaris est une personne extrêmement chargée [émotionnellement, qui provoque de violents débats dans la classe politique et au-delà] et parce qu’il présente ce côté politique particulier [l’Aube dorée], ces contacts que votre fils avait avec lui et ces photos publiées avec lui ont pu causer tous ces…
Lampros Fountoulis : Non, non, il n’y avait aucun lien avec cela, je ne sais pas si cela était si bien organisé, mais il n’y avait aucune raison pour que mon fils soit « marqué » et ciblé de la façon dont le vous décrivez, je veux dire… Comment puis-je dire cela… il n’était pas un membre important [de l’Aube dorée] ni proche en quelque manière de la direction du parti. Il venait simplement, toujours avec un sourire éclatant sur son visage, tout le monde était attiré par lui et voulait passer du temps avec lui. C’était un garçon avec un grand cœur. Je ne peux pas effacer les idéologies et les croyances de mon fils. Mon fils était dégoûté par tout ce système politique pourri et il essayait de trouver quelque chose d’autre, de plus pur, il était en général à la recherche de quelque chose de mieux. Comme tous les autres enfants.
Mon fils essayait de trouver quelque chose d’autre, de plus pur, il était en général à la recherche de quelque chose de mieux. Comme tous les autres enfants.
La journaliste : Et puis-je vous dire autre chose, M. Fountoulis, peut-être votre fils et peut-être l’autre garçon, Kapelonis, qui n’était proche que depuis un an de l’Aube dorée, depuis qu’il avait terminé ses études universitaires l’an dernier, n’auraient plus été à l’Aube dorée dans un an. Cela pourrait n’avoir été que la quête idéologique d’un jeune garçon. En d’autres termes, Kapelonis a décidé d’être fasciste tout d’un coup, à 21 ans, alors qu’il avait un père qui était un syndicaliste au PASOK [le Parti socialiste grec] depuis tant d’années.
[À ce stade, la journaliste n’est pas face à la caméra. Elle cherche constamment ailleurs, en regardant à sa gauche comme si d’autres personnes lui disaient quoi dire]
Ils n’étaient que des enfants qui tentaient de trouver un parti politique auquel appartenir.
Lampros Fountoulis : Les garçons y allaient [à l’Aube dorée] écouter quelque chose de différent. Ils allaient écouter une autre voix, une autre possibilité. Des gens qui ne cherchent pas à vous voler, des gens qui ne cherchent pas à cacher les choses, qui ne disent pas une chose et en font une autre, qui ne mentent pas, qui ne déchirent pas nos vies, mais, vous savez, c’est la faute de l’ensemble du système politique. C’est la faute de tout le système politique. Lorsque les médiats et toutes les chaînes commencent à juger, arrivent avec leurs injonctions, condamnent et montent une partie de la société contre l’autre, alors certaines personnes essaient de profiter de tout cela.
C’est pourquoi je dis : arrêtez ce mal maintenant.
Merci beaucoup.
La journaliste : M. Fountoulis, ma dernière question est : après la mort de Pavlos Fyssas [rappeur d’extrême gauche mort lors dans une bagarre de rue], n’avez-vous pas eu des inquiétudes, que peut-être votre garçon ou un autre enfant aurait pu être touché.
Lampros Fountoulis : Bien sûr, j’ai été inquiet, bien sûr j’ai eu quelques inquiétudes.
La journaliste : Vous avez dénoncé le fait que les partisans de l’Aube dorée avaient acheté des gilets pare-balles pour se protéger et que la police grecque les avait saisis tout récemment.
Lampros Fountoulis : Je ne le savais même pas, c’est la première fois que j’entends une chose pareille.
La journaliste : Oui, ils ont acheté des gilets pare-balles dans les bureaux de l’Aube dorée et ceux avec les armes [ici, la journaliste cherche à nouveau à sa gauche, cherchant probablement à solliciter quelqu’un pour lui préciser quoi dire au père]…
Lampros Fountoulis : Quelles armes ? Quelles armes Mlle Tatiana ?
