Décidément le millésime 2017 est une annus horribilis pour la droite nationale. Malgré la déferlante des migrants, les attentats terroristes multiples particulièrement sanglants, la montée du chômage, de la pauvreté, malgré des impôts et prélèvements très élevés qui confinent à la confiscation, malgré le succès en librairie des livres de Zemmour et de Buisson, malgré les études qui évoquaient la droitisation de la société française, c’est un social-démocrate européiste, mondialiste et libéral-libertaire, Emmanuel Macron, qui a été élu et qui bénéficie d’une large majorité au Parlement.
Ce que les media appellent la droite parlementaire est en grande partie macronisée et ceux qui restent au sein du parti, les Républicains, ne savent plus à quel saint se vouer et quelles orientations programmatiques défendre. Au Front national, c’est encore pire. L’échec de la présidentielle et des législatives favorise en son sein les forces centrifuges, les divisions internes, les querelles de clans et de lignes tandis que son chef, Marine Le Pen, sort très affaiblie d’une séquence désastreuse pour elle, où elle a révélé dans trois débats télévisés successifs sa véritable personnalité, sa nullité abyssale, son incompétence crasse, son absence totale de hauteur de vues, de convictions et de colonne vertébrale. Pris de panique, les dirigeants du néo-FN, pour sauver les meubles, sont prêts, pour beaucoup d’entre eux, à renoncer à ce qui était pourtant la mesure phare de leur programme présidentiel : la sortie de l’euro et de l’Union européenne.
Alors qu’on nous expliquait jusque-là qu’on ne pouvait redevenir maître chez soi sans rétablissement de la souveraineté monétaire, sans retour à une monnaie nationale, que 70 % du programme économique et social de Marine Le Pen nécessitait l’abandon de l’euro, voilà que tout à coup, par électoralisme, on nous dit qu’il est urgent de mettre tout cela au placard. Les conseillers économiques de Marine Le Pen, Bernard Monnot et Jean-Richard Sulzer, qui, pendant toute la campagne, expliquaient l’impérieuse nécessité de sortir de l’euro, cause de tous nos maux, disent désormais qu’il faut garder cette monnaie. Toutefois, comme la direction du FN n’est pas capable d’assumer ouvertement ce revirement, on va demander en septembre aux adhérents de se prononcer eux-mêmes. Ce sont les militants, et non les chefs, qui décideront de la ligne politique à adopter. En principe ce sont les dirigeants qui montrent le chemin, indiquent le cap. Non, au néo-FN, on va demander à la base de trancher car les chefs, divisés et couards, sont incapables d’imposer eux-mêmes une ligne.
Or ce qui était reproché au FN, ce n’était pas de défendre la souveraineté monétaire mais de mettre au centre et au sommet de la campagne des questions économiques plutôt que de promouvoir en priorité l’identité, les racines, l’âme et les traditions de la France historique, de mettre en garde avec énergie contre la submersion migratoire. Au lieu de simplement hiérarchiser les priorités et les dangers, voilà que l’on s’apprête à renier le seul élément du programme du FN historique qui n’avait pas encore été abandonné. Et cela en pure perte. Car comment faire confiance à des gens qui, sous le coup de défaites électorales, sont prêts à défendre exactement le contraire de ce qu’ils disaient hier ? Et non parce qu’ils auraient évolué à la suite d’une longue réflexion sur le fond mais par pure démagogie, par électoralisme. Tout cela est profondément méprisable.
On s’en doute, nous n’avons aucune sympathie pour Challenges qui est une publication cosmopolite aux antipodes de nos convictions mais nous nous permettons, une fois n’est pas coutume, de citer un peu longuement des extraits de l’analyse par son éditorialiste de ce qui se passe actuellement au FN car ce commentaire nous paraît pour le coup rigoureusement exact : « Ce débat de ligne (NDLR : sur l’opportunité ou non d’abandonner la sortie de l’euro) en cache un autre : la nécessité du maintien de Marine Le Pen à la tête du FN. Marine Le Pen a en effet perdu tous ses paris de l’élection présidentielle, accumulant les échecs politiques (mauvais score au premier tour, débat raté avec discrédit sur temps long, défaite de grande ampleur au second tour, tout cela couronné par une sévère raclée aux législatives), elle se doit désormais de tirer les leçons de cette séquence lamentable. Car l’échec est accablant pour l’héritière du Menhir. Le Front était parti pour faire 30 % au premier tour, passer la barre des 40 au second, encercler la droite avec En Marche, espérait revenir à l’Assemblée en incarnant la seule vraie opposition, (avec pourquoi pas 100 députés et plus) et le voici aujourd’hui, réduit à huit élus… Plus dure a été la chute… Il faut donc un responsable. Si succession d’échecs il y a eu, c’est que quelqu’un, quelque part, a fauté. Si désillusion il y a eu, c’est qu’un magicien de la politique a trompé tout son petit monde frontiste. Et ce responsable est aussi le coupable.
