COMME IL LE FAIT chaque année depuis 2014, le maire de Béziers Robert Ménard avait installé une crèche dans sa mairie. Le tribunal administratif de Montpellier a aussitôt enjoint à l’édile de retirer sous 48 heures la crèche et il a également prononcé une astreinte de 2 000 euros par jour de retard. Le juge a rappelé que « l’installation d’une telle crèche, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse. ». Mais qui va déterminer, et selon quels critères, s’il s’agit d’une initiative de nature culturelle, festive ou religieuse ? Le juge des référés, censé se prononcer sur l’urgence, rend un jugement de fond sur la crèche, en décidant arbitrairement qu’il s’agit d’une manifestation cultuelle et non culturelle.
Le maire de Béziers a essayé de trouver la parade en déplaçant la crèche… de douze mètres. Située initialement dans la cour d’honneur de la mairie, elle est désormais placée sous le porche de l’hôtel de ville, mais en dehors du périmètre officiel de la « maison du peuple ». Conscient que la justice pourrait lui demander de la déplacer à nouveau, l’édile a prudemment opté pour une crèche… à roulettes ! Mais la décision du juge des référés est lourde de conséquences. Le plus significatif peut-être dans cette affaire, c’est que ce jugement a été pris à la suite d’une plainte du sous-préfet de l’Hérault qui a saisi le tribunal administratif de Montpellier selon une procédure d’urgence. « Nous demandons l’enlèvement immédiat de la crèche », avait en effet indiqué avec fureur le sous-préfet Christian Pouget au quotidien Midi Libre le 4 décembre 2018. Manifestement il a mis sans tarder ses menaces à exécution. En 2017, l’Etat avait déjà saisi la justice, et avait déjà gagné. C’est encore le cas cette fois-ci. Ce ne sont donc pas des groupes mahométans ou ouvertement laïcistes qui ont demandé en 2017 et en 2018 le démontage et le retrait de la crèche, c’est l’Etat français, la République française. Comme l’écrivait déjà Robert Ménard dans un communiqué publié le 18 décembre 2017 après la précédente interdiction et intitulé « pour la première fois en France, l’Etat expulse la crèche d’une mairie », « Il ne s’agit pas là de quelques associations “laïcardes” bien décidées à faire la peau à nos santons, comme ce fut le cas en 2014 et en 2016. Non, cette fois c’est bien l’Etat qui, seul, via son représentant dans l’Hérault, fait retirer la crèche. C’est une “première”, dont la portée symbolique — et historique — n’a pas fini de nous abasourdir. » C’est l’Etat, à son plus haut niveau, qui décrète l’interdiction des crèches dans les lieux publics. C’est la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’Etat, celui-là même qui avait interdit en 2014 de manière arbitraire les spectacles de Dieudonné comme troublant l’ordre public, celui qui avait affirmé en 1989 la supériorité du droit européen sur le droit national (arrêt Nicolo), qui, une fois de plus, a pris une décision scélérate. En effet, dès le 9 novembre 2016, cette juridiction avait proscrit dans un arrêt les crèches dans les bâtiments publics, sauf circonstances particulières extrêmement restrictives.
