L’attrait vivace de l’hitlérisme
« Hitler Philosophe : échos du siècle des Lumières dans le national-socialisme » (titre en anglais : Hitler as Philosophe: Remnants of the Enlightenment in National Socialism) de Lawrence Birken, Westport, Conn., Praeger, 1995.
Un spectre hante le monde, le spectre de l’hitlérisme. C’est en résumé le sévère avertissement de ce livre provocateur, œuvre d’un professeur d’histoire de l’université Ball (Indiana). Le livre est publié chez Praeger, un éditeur universitaire de référence en Amérique.
En dépit de décennies de condamnation sans relâche, explique l’auteur, Lawrence Birken, les conceptions d’Hitler conservent un dangereux pouvoir de séduction, non pas parce qu’elles seraient bizarres et exotiques, mais, précisément, parce qu’elles sont rationnelles et qu’elles s’inscrivent dans le droit fil de la pensée occidentale. En particulier, souligne Birken, l’hitlérisme est profondément enraciné dans le courant rationaliste et scientifique du siècle des lumières. Pour autant, ceci n’est pas dit à titre de compliment : l’auteur est hostile à l’Occident et à ses traditions. Rejetant l’héritage américain et occidental en général, le professeur Birken appelle ouvertement à une nouvelle Amérique racialement homogénéisée.
Cela fait maintenant plus d’un demi-siècle qu’on n’a de cesse de diaboliser les idées d’Hitler, que ce soit au cinéma, à la télévision ou dans la presse écrite. Et pourtant, selon Birken, l’attrait de l’hitlérisme demeure si puissant qu’il menace l’idéal d’une Amérique racialement redéfinie au sein d’une plus haute unité. Alors que les normes culturelles et raciales établies de longue date ainsi que les valeurs religieuses subissent des assauts toujours plus violents, et alors que la crise raciale et culturelle dans son pays se fait de plus en plus aigüe, Birken redoute que ceux qui sont réticents à la « redéfinition » de la société qui se profile en Amérique et en Europe se tournent en masse vers une vision alternative de la société. L’hitlérisme, affirme Birken, va raisonner comme l’appel dangereusement séduisant du « chant des sirènes ».
On doit reconnaître que l’auteur a sincèrement cherché à fournir une vision documentée et objective des pensées d’Hitler. Mais même si on néglige les nombreuses erreurs dans l’orthographe des noms propres et des titres et le style trop souvent polémique, ce travail reste perclus de défauts. La compréhension de Birken de ce que pense réellement Hitler est à la fois limitée et biaisée.
Ceci est en grande partie dû au fait que l’auteur se fie exclusivement à des traductions en anglais des écrits et des discours d’Hitler (visiblement il ne parle pas allemand) et qu’il accorde une confiance naïve à des études douteuses de secondes mains. Par exemple The Psychopathic God: Adolf Hitler (1977) de Robert Waite une psycho-dramatisation à sensation, ou encore Revolution of Nihilism (1939) de Hermann Rauschning une diatribe complètement discréditée (voir à ce sujet « Les drôles de conversations de Rauschning avec Hitler : une mise au point », hiver 1985 journal, p 499-500).
Birken cite aussi fréquemment le Testament d’Adolf Hitler : le document Hitler-Bormann, censé être une transcription de remarques de « coin de table » faites entre février et avril 1945. Ces « documents » sont des faux affirme l’historien britannique David Irving qui rapporte que le banquier suisse François Genoud lui a confié en être l’auteur.
Mais en dépit de ses défauts, Hitler as Philosophe a effectivement le mérite de dissiper des idées reçues qui ont cours sur Hitler et l’hitlérisme, il reconnaît l’importance primordiale de la question raciale, et énonce hardiment des alternatives radicales pour le futur de l’Amérique et de l’Europe. Qu’on en juge.
« Un authentique intellectuel »
Dans le droit-fil de la perspective idéologique qui prévaut dans le monde occidental de nos jours, les spécialistes d’Hitler et du troisième Reich ont eu tendance à faire fi des horizons intellectuels du dirigeant allemand les jugeant simplistes et grossiers ou même insensés. Beaucoup minimisent ou même nient la place d’Hitler dans la culture occidentale « par mesure d’assainissement de ladite culture » estime Birken. « Mais si nous nous en tenons à une lecture « sin ira nec studio », en cherchant simplement à comprendre, alors, nous aboutissons à une conclusion très différente quant à sa place dans l’histoire européenne.«
Briken estime que les universitaires, entre autres, commettent une erreur monumentale en ne prenant pas au sérieux Hitler le penseur, il croit au contraire que le dirigeant politique allemand « doit être considéré comme un authentique intellectuel » à égalité avec Karl Marx et Sigmund Freud. Le jugement de Birkens n’est pas aussi original qu’on pourrait le croire. Comme il le note, dès 1953, il s’est trouvé un historien anglais, Hugh R. Trevor-Roper, pour « évoquer l’image d’un Hitler sorte de synthèse de Spengler et de Napoléon et pour souligner que, de tous les conquérants du monde, le dirigeant allemand a été le plus « philosophique »… » Plus récemment, l’historien allemand Rainer Zitelmann a pu établir dans une étude remarquable d’érudition que la vision qu’avait Hitler était rationnelle, montrait une grande cohérence interne et était d’une grande « modernité » (R. Zitelmann, Hitler : Selbtsverständnis eines Revolutionärs [seconde édition, 1989]).