Le principe est simple, aussi vieux que le FN. Le chef a toujours raison, jamais ce sont les autres qui ont tort, surtout quand il les a écoutés. Au Front, le numéro 2 ne devient jamais numéro 1. Y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes. […] Il était écrit d’avance que Philippot, crypto-mélenchoniste, était appelé à jouer les Mégret II. Puisqu’il est dit partout que la sortie de l’Euro inscrite en lettres d’or en tête du programme du FN est la cause de la désertion des électeurs et puisqu’il est acté que Philippot a été, est et sera encore le plus ardent avocat de cette sortie, la conclusion s›impose d›elle-même : Philippot coupable. Donc Philippot out ! Cela se produira, d’une façon ou d’une autre. Cela étant, sachons porter le regard au-delà du destin du sieur Philippot. Marine Le Pen peut-elle espérer duper son monde en tentant de transférer sur Philippot le poids de ses responsabilités ? La réponse est probablement négative. Il est des images qui restent, et marquent une carrière politique. Marine Le Pen demeurera à jamais dans l’esprit des Français la candidate qui divague le soir d’un grand débat présidentiel de second tour, au point de faire douter de sa bonne santé psychologique. Le célèbre moment où, sous les yeux d’Emmanuel Macron, elle a évoqué l’invisible cohorte des électeurs FN menaçant de prendre la France façon 5e colonne lui collera aux basques médiatiques jusqu’à la fin des temps. Il arrive encore que le ridicule tue dans la France contemporaine. Et Marine Le Pen s›est ridiculisée à jamais durant ce débat 2017. Tout indique qu›elle ne s›en remettra jamais, que Philippot soit sacrifié ou pas. Il n’est pas de bouc émissaire qui soit de nature à permettre à la fille de Jean-Marie Le Pen de rétablir son destin. La page s’est écrite, et le livre se referme. Les partisans de la présidente du parti pourront bien sacrifier tous les Philippot du monde, cela ne changera rien à la perception des qualités de leur championne par une écrasante majorité de Français. Le plafond de verre est plus solide que jamais. […] Dans les mois et les années qui viennent, le FN va s’abîmer dans une guerre interne qui devrait lui interdire, à terme, de se poser en prétendant légitime à toute forme d’alternance au pouvoir macronien. Le délitement électoral est possible. Pour le plus grand bonheur possible de Mélenchon, à l’affût des électeurs des classes populaires que le cirque FN pourrait lasser. Et pour celui de la droite en reconstruction, qui pourrait lancer une OPA sur les électeurs mus par des considérations sociétales en mode réactionnaire. »
En plus de l’autodestruction du FN, nous assistons à un changement de direction à Radio Courtoisie qui pourrait être lourd de conséquences tant on peut craindre un affadissement ou une élimination graduelle des idées et positions qui avaient droit de cité jusque-là sur cette « radio de toutes les droites ». Dominique Paoli sera-t-elle la Marine Le Pen de Radio Courtoisie ? La brutale éviction d’Henry de Lesquen ressemble en effet à bien des égards à celle de Jean-Marie Le Pen qui fut lui aussi sacrifié par sa fille et ses sbires sur l’autel du politiquement correct et au nom du refus d’un prétendu antisémitisme. Il suffit que le CRIF ou que la LICRA menace pour que des personnalités dans le camp dit national se croient obligées de hurler avec les loups et de sacrifier des compagnons de route et même des hommes auxquels elles doivent tout. C’est en effet Jean-Marie Le Pen et Henry de Lesquen qui avaient nommé, protégé et promu, l’un au bureau politique du FN, l’autre au conseil d’administration de Radio Courtoisie, les personnes qui les ont éliminés sans pitié l’un et l’autre. Comme quoi il est difficile pour un chef de savoir s’entourer et de juger avec objectivité de la valeur des personnes qui ne devraient pas être choisies pour leur servilité mais pour leurs qualités intrinsèques. Un chef doit se méfier des collaborateurs trop obséquieux, mielleux et serviles. Cela n’augure rien de bon. Mieux vaut quelqu’un qui dise ce qu’il pense, qui exprime le cas échéant un désaccord qu’un faux ami qui ne dit rien ou qui feint d’être en phase mais qui vous poignarde dès qu’il en a l’occasion. Rien n’est plus méprisable que ce que Bernanos appelait déjà « la grande peur des bien-pensants » et qui consiste à multiplier les concessions à l’ennemi, les reniements, les reculades par crainte de la persécution, qu’elle soit politique, judiciaire, administrative ou religieuse, et qui ne répugne pas à livrer son frère ou son père pour se protéger soi-même. Nous sommes là aux antipodes de l’Evangile qui répète « N’ayez pas peur », du message du Christ qui vomit les tièdes, de la nécessité de dire la vérité à temps et à contretemps, quoi qu’il en coûte. Si le camp national perd toutes les batailles depuis plus de deux siècles, ce n’est pas seulement dû à la force colossale de l’ennemi, c’est aussi et surtout la conséquence de nos faiblesses, de nos insuffisances, de nos abdications. Il serait temps de s’en rendre compte pour ne plus reculer.
[…]Éditorial de Rivarol n°3291 du 13/7/2017
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