A Belfort, si on désire rendre visite au Lion de Bartholdi, on pourra laisser sa voiture au parking de l’Arsenal, au pied de la citadelle, et emprunter une allée montante au nom stupéfiant : l’Allée de l’Option Française. Géographiquement, cette allée se situe à environ 2200 mètres de la Grande Mosquée de Belfort. Historiquement, elle se situe à environ 22 ans de l’affaire Dreyfuss. Mais si tous les écoliers connaissent Dreyfuss « mieux que n’importe quel Roi de France », peu d’entre eux se souviennent de l’option Française.
L’Allée de l’Option Française
Une petite recherche dans le Palantir Internet permet de remonter que :
« Le traité de Francfort du 10 mai 1871 signé avec l’Allemagne prenait en compte le problème de la nationalité des Alsaciens-Lorrains, en prévoyant la faculté pour « les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur ce territoire, qui entend[aient] conserver la nationalité française » « de transporter leur domicile en France et de s’y fixer », « moyennant une déclaration préalable faite à l’autorité compétente », possible jusqu’au 1er octobre 1872. L’option est donc un acte administratif permettant aux Alsaciens-Lorrains de conserver la nationalité française de naissance ou de prendre la nationalité allemande. »
Les Belfortains n’étaient pas concernés par cet acte puisque le Territoire de Belfort est justement la seule partie de l’Alsace qui va rester française. Pour les autres Alsaciens et pour les Mosellans il fallait choisir : rester Français ou devenir Allemand. Et voilà donc la résolution du mystère qui a pu en bloquer certains au pied de la citadelle : comment, dans les environs d’une rue située sur le territoire national, la nationalité française a pu être « en option ».
Il y a encore quarante ans, on aurait parfaitement pu se satisfaire de cette explication : les rues par leur nom commémorent le passé, elles aident à faire en sorte que le passé soit dépassé : il y a eu une parenthèse allemande pour l’Est et cette parenthèse est maintenant refermée.
Mais cette allée-là ne semble pas du tout nous parler du passé. En évoquant le traité de Francfort, on a plutôt l’impression qu’elle nous invite à procéder à une anamnèse de notre époque. Ce ne sont plus trois départements qui sont touchés, mais c’est sur tout le territoire que la nationalité française se trouve être à nouveau en option… si tant est qu’on nous laisse encore le choix. Observons le frontispice les bâtiments officiels : le drapeau de l’Union européenne y trône au centre, flanqué de chaque côté d’un drapeau français, lesquels semblent figurer là comme des assesseurs. Le symbole du drapeau de l’Union est d’ailleurs sans ambiguïté : c’est une couronne d’étoiles fermée. Très peu de souverains dans l’Histoire ont porté une couronne fermée : le Roi de France, l’Empereur, le Pape. Une couronne fermée signifie un pouvoir suprême totalement indépendant.
L’Allée du Souvenir Français
Il existe une deuxième allée qui mène à l’entrée de la citadelle. Sur le chemin du retour on peut, pour éviter de repasser devant un panneau aux évocations si désagréables, « opter » pour cette autre voie – « l’allée retour » si on veut – mais c’est tomber de Charybde en Scylla puisqu’on emprunte alors l’allée du « Souvenir Français ». Un nouveau coup d’œil dans le Palantir remonte :
« Né en 1872 en Alsace et en Lorraine occupées puis créé en 1887 par Xavier Niessen, Le Souvenir Français a été reconnu d’utilité publique en 1906. L’association est placée sous la haut patronage du Président de la République. Elle a été couronnée par l’Académie Française en 1975 et par l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 1978. »
Cette fois, on comprend comment dans le voisinage d’une rue située sur le territoire national il a pu être question de la France comme d’un souvenir : à un moment donné, la petite Strasbourgeoise a dû conserver précieusement le souvenir de la France et chanter « Vous avez eu l’Alsace et la Lorraine, mais mon p’tit cœur vous ne l’aurez jamais, mon p’tit cœur il restera français ». Et aujourd’hui, de nouveau, nous pourrions chanter la même chose.
L’option de 1871 permettait de rester français mais, on l’aura noté plus haut, à condition de « transporter le domicile en France et de s’y fixer », c’est-à-dire, à condition de s’en aller.
«Foutons le camps » chantent nos modernes Strasbourgeoises « Les Brigandes » ; elles chantent aussi « L’heure de dire adieu », « partir ou mourir » « pour cette simple évidence » « on n’est plus en France ».
Francis Goumain