ON LE VOIT avec cet exemple emblématique, nous vivons dans un pays occupé. Occupé mentalement, intellectuellement, spirituellement. Occupé par des lobbies, des hommes, des organisations qui sont étrangers à l’âme de la France historique, qui renient chaque jour les promesses du baptême de notre patrie, qui promeuvent le faux, le laid, le mal. Leur laïcité est en réalité, et depuis l’origine, une machine de guerre contre l’âme de la France, contre sa religion historique et véritable, contre la foi de ses aïeux qui a imprégné si profondément nos territoires, nos paysages, nos terroirs, nos traditions, notre calendrier, les noms et prénoms que nous portons ou que nous donnons à nos enfants mais aussi à des villages, des villes ou des monuments, notre vocabulaire, nos dictons, et il y a encore quelques décennies, avant l’apostasie universelle, jusqu’à nos modes de vie et de pensée. La “laïcité” est souvent présentée comme l’application du principe de neutralité de l’État à l’égard des différentes confessions, toutes mises sur le même pied (égalité et nivellement obligent), ce qui est déjà un principe philosophique en soi condamnable. Mais en réalité, il ne s’agit même pas de cela. En fait, la prétendue “laïcité” n’est que la couverture d’un athéisme fanatique qui est en soi une contre-religion à part entière, elle n’est donc qu’un instrument, une arme, dans le cadre d’une guerre ouverte mais qui avance masquée, et surtout qui refuse d’être désignée comme telle sous couvert d’égalitarisme républicain ! C’est pourquoi il est inconséquent de combattre l’Islam dans notre pays au nom de la laïcité car on ne peut lutter contre une religion conquérante avec une arme qui précisément nous détruit et nous avilit depuis plus de deux siècles, nous coupe de nos racines, de notre passé, de notre héritage, de notre lignée et qui agit sur nous comme un gaz incapacitant. Face au croissant, comme face à la shoah, plus que jamais il faut opposer la crèche et la Croix !
CE N’EST PAS un hasard si aujourd’hui de plus en plus d’églises sont détruites ou transformées en cinéma, en office de tourisme, en maison particulière, en hall public, en hôtel, et demain sans doute, en mosquées ou en supermarchés (voir le dessin en page 2). La journaliste Caroline Fourest, très active dans le lobby LGBT, préconisait ainsi de transformer les églises en centre commercial. C’est d’ailleurs le lieu où se réunit désormais une grande partie des consommateurs le dimanche (quand les magasins sont ouverts, ce qui est de plus en plus fréquent). Autrefois on se réunissait sur la place de l’église, au centre du village, et on se retrouvait tous à la sortie de la messe, ceux qui avaient assisté à l’office et ceux qui étaient allés au café en face, mais tous participaient à la vie villageoise. Aujourd’hui c’est le centre commercial anonyme ou le stade qui est le lieu de vie et au bout de la chaîne c’est le cancéropôle, l’oncopôle, ce qui va parfaitement ensemble car la nourriture industrielle vendue dans les hypermarchés ne peut produire que des effets désastreux.
Certes, dès lors que les églises se vident, il est logique qu’elles finissent par disparaître. Ce qui n’apparaît plus utile dans une société, à un moment donné, finit par s’écrouler. Mais si les églises se vident, c’est non seulement parce que nous vivons dans une société matérialiste et hédoniste où Dieu apparaît facultatif voire superfétatoire pour le plus grand nombre, mais c’est aussi parce que, depuis Vatican II, le culte qui y est encore, ici et là, pratiqué, n’a plus rien de sacré, plus rien qui élève l’âme, plus rien qui relie l’homme à Dieu, le Ciel et la Terre. On y dispense dans des sermons généralement très médiocres (n’est pas Bossuet qui veut!) un humanitarisme horizontal, un droit de l’hommisme compassionnel qui ne fait que paraphraser sottement ce que l’on enseigne déjà à longueur de journée à l’école, dans les media, dans les variétés, au cinéma. Si c’est pour entendre à l’église paroissiale les discours et les accents dont on est déjà abreuvé en permanence partout ailleurs, il n’est pas étonnant que les gens ne s’y déplacent plus.
