Article publié par L’Étudiant français (janvier 1942).
« Il est certain qu’une certaine agressivité que les circonstances ne nous ont pas permis de montrer jusqu’ici est devenue nécessaire »,
écrit M. Garrone, directeur de la formation des jeunes, dans les Cabiers d’information du Secrétariat à la Jeunesse. Une certaine agressivité… Ce n’est pas sans une indiscutable satisfaction que nous lisons ces mots dans un organe officiel, ou plutôt dans l’excellente revue Idées qui reproduit ces officiels Cahiers. Jamais la jeunesse n’a eu davantage besoin d’agressivité, jamais elle n’en a moins possédé. Au moment où il faut poursuivre la Révolution nationale, donc faire preuve de dureté, de violence, nous ne trouvons autour de nous qu’indifférence et apathie. La jeune génération serait-elle incapable d’une action, voire même d’une pensée qui sorte de l’« honnête » médiocrité ?
Sans doute, l’agressivité et sa conséquence, la violence, ont toujours été l’apanage d’une minorité, mais cette minorité elle-même s’effrite. L’esprit de combat meurt dans les facultés à mesure qu’en disparaissent ceux qui ont connu les luttes ardentes d’autrefois. Certes, celles-ci ne sont pas à regretter pour le pays. Elles étaient la conséquence des funestes institutions démocratiques, mais du moins avaient-elles créé une élite de combat. Or, cette élite disparaît peu à peu sans être remplacée.
Rien n’est plus triste que de constater dans nos villes universitaires que le seul changement par rapport à 1939 est la disparition de tout sentiment violent, voire même de tout esprit de discussion.
Cependant, ces garçons n’ont même pas l’excuse d’avoir été abattus par la guerre, ils ne l’ont pas faite ; ni par la débâcle, bien peu en zone libre l’ont vécue ; ni par le poids d’une quelconque responsabilité dans la défaite : ils étaient trop jeunes pour pouvoir se reprocher quoi que ce soit. Alors ? Question sans réponse. Ils sont là, « avachis », sans réflexe et sans vie. Leur parler de Révolution, leur montrer la nécessité de la violence révolutionnaire ? Plaisanterie. Ils vous répondront belote ou restrictions.
Redonner à la jeunesse, à celle qui monte vers les facultés, le sens de l’agressivité, le goût de la violence, voilà le problème. La violence, ce n’est pas nécessairement le coup de poing. Il y a une violence de l’esprit qui n’est pas indifférente.
La violence, c’est la force qui agit dans un élan, qui se donne toute entiére à l’effort du moment ; c’est la force révolutionnaire, c’est aussi une attitude devant les faits. Si la jeunesse veut jouer un rôle, agir sur les événements qui se préparent, elle doit acquérir l’esprit de violence par lequel elle s’affirmera dans son œuvre. Sans cela, elle ne sera qu’un troupeau humain mûr pour la servitude qu’il aura méritée. Mais la France, elle, est plus que les générations présentes, plus que leur désespérante médiocrité. La France, c’est des siècles de grandeur passée qui commandent un avenir dont la jeunesse, et particulièrement la jeunesse intellectuelle, n’a pas le droit de se désintéresser. Même si les jeunes n’ont plus le goût de l’agressivité, ils en ont le devoir, né de l’histoire.
« Refuser l’histoire, c’est risquer de se voir refuser par elle »,
a écrit M. Thierry-Maulnier. Or l’histoire, en période révolutionnaire, nécessite la violence.
Nous aimerions voir cette nécessité symbolisée dans nos amphithéâtres et nos classes par un tableau que rien n’empêche de prévoir esthétique : Jésus chassant, à coups de fouet, les vendeurs du Temple, avec, en exergue, notre vieille devise : LA VIOLENCE AU SERVICE DE LA RAISON.