« Le nom de Dieu ne sera jamais prononcé qu’accompagné d’invectives et d’imprécations et on le répètera le plus souvent possible. » (Marquis de Sade / 1740-1814 / Les 120 journées de Sodome / 1785)
Alors que nous étions encore affairés à essuyer le crachat plein de virus et d’amibes que le chiasseux Frédéric Fromet nous avait crachés dessus, du haut de son estrade de France Inter, radio d’Etat, en multiplant les pires blasphèmes contre le Christ (« Jésus est péd… »), nous n’avions pas pris au sérieux les gesticulations d’une adolescente parfaitement adaptée à l’esprit de son temps. Nous étions toujours en train de nous interroger sur l’incommensurable déluge de haine déversée par l’humoriste des backrooms, de nous demander comment un media public financé par l’imposition fiscale pouvait gratuitement insulter Jésus et l’ensemble des Chrétiens, brutalement. Un blasphème émis par un petit voyou excité à l’idée de salir, et visiblement pas très frais. Comment peut-il, peuvent-ils se permettre de provoquer aussi grossièrement ? A quelle fin ? Pour provoquer, uniquement pour provoquer ? Provoquer pour attendre une réaction épidermique de la part de catholiques fatigués, de la part de nerveux, de la part de ceux qui n’auraient pas vu l’évident piège tendu ? Ou peut-être faut-il justement considérer cette sordide comédie à la Act up comme un épisode d’un tout, d’un scénario ! Evidemment que des réactions verbales ont été criées ou écrites sur les réseaux sociaux, mais le gros media ne s’y est pas intéressé.
LE SIDA MENTAL ET L’ŒUVRE
Heureusement personne n’a finkielkrautisé Frédéric Fromet en lui hurlant dessus (comme le fit un Gilet jaune sur l’Académicien épileptique lors d’un samedi de manifestation dans une rue parisienne), et répétons-le, les milliers de commentaires d’anonymes furieux ou écoeurés devant ce blasphème (et ce n’est pas parce qu’il est “légal” qu’il est acceptable) ne furent pas exploités par la presse qui n’est pas habituellement avare en critiques contre le catholicisme d’une manière générale (le journaleux utilise désormais quotidiennement les propos brefs d’anonymes, de péquins qu’il découvre sur Twitter pour étayer ses propos à peu de frais). Nous sommes sûr que n’importe quel journaleux cathophobe du Système aurait pu dénicher des vidéos Youtube d’insultes, de menaces balancées sous le feu de la colère par d’affreux jojos s’exprimant dans un langage ordurier. Non, après l’incendie de Notre-Dame, après maintes profanations d’églises, les gentils Français sont restés dociles, calmes, paisiblement abrutis devant le blasphème appuyé d’un amuseur public.
DES PROPOS DE STAR ?
Le 21 janvier, soit 11 jours après les saletés émises par Frédéric Fromet qui prétendit avoir lutter contre l’homophobie en les déblatérant (était-ce pour lutter contre l’homophobie qu’il chanta après l’incendie de Notre-Dame de Paris « Elle a cramé la cathédrale » sur l’air bien connu d’un extrait d’une célèbre comédie musicale ?), une certaine Mila, adolescente aux cheveux ravagés par des colorants modernes bleus violets, lesbienne fière à peine sortie de l’enfance mais pas de la bêtise, aurait essuyé une première pluie d’injures déversées par de jeunes musulmans après avoir été rabroués par la jeune homosexuelle. C’est ce qu’on nous affirme, et c’est désormais un postulat qu’il ne serait pas décent d’aller vérifier.
Mila est en seconde dans un lycée d’Isère où elle suit une scolarité dont on ne sait rien. Une seule information à son sujet : Mila O. est une passionnée de chansons pop. Elle a une chaîne Youtube. Après avoir enregistré en studio quelques titres en anglais, des reprises, l’adolescente chanteuse écrit puis chanta et diffusa cinq titres en français exclusivement sur le thème de son homosexualité et de ses histoires avec ses petites copines. Son univers musical, celui qu’elle expose tout du moins, est exclusivement, essentiellement lesbien. Aussi avons-nous du mal à comprendre les interventions initiales de jeunes Beurs pendant un live sur Instagram qui auraient essayé de “draguer” la lycéenne qui vit sa vie de star. La jeune lesbienne aurait bien sûr rejeté ces garçons harceleurs qui l’auraient alors insultée par frustration. Mais, après cette scène dont nous ne voyons rien puisque Mila n’a pas produit de capture d’écran, la demoiselle décida cette fois de faire une vidéo qu’elle enregistra afin de témoigner et de dire tout le mal qu’elle pensait des religions et pas seulement de l’Islam en utilisant un vocabulaire fleuri. La vidéo est visible un peu partout. Sur ce support Mila n’argumente pas, elle est irritée et donc pratique ce que tout le monde, et surtout ses plus motivés défenseurs, appelle un blasphème. Cette vidéo sans le moindre intérêt a été enregistrée le même jour. Dans l’indifférence générale, tant la médiocrité apparente de tous les protagonistes réels ou virtuels de cet épisode montrant ce que la juvénilité a de plus bas est flagrante et n’aura été suivie par quasiment personne.