NOUS VIVONS un désert spirituel dont nous ne mesurons sans doute pas l’étendue et la profondeur et dont les conséquences sont et seront incommensurables pour les familles, pour les nations, pour la concorde en société, pour le bien commun. Il est de bon ton de répéter que les croyances religieuses sont fauteuses de troubles, de violence, de haine et de crimes. Et on se plaît à énumérer les massacres qui, dans l’histoire, auraient été commis au nom de Dieu. En omettant de préciser que le plus souvent, dans ce genre de tragédies, il s’agissait en réalité de considérations essentiellement politiques qui avançaient masquées derrière d’apparentes revendications religieuses. En revanche, on ne s’interroge jamais sur l’étendue des crimes, des persécutions, des violences, des injustices commis au nom du refus de Dieu, au nom de sa radicale négation. Et pourtant n’est-ce pas le communisme athée qui, aux quatre coins du globe, a fait, et de loin, le plus de victimes au XXe siècle ? Depuis la Révolution française n’est-ce pas, au nom du refus de la religion, que l’on a massacré des innocents, de la Vendée aux carmélites de Compiègne, que l’on a tué des prêtres et des religieuses, que l’on a, au mépris de toute justice, de toute humanité, crocheté des couvents, des églises, supprimé des congrégations, conduit à l’exil tant de prêtres et de religieux et organisé l’un des plus grands vols de l’histoire en se saisissant, tant sous la Révolution que durant la IIIe République, des biens de l’Eglise, du clergé, de toutes les églises paroissiales construites avant 1905 ?
Il n’est pas sans danger pour l’homme, pour la société, pour la concorde sociale, pour la vie en commun d’éliminer totalement Dieu du domaine public. Car la foi doit pouvoir se vivre, non seulement dans sa conscience, dans son foyer, dans sa famille mais doit aussi pouvoir s’exprimer en public. Dans le culte, dans les processions et pèlerinages. Dans les églises et les chapelles, au moyen de statues et de calvaires, de chemins de Croix, de chapelets et de crucifix. Elle doit pouvoir s’exprimer et se vivre dans les écoles et les tribunaux, dans l’administration et jusque dans les hôpitaux.
Si l’on supprime les crèches des dernières mairies qui souhaitaient les installer, plus souvent, il faut l’avouer, par folklore et respect de traditions locales encore populaires qu’au nom d’une foi ardente, c’est qu’on a déjà retiré toute trace de religion et de divin des autres lieux publics, c’est que l’on a conduit jusqu’à son terme, jusqu’à son sommet, l’apostasie publique d’une nation.
FAUT-IL que ce Divin Enfant, bien que tout petit, muet et sans défense, gêne considérablement les puissants de ce monde pour qu’on décide ainsi de le cacher, de le faire disparaître, toutes affaires cessantes, des lieux publics avec un fanatisme impressionnant ? Et en effet la simple vue de cet Enfant, de sa sainte Mère et de son père adoptif, l’humble charpentier maniant la varlope et le rabot, est insupportable à ceux qui ont en main les leviers de commande de ce pays. Car la Sainte Famille représente par excellence tout ce qu’ils combattent, tout ce qu’ils haïssent.
La pureté et l’innocence alors qu’ils scandalisent et pervertissent l’enfance et la jeunesse, dès le plus jeune âge, promeuvent toutes les perversions, toutes les déviances, de la Gay Pride officiellement parrainée chaque année pour la Saint-Jean par le chef de l’Etat, le maire de Paris et le conseil régional d’Ile-de-France au “mariage” gay en passant par ces réalités sordides cachées derrière les affreux acronymes IVG, PACS, PMA et GPA et par la diffusion chaque jour plus massive, à la télévision et sur la Toile, de la pornographie.
La pauvreté et la simplicité alors qu’ils ne pensent qu’à s’enrichir toujours davantage au détriment des plus modestes, au détriment de la nature, de la tempérance et du bon sens, au détriment de ces millions de gilets jaunes qui expriment à leur façon leur détresse, leur colère et leur désarroi face à un pouvoir qui les spolie, les nie, les ruine, les dépossède.
La paix, le silence et la discrétion alors que notre monde ne vit que de bruit, de fureur médiatique, de cris et d’hurlements et qu’il est une conspiration permanente contre toute forme de vie intérieure, contre toute aspiration à la méditation et à la contemplation. Il faut toujours qu’il y ait du bruit, une musique assommante dans les magasins, dans les restaurants, dans les transports et jusque dans les rues.
L’intransigeance sur les principes alors qu’ils n’ont aucune colonne vertébrale et que leurs seules valeurs sont mobilières.