La journaliste : euh… eh bien cela… [en regardant à nouveau sur sa gauche, mal à l’aise cette fois, essayant de rattraper et justifier l’excuse d’armes]…
Lampros Fountoulis : Mon fils m’a dit qu’une fois, on leur a dit de jeter dans la poubelle d’une rue cinq hampes de drapeaux et la police les a arrêtés – non pas mon fils, d’autres garçons qui étaient là – et conduits au poste de police toute la nuit sous l’accusation de détention d’armes, affirmant que les hampes de ces vieux drapeaux étaient des armes. Ce n’était pas des armes, il n’y avait que 5 hampes de drapeaux et il avait été dit aux jeunes de les jeter à la poubelle.
La journaliste : Je pense que cette déclaration à propos des gilets pare-balles a été faite par l’oncle de Giorgos.
Lampros Fountoulis : Ce sont les personnes de la sécurité de ces locaux de l’Aube dorée qui voulaient porter des gilets pare-balles, comme dans les banques vous voyez toujours un employé de sécurité porter un gilet pare-balles sans détenir lui-même d’arme à feu, et ainsi, il y avait des jeunes qui se tenaient à l’extérieur les bureaux portant des gilets ; pas mon fils, quelques autres.
Dès l’instant où la police et le ministère de l’Intérieur leur ont interdit de prendre des mesures pour assurer leur sécurité, ils se sont assignés eux-mêmes pour mission de protéger les bureaux.
Ce vendredi [le jour où la fusillade a eu lieu], il n’y avait aucune protection, il [l’État] a rendu très facile la fusillade contre les jeunes et leur meurtre, vous comprenez ce que je veux dire ?
Personne ne pourra me convaincre qu’ils ne pouvaient pas envoyer une voiture de police ou deux motos de police devant les locaux comme ils le faisaient dans le passé, à chaque fois, alors qu’ils ont envoyé 5 000 policiers pour le match entre l’Olympiacos et Panathinaikos [deux équipes de football].
C’est tout ce que je voulais dire Mlle Tatiana, merci beaucoup. Au revoir.
Lampros Fountoulis a diffusé une courte vidéo d’un anniversaire célébré en famille, où apparaissent Giorgos et sa sœur.
Cette charmante vidéo est toute récente, elle doit dater du 16 octobre 2013, 27e anniversaire de Giorgos, quinze jours avant son assassinat (meurtre prémédité et commandité : merci USraël).
La petite sœur est très présente dans la famille, quoique atteinte d’une sorte de “mongolisme”, la famille ne la cache pas, elle figure partout, pages Facebook… Les parents doivent être inquiets pour son avenir – la petite n’en a probablement pas les moyens –, ils devaient compter sur Giorgos pour s’occuper d’elle toute sa vie, ce qu’il aurait fait, vu l’amour qu’il lui porte, sans doute.
Je suis toujours sidéré par le “syndrome de Stockholm” qui frappe régulièrement les victimes : de gazage, de tabassage, que ce soit en France, en Tunisie, en Grèce, où les punching-balls proclament haut et fort amour et vénération pour leurs tortionnaires de flics, ici comme Lampros Fountoulis. En Tunisie, lors de la révolution de Jasmin, on voyait les Tunisiens embrasser les flics de Ben Ali qui la veille encore les tabassaient à cœur joie. Les régimes changent, la flicaille reste.
La vidéo est présentée ainsi par newsbomb.gr : « Το συγκλονιστικό βίντεο που «ανέβασε» ο πατέρας του Γιώργου Φουντούλη », « la vidéo choquante qu’a “uploadée” le père de Giorgos Fountoulis » ; un anniversaire en famille, une vidéo choquante. Ils s’attendaient à quoi, ces pédés de gauchards, à ce que la famille Aktion-T4-ise la petite sœur ?
D’un autre côté, le sens est peut-être aussi « émouvant » – faudrait voir avec un vrai hellénophone. Ce qui m’a énervé, c’est les commentaires des gauchards contents d’eux à la suite de la vidéo.