Vladimir Poutine quittera la présidence de la Fédération de Russie en 2024, après avoir dirigé la Russie durant un quart de siècle, soit comme président entre 2000 et 2008 puis entre 2012 et 2024, soit comme premier ministre entre 2008 et 2012.
Depuis 20 ans, même si l’on peut critiquer tel ou tel point de son action, celle-ci a été globalement positive et a permis à la Russie de retrouver un statut international de premier plan. Les problèmes du séparatisme et du terrorisme intérieur ont été conjurés, l’oligarchie prédatrice a été mise au pas, même si des compromis ont dû être trouvés, la quasi-totalité de la dette extérieure a été remboursée, le PIB a sextuplé, beaucoup restant évidemment à faire, notamment la création d’un réseau de PME, le niveau de vie s’est considérablement élevé, la Crimée a été reconquise, la puissance militaire a été rétablie et la Russie dispose d’armes parmi les meilleures du monde.
D’ores et déjà se pose la question de sa succession et des moyens d’assurer la continuité de la politique qu’il a mise en œuvre durant ces années. Dans cette perspective, le 15 janvier 2020, le président russe a créé la surprise, lors de son discours annuel devant le Parlement, en annonçant une réforme constitutionnelle.
Une série de modifications mineures vont limiter les pouvoirs du président et donner plus de pouvoirs au Parlement, afin d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs. Dorénavant, un président ne pourra faire plus de deux mandats : Poutine a espacé ses quatre présidences d’un mandat de premier ministre. Cela ne sera plus possible.
L’article 14.4 actuel établissait (à l’instar de ce qui existe en France, par exemple) que « Si un traité ou un accord international de la Fédération de Russie impose des règles contraires au droit [russe], les règles internationales seront appliquées. » Dorénavant, ce sera la loi russe qui primera en cas de désaccord, ce qui relève simplement du bon sens
Les bi-nationaux et les titulaires de permis de séjour à l’étranger ne pourront plus occuper de postes officiels dans la Fédération de Russie. De plus, toute personne se présentant à la présidence devra avoir 25 ans de résidence en Russie au lieu des 10 ans actuels. Là encore, une mesure de bon sens mais qui va circonscrire fortement le risque de voir des Russes affiliés aux cercles mondialistes, notamment des « libéraux » interlopes, accéder à ces fonctions. Cela devrait court-circuiter pour longtemps le jeu trouble des ONG financées par l’étranger et des agents étrangers qui tentent d’infiltrer le gouvernement russe.
Surtout, le Conseil d’État (à ne pas confondre avec le Conseil de Sécurité, organe consultatif sur les problèmes de sécurité), qui était jusqu’à maintenant un organe consultatif sans statut particulier, va devenir un organisme constitutionnel doté de prérogatives constitutionnelles.
Les commentateurs prêtent à Poutine le projet de prendre la présidence de cet organisme à la fin de son mandat présidentiel, à l’image de ce qu’a fait l’ancien président du Kazakhstan, Nursultan Nazarbayev, qui est passé de la présidence du pays à celle du Conseil de sécurité du pays.
L’existence d’un tel organe permet d’assurer la continuité de la ligne politique existante, dans une forme de transition douce, tout en permettant au chef d’Etat sortant de continuer à jouer un rôle directeur, mais sur un autre plan, en veillant à ce que des dérives fâcheuses ne se produisent.
Chacun peut se souvenir d’une faute commise par Medvedev au temps où il était président de la Russie en 2011, lorsqu’il ne réagit pas avec la promptitude nécessaire face à l’agression franco-otanesque en Libye, Sarkozy outrepassant la résolution de l’ONU sur la surveillance aérienne de la Libye et trahissant la confiance de la Russie qui avait voté la résolution 1973 relative à cette question. C’est peut-être là, d’ailleurs, que Medvedev s’est retrouvé condamné à rester un personnage de second plan. Il importe d’éviter ce genre de faute et c’est peut-être le rôle de garde-fou que peut jouer le Conseil d’Etat.
Ce Conseil d’Etat est actuellement un organisme qui réunit des membres du monde politique, économique, industriel. Il pourrait aussi jouer un rôle important de coordination entre le niveau fédéral et les niveaux régionaux, l’articulation actuelle étant déficiente.
Nous retrouvons ici un problème inhérent à tous les régimes politiques modernes qui reposent sur le principe de la souveraineté populaire et qui n’ont plus d’ancrage dans la transcendance, comme c’était jadis le cas lorsque les chefs d’Etat étaient tous des monarques de droit divin. Les hommes politiques pouvaient changer, des ruptures dans l’administration des affaires de l’Etat pouvaient se produire, mais la ligne directrice générale du pouvoir d’Etat demeurait la même. Cela n’existe plus, à l’exception du Maroc. Partout, la notion de transcendance a été attaquée, détruite par le primat de la raison humaine, prônée par les « Lumières », comme seule mesure de toute chose.
Au mieux, serait-il possible d’assurer cette continuité en établissant une sorte de Collège, inspiré du modèle du Sacré Collège de l’Eglise romaine, qui serait chargé de désigner le chef de l’Etat, étant entendu que l’autorité s’exerce en haut et les libertés en bas, ce qui est possible dans le cadre d’une société organique.
Quoi qu’il en soit, ces garde-fou que met en place Poutine n’auront de valeur qu’autant que des hommes d’Etat de valeur accéderont aux postes de direction et que l’âme du peuple ne sera pas pervertie.
Nicolas OUGAROV
Source : Militant n°723 – Février 2020
Addendum : Il y a un mois et demi, Vladimir Poutine avait initié une réforme constitutionnelle en Russie. Lundi 2 mars, le président russe a soumis au Parlement 24 pages d’amendements supplémentaires, dont certains inscriraient Dieu et le mariage hétérosexuel dans la Constitution du pays.
Le problème de la succession de Poutine semble réglé: ce sera Poutine.