L’amour de la vérité et de la sincérité alors qu’ils sont faux et fourbes, que mentir pour eux est une deuxième nature, et qu’ils ne cessent de tromper, de leurrer, de manipuler, de fourvoyer par le trucage des chiffres, des statistiques, de l’histoire, de la mémoire, par les promesses non tenues, les engagements violés sans vergogne, les trahisons tant des idées qu’ils sont censés avoir pour se faire élire que des hommes qui les ont aidés à faire carrière.
La vie qui se donne, se sacrifie et se perpétue, la vie naturelle et surnaturelle, la vie du corps et la vie de l’âme, la vie toute simple et la vie de la grâce face à un monde mortifère où l’on entend légaliser l’euthanasie active, le suicide assisté, même des enfants, où l’on s’en prend aux deux bouts de la vie, des fœtus avortés aux vieillards euthanasiés, tout en fabriquant en laboratoire des bébés éprouvettes pour des paires homosexuelles et en ouvrant la voie à la location du ventre de mères porteuses pour la satisfaction de sodomites en mal de chair fraîche ! Peut-on aller plus loin dans la barbarie et la marchandisation de l’être humain ?
LE CHRISTIANISME est par excellence la religion et la civilisation de l’Incarnation car il adore le Verbe incarné, le Dieu qui s’est fait homme. Or le monde moderne est au contraire celui de la désincarnation et d’une contre-incarnation. Il est le monde du virtuel et non plus celui du réel, de l’anonymat des réseaux sociaux et non de la chaleur d’un foyer aimant. Le monde de l’émotion instantanée qui fait pleurer les masses sur les infortunes de stars du petit écran mais qui ne s’occupe pas au quotidien de l’aïeule, de la tante, de l’enfant ou du voisin qui aurait tant besoin de présence et de chaleur humaine. Bernanos le disait déjà : « l’homme moderne a le cœur dur mais la tripe sensible ». Notre univers est celui du strass et des paillettes et non celui des humbles vertus domestiques, du martyre quotidien du devoir d’état, de l’effort inlassable, du dévouement discret au sein de la famille. Il est le monde de l’immédiateté et de l’évanescence, de l’individualisme et de l’égocentrisme, le monde où l’on peut gagner des millions en un instant dans un jeu télévisé stupide, où l’on peut changer du jour au lendemain, sans aucun problème, de sexe, de convictions, de religion, d’organisation, d’« orientation sexuelle », où l’on peut sans cesse se réinventer, se transformer, refaire sa vie (comme si l’on avait ici-bas plusieurs vies !). Il est le monde de l’apparence et du divertissement, du frelaté, du faisandé et de l’avarié, de l’impasse, du mensonge et de la mort face à Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie. Il est le monde où l’on est sans cesse relié à son téléphone portable, à son GPS, à son ordinateur et à son lecteur MP3 (voire MP4 !) mais où l’on n’est plus relié en profondeur ni à la terre, ni à la nature, ni aux autres, ni à Dieu.
QUANT À NOUS, ayons à cœur la défense de cette tradition toute simple, la crèche de Noël et ses santons qui expriment de manière si simple et si compréhensible les mystères de notre religion, nourrissent notre foi, dilatent notre cœur, enflamment notre espérance, chassons de nos foyers l’hideux Père Noël importé par les soldats américains en même temps que leur immonde Coca-Cola. La lumière n’est pas faite pour être mise sous le boisseau. Puissions-nous la faire rayonner autour de nous. La diffusion du bien, du beau, du vrai est possible, si nous nous gardons de la contagion du monde et si, malgré les tourments et les vicissitudes ici-bas, nous conservons au cœur une invincible espérance et cette joie chrétienne, simple et profonde, que personne ne pourra nous ôter.
Joyeuses et saintes fêtes de Noël à tous !
[…]
Jérôme BOURBON.
Editorial du numéro 3358 de RIVAROL daté du 26 décembre 2018 au 8 janvier 2019.