Le 23 janvier, la féministe aux accents marranes, la cheftaine officieuse du site ultra-sioniste Suavelos, Solveig Minéo, fait connaître sur son site Bellica les mésaventures de la demoiselle homosexuelle en danger comme au Pakistan, des hordes de musulmans l’ayant menacée dans « des milliers de messages ». Immédiatement, sans enquête, sans travail d’investigation, le site d’Elisabeth Lévy Causeur avant Marianne et le balai brosse Polony, avant les autres organes d’informations rigoureusement non vérifiées, avant les Goldnadel, les Elisabeth Badinter, et même le Times qui reprend telles quelles les informations de la Castafiore. Là, évidemment, c’est ballot, tout le monde commence à connaître la chanteuse au look d’une rare discrétion. Jamais les agents d’influence, les manipulateurs, n’avaient réussi à fabriquer une martyre aussi rapidement. Si bien que l’agression extrêmement violente, bien réelle, elle, de Grégory Condé, perpétrée le 22 janvier par une quinzaine de bêtes en furie (appelées jeunes par les media) contre ce lycéen de 17 ans (absolument seul contre une faune de hyènes rieuses) n’aura suscité l’indignation que pendant 48 heures malgré la diffusion d’une vidéo malheureusement spectaculaire de ce véritable lynchage (d’ailleurs supprimée rapidement depuis de tous les réseaux sociaux contrairement aux mots bleus de l’adolescente perdue). Grégory Condé était trop seul, trop talentueux, trop français pour une fraction de sauvageons qui s’amusèrent à le torturer (transformant sa tête en véritable chou-fleur…) pendant plusieurs minutes. Grégory Condé ne revendique aucune sorte de vices, ne blasphème aucune religion et ses agresseurs, tous d’origine étrangère, n’ont pas agi au nom de l’Islam. Ainsi son agression, réelle celle-là, n’intéresse pas Elisabeth Badinter ni le Times.
COMMENT APPELLE-T-ON LA RELIGION DU BLASPHÈME ?
Toujours est-il que la starisation de Mila ne suffisait pas à Solveig Minéo et à ses maîtres. Cette dernière, loin de vouloir la protéger des regards étrangers, en fit une égérie de la cause blasphématiste. Dans une vidéo du 28 janvier, Minéo se flatte d’être en contact avec Mila dont la vie serait en danger. Pour la protéger ? Non ! Pour l’utiliser dans son militantisme athéiste avec ces propos qui nous rappellent la citation du Marquis de Sade que nous avons lue plus haut : « Plus nous blasphémons, moins le blasphème choquera. Le blasphème protège, le blasphème est un devoir citoyen. Le blasphème sauve des vies. En blasphémant, vous ne faites pas que défendre la liberté d’expression mais toutes les autres libertés […]. Si vous voulez aider Mila, blasphémez tout autant que vous pouvez afin qu’elle ne soit pas la seule à avoir blasphémé. »
AMOUR DES LIBERTÉS OU PROJET SADIEN ?
De son côté, dans Causeur, Elisabeth Levy s’indignait du manque de blasphèmes dans la médiasphère. Le blasphème, pour elle comme pour Madame Minéo, c’est bien. Il faut blasphémer mais contre tout le monde, si non ce n’est pas du jeu ! Contre tous, c’est-à-dire contre le catholicisme et contre l’Islam (peu sympathique envers l’homosexualité institutionnalisée et les Juifs) mais pas contre le judaïsme car Hitler a déshonoré l’antisémitisme (donc « on n’ose pas », et c’est bien comme ça).
