Les Etats-Unis ont haussé d’un cran leur offensive contre la république islamique d’Iran comme l’avait annoncé le New York Times samedi dernier. En effet, Donald Trump en personne a annoncé lundi 8 avril placer les Gardiens de la révolution iraniens sur leur liste des organisations terroristes étrangères et vouloir empêcher l’achat de pétrole iranien.
Cette mesure « sans précédent », « est une reconnaissance du fait que l’Iran n’est pas seulement un Etat soutenant le terrorisme, mais que les Gardiens participent activement, financent, et promeuvent le terrorisme », a précisé le président américain.
Alors que l’armée régulière iranienne est chargée de la défense des frontières du pays et du maintien de l’ordre, le corps des Gardiens de la Révolution islamique (Pasdaran) est une force militaro-politique créée en 1979 dans le but de protéger le système de la République islamique d’Iran des menaces étrangères et intérieures. Leur poids politique et économique est considérable en Iran. Entre autres, ils contrôlent des ports et aéroports sur lesquels passent des marchandises, notamment le port de conteneurs de Bandar Abbas. Ils détiennent ou contrôlent aussi des entreprises dans le secteur du bâtiment, de la construction navale et des télécommunications.
Leur unité d’élite, la force Qods, est la branche extérieure qui soutient les forces de l’Axe de la résistance au Moyen-Orient, avec le consentement de leur gouvernement, comme les troupes du président syrien Bachar al-Assad ou le Hezbollah au Liban. Il dispose d’un quartier-général opérationnel libanais à Ras al-Aïn (Baalbek) dont l’une des fonctions est de piloter les activités militaires hors d’Iran et 5 commandements opérationnels situés à Beyrouth-sud, Tyr, Aïn Boussawr, Mlita (Djebel Safi) et Macheghara (Beka’a Ouest). Et c’est surtout cette force d’élite et d’action extérieure qui est visée par l’intégration à la liste, selon le président américain.
Le gouvernement américain a déjà imposé en 2018 d’importantes sanctions économiques contre les Gardiens de la Révolution. Mais avec cette désignation, dorénavant tout ressortissant ou entreprise faisant affaire avec les Gardiens de la Révolution serait susceptible d’être sanctionné par Washington. Et peut-être y compris les entreprises et organisations non-américaines, conformément au caractère extraterritorial que les juges et cours yankees ont l’habitude de reconnaître à leurs propres oukases impérialistes.
Cette décision « augmentera significativement l’échelle et la portée de notre pression maximale contre le régime iranien », précise le président américain, qui ajoute: « Si vous faites affaire avec les Gardiens de la révolution, vous financez le terrorisme ».
Sur ordre de Netanyahu !
Ce que la classe politico-médiatique française et internationale ne nous dit pas, c’est que c’est sur ordre de Benjamin Netanyahu, que Donal Trump a agi.
En effet, dans un tweet du 8 avril, en anglais, le Premier ministre de l’État juif remercie chaleureusement Donald Trump de cette nouvelle décision, après la reconnaissance unilatérale en mars de la souveraineté israélienne sur le Golan syrien, conquis en 1967 :
« Merci, président Donald Trump pour votre décision de désigner les Gardiens de la révolution islamique comme une organisation terroriste. Une fois encore vous agissez pour préserver le monde de l’agression iranienne et du terrorisme. »
Mais une minute plus tard, dans la version en hébreu de son même tweet, « kolossale finesse », Benjamin Netanyahu lache le morceau et avoue :
« Merci, mon cher ami, président US Donal Trump, pour avoir décidé de classer les Gardiens de la Révolution iraniens comme une organisation terroriste. Merci d’avoir répondu à une de mes importantes requêtes, qui sert les intérêts de nos pays et des pays de la région. Nous allons continuer de travailler ensemble dans toutes les directions contre le régime iranien, qui menace l’État d’Israël, les États-Unis et la paix mondiale »
Chutzpah !
Les conséquences de la décision américaine
Directement après cette annonce, le secrétaire d’état américain Mike Pompeo a appelé les banques étrangères à couper tout lien avec les Gardiens de la Révolution.
En même temps, l’émissaire spécial américain Brian Hook a annoncé le renforcement des sanctions américaines, de sorte qu’elles ne se contenteront pas de viser le secteur de l’exportation du pétrole iranien mais empêcheront son achat. Le but étant d’empêcher l’Iran d’avoir de l’argent en échange de son pétrole, à l’instar de ce qui s’était passé avec l’Irak, lors de l’application du programme connu sous l’appellation « Pétrole contre nourriture ».
Selon le magazine des renseignements américains Janes, cette démarche viserait à réduire la masse monétaire de l’Iran, dans le but de pousser les iraniens à la sédition contre le pouvoir. Ce sont les institutions étatiques qui devraient mener la marche, en entrainant le gouvernement iranien dans le défaut de paiement de salaires.
Mais les conséquences pourraient ne pas être uniquement économiques et unilatérale. En effet, par cette décision les États-Unis accroissent dangereusement leur stratégie de la tension au Proche-Orient. Et pas forcément à leur bénéfice.
Et si ils s’étaient refusés jusqu’à présent à l’inscription des Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes, c’est en raison des conséquences possibles d’un point de vue sécuritaire. En mars encore, le New York Times avait affirmé que des responsables du Pentagone et de la CIA s’y opposaient pour éviter des représailles contre les troupes américaines présentes notamment en Irak…
La riposte iranienne
Pour sa part l’Iran s’était préparé pour riposter à cette décision latente. Dimanche 7 avril son Parlement avait commencé à élaborer un projet de loi en urgence qui classera les troupes américaines sur la liste iranienne des groupes terroriste, au même titre que l’État Islamique.
Et les députés se sont finalement réunis mardi 9 avril dans l’enceinte du Parlement, vêtus de l’uniforme des Gardiens de la révolution, pour protester contre la décision de Washington. Ont notamment participé à ce geste symbolique, le président du parlement Ali Larijani et les députés du bloc de l’Espoir, de Loyauté et celui des indépendants. À noter que c’était ce jour-là qu’on fête en Iran la journée nationale des Gardiens de la révolution, qui coïncide avec l’anniversaire de la naissance de l’Imam Hussein.
À la suite, le Conseil de sécurité nationale iranien a donc lui aussi décidé de considérer les forces américaines en Asie occidentale comme faisant partie d’organisations terroristes ! C’est la première fois que l’armée américaine est classée comme organisation terroriste par un pays.
De même la télévision publique iranienne a affirmé que la décision américaine était illégale et contraire au droit international, « aucun pays n’ayant le droit de qualifier de terroristes les forces armées d’un autre pays (…) ».
Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a dénoncé dans l’initiative américaine « un (autre) cadeau mal avisé fait à Netanyahu à la veille des élections » israéliennes et « une (autre) dangereuse mésaventure des Etats-Unis dans la région ». D’autant qu’une fois la décision prise, les forces américaines au Proche-Orient pourraient maintenant devenir la cible des Gardiens de la révolution, appréhendent des responsables américains et entraîner des représailles contre l’armée et les services de renseignement américains de la part non seulement de Téhéran mais aussi d’autres gouvernements hostiles aux Etats-Unis.