Qui plus est, le système d’Hitler est partie intégrante de la tradition intellectuelle occidentale. Par sa « combinaison d’une foi quasi religieuse et d’un sécularisme révolutionnaire », écrit Birken, « Hitler représente la continuation d’un style de pensée typique de l’âge des lumières… Le nazisme, spécialement la version qu’en donne Hitler est une version atténuée et popularisée du style de pensée des Lumières. »
Hitler avait un don pour présenter ses messages dans une forme attractive et accessible, Birken écrit :
« La caractéristique la plus attractive dans l’idéologie d’Hitler c’était son optimisme. Ce n’était pas seulement l’état d’esprit du messager qui était porteur d’un enthousiasme communicatif mais le message lui-même. C’était un messie séculaire qui proclamait une version allemande de « la bonne nouvelle ». La perspective d’une réconciliation des classes, les plans pour une renaissance nationale, l’identification d’un ennemi universel dont l’élimination conduirait à l’avènement du millénaire, tout cela remuait en profondeur son public. Hitler parlait le langage des philosophes [des lumières] un langage qui était quasiment passé de mode dans les sphères de la haute intelligentsia. » « Toutefois, poursuit Birken, replacer Hitler et l’hitlérisme dans la tradition occidentale ne doit pas tant nous pousser à rehausser notre opinion de l’hitlérisme que nous conduire à réviser à la baisse notre jugement sur « l’histoire intellectuelle de l’Occident ».
Les conceptions économiques
Les vues d’Hitler en matière économique, écrit Birken, sont, de même, rationnelles, cohérentes, progressistes et tout à fait dans la continuité de la tradition occidentale. « Les idées économiques d’Hitler sont également imprégnées par la notion de progrès du siècle des Lumières, » et étaient « plus proches de Ricardo et de Marx que de Machiavel ou de Keynes. » Birken ajoute :
« … Une lecture attentive de ses discours et écrits suggèrent qu’il n’était ni mercantiliste ni keynésien, ni médiéviste ni marginaliste. En fait ses idées s’accordaient parfaitement avec le style de pensée classico-physiocratique.
Hitler pensait que c’étaient les considérations sociales et nationales et non les considérations économiques qui devaient primer au sein de la société. Le système économique et politique devait servir la nation et non l’inverse. » En conséquence, souligne Birken, tandis « que la politique économique jouait un grand rôle dans sa pensée, » Hitler n’a pas, en fin de compte, restauré le primat de l’État, au contraire, il a subordonné l’État lui-même à une dynamique agressive d’expansion technologique et culturelle. Ce faisant, Hitler se positionnait lui-même contre les derniers vestiges du savoir-vivre aristocratique dans le même temps qu’il s’opposait au relativisme émergeant de la culture de la consommation.
Comme Birken l’explique, Hitler pensait que « la recherche du profit individuel – dont dépend toute croissance – est une bonne chose, à condition qu’elle soit au service du bien commun. » Il a ainsi tempéré ce qui aurait pu être considéré comme une définition « libérale » de l’innovation par une dose de collectivisme. Pensant que la créativité utile à la société était « le fruit du génie individuel de personnalité de haute valeur », Hitler soutenait l’égalité des chances pour tous et s’opposait aux barrières légales ou sociales à l’accomplissement et au succès individuel.