Mettons l’affaire Mila en perspective. Nous le pouvons avec le précédent récent fabriqué par France Inter et le chansonnier un peu trop impudique Frédéric Fromet. L’équipe de France Inter, première radio de France, a donc commis un blasphème particulièrement violent à l’encontre de la religion de France, le Catholicisme, en chantonnant des propos que nous n’écrirons pas ici. Une violence apparemment complètement gratuite, sortie par bêtise, par haine, parce qu’on est payé pour ça à France Inter. L’affaire se tasse assez vite, le media ne relève pas les réactions passionnées de certains catholiques, la direction de la radio publique présente ses excuses, le soufflet retombe. Et surgit l’affaire Mila avec les réactions de milliers et peut-être même de millions de musulmans (nous dit-on) devenus furieux par les propos de la saucisse violette. Cet enchaînement de blasphèmes est le fruit du hasard mais il a mis de fait en relief l’état d’esprit de catholiques et même de prétendus traditionalistes. Nous avons lu, entendu, de nombreux catholiques soutenir ladite Mila (dont ils ne savent rien) contre les “rebeus” criant au blasphème.
COMMENT SANCTUARISER LE SACRÉ SOUS UNE PLUIE DE BLASPHÈMES ?
Selon eux, les musulmans surréagiraient devant les propos d’une Française qui, pendant quelques instants, fut inquiétée par la Justice pour incitation à la haine. Eux étaient restés tout gentils quand Fromet avait vomi contre le Christ, eux avaient été bien sages pendant cet épisode tendu. « Honte aux Musulmans qui ne sont pas sages comme eux ! Honte au raidissement des corps et des cœurs devant le blasphème ! Quel archaïsme de la pensée, quel esprit reptilien, faut être civilisé, faut pas répondre à la fille aux cheveux violets, ils ne savent pas les musulmans qu’il faut être tolérant ! » Les plus érudits des jeunes catholiques conciliaires se révoltaient contre le fait que la petite Mila avait été apparemment, durant quelques minutes, “inquiétée” par la Justice. Oh l’injustice ! Soutenons Mila ! Le sale type à l’allure lépreuse de France Inter n’a pas été inquiété une seule seconde par la Justice, alors, alors… Soutenons la fille lesbienne ! Bah oui, oh les imbéciles, ils ne savent pas que le délit de blasphème n’existe pas en République ! Oh les musulmans ne savent pas ça, alors que nous, catholiques du dimanche, on est instruit, civilisé, on accepte de disparaître dans le grand torrent fécal que nous impose légitimement la République légale. Oh les paysans, Mila est dans son droit ! C’est injuste de poursuivre Mila pour incitation à la haine alors que Fromet chante sous sa couette ! En filigrane, ces catholiques usés donnent raison à Solveig Minéo en considérant qu’il serait normal que les musulmans s’habituent au blasphème ou qu’ils doivent s’y habituer. Les catholiques auraient dû exiger le renvoi de toute l’équipe de journaleux et du maigre comique responsables du blasphème commis contre Jésus. Il aurait fallu faire preuve d’une grande fermeté, dans le calme, mais en démontrant que l’abnégation dans cette affaire est leur qualité première. Il aurait fallu se rassembler, peut-être installer pacifiquement une Croix géante devant les locaux de France Inter. Il faudrait également réfléchir encore et davantage sur les motivations de ceux qui blasphèment. Le font-ils pour clamer une soif de liberté qu’ils estimeraient être en voie d’inassouvissement ? Le font-ils par provocation à l’instar de punks, le font-ils par nihilisme ? Le font-ils en suivant une stratégie politique, par propagande ? Le font-ils en escomptant des réactions ostensibles, violentes de la part de croyants outragés ? Enfin le font-ils à la manière du Marquis de Sade, au nom d’une religion en définitive sataniste qui prétend interdire d’interdire pour autoriser in fine toutes les horreurs, toutes les cruautés, toutes les perversions jusqu’à l’épuisement complet de toute imagination ? Pourquoi les catholiques ne se regroupent-ils pas afin de composer sur le sujet des motivations des blasphémateurs ? Pourquoi certains d’entre eux préfèrent-ils soutenir Mila ? Ne voient-ils rien derrière tout cela ? Sont-ils devenus à ce point imbéciles ?! Ne sentent-ils donc pas au fond d’eux-mêmes que le blasphème est une profanation durable, un acide qui attaque le sacré bien plus redoutablement que les destructions matérielles ? Ne voient-ils pas que les blasphémateurs s’attaquent en définitive au principe même du sacré pour qu’à la fin nulle transcendance ne puisse nourrir cette société à l’agonie et que ne reste d’intouchable que le culte holocaustique qui repose sur le rejet de Dieu (car Dieu s’est tu à Auschwitz), la haine, le vide et le néant ?
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François-Xavier ROCHETTE.
Billet hebdomadaire Rivarol n°3410 du 5 février 2020