La politique sociale du gouvernement, pensait-il, devait encourager la mobilité sociale basée sur le mérite. Hitler était critique aussi bien du capitalisme que du marxisme, le premier parce qu’il était « insuffisamment démocratique », et le second parce qu’il était « trop démocratique » ou nivelant. Bien qu’il fût en faveur d’une croissance transfrontalière, « Hitler affichait également une position qu’on pouvait considérer conservative et contre l’avènement de l’hyper-commercialisme d’une économie globale émergeante. »
Les idées sur la race et la religion
Bien qu’il soit constamment estampillé « le raciste par excellence du vingtième siècle » les conceptions raciales d’Hitler étaient en réalité assez conformes aux conceptions européennes qui prévalaient à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. « Il devrait sauter aux yeux, écrit Birken, qu’Hitler avait une théorie « classique » de la race en parfaite harmonie avec ses notions tout aussi classiques en politique économique. »
Loin d’être aberrantes ou bizarres, ses vues sur les races étaient conformes à celles des plus illustres Occidentaux des décennies précédant la Seconde Guerre mondiale. Et même si Birken ne le mentionne pas, les conceptions raciales d’Hitler étaient comparables à celles de Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson et Winston Churchill.
Contrairement à une idée reçue, Hitler n’a jamais soutenu le projet de créer une race homogène de blonds « hyper-aryens ». Acceptant la réalité que la population allemande se composait de plusieurs sous-types raciaux, il mettait l’accent sur l’unité sociale et nationale du peuple allemand. Une certaine dose de variété raciale était souhaitable, croyait-il, et un trop fort mélange racial ou homogénéité pourrait être préjudiciable parce que cela uniformiserait et donc éliminerait aussi bien les traits génétiques supérieurs que les traits génétiques inférieurs.
Hitler pensait que « la pudibonderie tout autant que l’érotisme à tout crin » étaient nuisible à la société et il s’opposait au contrôle des naissances parce que cela abaissait la qualité génétique des sociétés qui le pratiquaient.
Bien qu’il se montrât critique du christianisme, Hitler n’était pas athéiste. « La religion d’Hitler était essentiellement une sorte de déisme », concluait Birken. Comme Thomas Jefferson et d’autres illustres Américains des débuts, Hitler ramenait Dieu au « règne des lois naturelles à travers tout l’univers. » Ainsi, « pour Hitler, le national-socialisme était un naturel-socialisme. »
Attitude envers les Juifs
C’est « bien entendu, une grande erreur de voir l’antisémitisme comme un rejet des valeurs des Lumières, » remarque Birken. « Au contraire, les Lumières n’ont fait que séculariser et non détruire, la judéophobie traditionnelle. » (Il n’y a pas plus ouvertement antisémite parmi les penseurs occidentaux que Voltaire, le grand philosophe français, qui considérait les Juifs comme des « ennemies du genre humain. ») Le concept des Lumières de la « fraternité », écrit Birken, requiert la solidarité sociale, ce qui implique que le peuple juif, comme corps étranger qui vient s’immiscer, ne peut convenir à ce concept.
L’attitude hostile d’Hitler envers les Juifs, écrit Birken, n’était ni irrationnelle ni aberrante. Il voyait « les Juifs comme l’incarnation d’un grand mensonge » : alors qu’ils prétendaient n’être qu’une communauté religieuse, ils constituaient en fait un groupe ethnique autosélectionné avec des ambitions internationales. Et c’est parce qu’il voyait les Juifs comme ennemis de tous les peuples, qu’Hitler considérait que combattre la puissance et l’influence juive était du devoir de toutes les nations, ce que Birken appelle une expression de « l’universalisme allemand ».
Les États-Unis
L’attitude d’Hitler envers les États-Unis était partagée. Il voyait beaucoup de chose à admirer dans les XVIIIe et XIXe siècles américains. Comme le note Birken, il louait la politique raciale pro-Blanche en vigueur dans ce pays jusqu’aux années 1940 avec les restrictions sur l’immigration non blanche ainsi que l’adoption pionnière par l’Amérique de mesures eugéniques.
Cependant, Hitler voyait aussi des tendances menaçantes apparaître dans les années 1920 et 1930. Faisant écho aux dires de l’industriel américain Henry Ford, il était atterré par la montée spectaculaire de la puissance et de l’influence culturelle juive et considérait l’administration du « New Deal » de Franklin Roosevelt comme virtuellement une révolution de la vie américaine par laquelle les Juifs usurpaient le pouvoir de la classe dirigeante traditionnelle.
Une séduction tenace
La défaite de l’Allemagne en 1945, Birken le note à raison, « a nettement marqué un tournant » de l’histoire mondiale, et spécialement pour l’Occident : indiscutablement, la défaite d’Hitler était implicitement la défaite des nations européennes et des valeurs des Lumières qui les sous-tendaient. Les successeurs de l’Allemagne, les États-Unis et l’Union Soviétique étaient des empires fondamentalement transnationaux et multiraciaux dont les territoires semblaient illimités.
Le résultat est que depuis plus d’un demi-siècle, nous vivons dans ce que Birken appelle un monde « capitaliste – consommateur » dans lequel « l’ordre hiérarchique des sexes et des races qui sous-tendait le nationalisme bourgeois se désagrège » et dans lequel « la relativisation galopante des valeurs est encouragée par une globalisation de plus en plus grande de l’économie et l’émergence concomitante d’une élite économique multinationale. »
Ce nouvel ordre mondial est plus fragile qu’il n’y paraît dit Birken. L’effondrement de l’Union Soviétique multiraciale et multiethnique, prévient-il, comporte les mêmes problèmes pour l’Empire américain. Même une simple récession économique pourrait menacer « de dissoudre les États-Unis en plusieurs races. » Selon la conception de Birken, le nationalisme racial menace « la continuité de l’existence des États-Unis. » Il avertit :
« Ce que disait Hitler dans les années trente, c’est ce que disent nos nationalistes racialistes aujourd’hui, à savoir qu’une nation multiraciale authentiquement inclusive viole l’ordre naturel des choses. Les États-Unis doivent être soit une nation à dominante blanche soit une collection de républiques séparées faites de tel ou tel groupe. »
Bref, si Hitler a raison, l’Amérique est de plus en plus une construction artificielle qui ne mérite pas de survivre et qui ne survivra pas.
La crainte de Birken, c’est que l’hitlérisme n’attire de plus en plus ceux qui aujourd’hui rejettent le supranational « capitalisme de consommation » et qui vont se dresser contre l’émergence rapide d’un ordre « authentiquement multi-racialement inclusif ». Birken pense que cette vision alternative présente un attrait au-delà de l’Amérique et de l’Europe. Comme il le note, le combat d’Hitler contre l’Empire britannique – une guerre qu’il n’a en réalité jamais voulue – « lui a gagné l’admiration des peuples colonisés de l’Irlande à l’Inde… »
Une nouvelle nation « cosmique »
Birken termine son livre par un vibrant plaidoyer en faveur « de la constitution progressive d’une race américaine d’une synthèse plus élevée. Alors les Américains formeront un peuple universel ou « cosmique ». » Selon Birken, le « mythe de la race » et l’hitlérisme « continueront de nous tenter » sauf si les Américains « se voient offrir un fondement métaphysique. » Ce « fondement métaphysique » doit être la « race incréée » issue d’un complet mélange racial. Par conséquent, écrit Birken, « nous ne devrions pas avoir peur de ce petit mot malpropre : « métissage ». » (Le discours très discuté du président Bill Clinton du 14 juin 1997 à San Diego sur les relations raciales, qui proclamait ouvertement l’ambition de faire de l’Amérique « la première démocratie au monde réellement multiraciale », est en parfaite conformité avec cette vision.)
Étant donnée la réticence de nombreux Américains, en particulier des conservateurs blancs, à embrasser chaleureusement cette nation « universelle », dit Birken « nous devons avoir un système éducatif capable d’instiller cette redéfinition dans la culture américaine. »
« Avant de chercher à unir le monde », conclut Birken, « essayons de nous unir nous-mêmes. Tant que nous n’y parviendrons pas, les sirènes de l’hitlérisme nous poursuivrons. »
Alternatives radicales
Pour quiconque voit le passé avec un esprit ouvert, l’histoire démontre la nature totalement fantastique de l’objectif affiché par le professeur Birken (et le président Clinton) – une vision pas moins utopique que le communisme de Marx. En tout état de cause, mélanger la population américaine pour en faire naître une unité raciale et culturelle « universelle » demanderait une coercition gouvernementale d’une échelle inimaginable aujourd’hui.
Peu d’Américains sont aujourd’hui capables – pour autant qu’ils le veuillent – de pleinement saisir les énormes implications du programme que des intellectuels comme Birken (et de dirigeants politiques comme Clinton) sont en train d’édicter pour notre futur. Mais une fois qu’ils auront réalisé (comme le craint Birken) alors, vraisemblablement, nombreux se tourneront vers l’hitlérisme comme alternative à l’idéologie officielle dominante. Les décennies de campagne de diffamation d’Hitler et du troisième Reich pourraient en fait contribuer à convaincre des millions d’Américains que l’hitlérisme est l’antithèse de l’idéologie de l’Establishment et donc, constitue la seule alternative.
Mark Weber
Titre original de l’article paru en anglais sur le site de l’IHR : Hitler as ‘Enlightenment Intellectual’: The Enduring Allure of Hitlerism (Traduction Francis Goumain)
Ce Lawrence Birken n’est pas du siècle des lumières et ce n’est pas non plus la lumière du siècle mais il pose la bonne question:
Qu’est-ce que c’est que ces blancs qui se prennent pour des lumières?