Pour la quatrième fois en trois ans, les Grecs étaient appelés à renouveler leur assemblée ce dimanche, se rendant aux urnes pour la troisième fois en neuf mois. En quinze ans, les Grecs ont changé de parlement en moyenne une fois tous les deux ans, avec huit renouvellements généraux depuis 2000. Aucune des cinq dernières législatives n’est allée au bout de son mandat de quatre ans.
La lassitude des électeurs devant l’incapacité du monde politique à résoudre les crises, la profonde division de la société en factions antagonistes – divisions créées et consubstantielles à l’état démocratique – ont conduit les Grecs à se réfugier massivement dans l’abstention, qui a atteint 43,27 % (+7,6 en huit mois), son plus haut niveau historique.
Le pari perdu d’Alexis Tsipras
En démissionnant en août dernier, Alexis Tsipras avait créé la surprise en Grèce comme à l’étranger, après son revirement total sur la question de la dette et du mémorandum, en acceptant les conditions de la ‘troïka’. Chutant semaine près semaine dans les enquêteurs d’opinions, il semblait pourtant persuadé de pouvoir faire élire une majorité de députés favorables à sa politique en obtenant plus de 40 % des voix.
Si la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA, Synaspismós Rhizospastikís Aristerás) est bien le premier parti de Grèce ce soir, il échoue à obtenir la majorité. Son score devrait lui permettre d’obtenir environ 145 députés. Il n’obtient donc pas la majorité des 151 de cette assemblée de 300 élus.
Les résultats définitifs sont les suivants (parti (étiquette) : suffrages en % (gain/perte par rapport à janvier 2015) (nombre de députés, gain/perte par rapport à janvier 2015) :
SYRIZA (extrême gauche) : 35,46 (-0,9) (145, -4) ;
ND (libéraux) : 28,1 (+0,3) (75, -1) ;
XA (nationaliste) : 6,99 (+0,7) (18, +2) ;
PASOK-DIMAR (sociaux-démocrates) : 6,28 (+1) (17) [les deux partis concourraient séparément en janvier, DIMAR étant allié alors aux Verts] ;
KKE (communiste) : 5,55 (+0,1) (15, =) ;
La Rivière (centriste) : 4,09 (-2) (11, -6) ;
ANEL (extrême droite) : 3,69 (-1,1) (10, -3) ;
UC (centriste) : 3,43 (+1,9) (9, +9) ;
LAE (extrême gauche) : 2,86 (0).
Le retour de la coalition déchue ?
La « victoire » de Tsipras se confirme, avec la répétition du scénario de janvier 2015. Aucune majorité n’est sortie des urnes et ce sont des alliances en partie contre-nature qui se dessinent. Le maintien surprise de l’extrême droite au parlement rend possible la reconduite de la coalition SYRIZA-ANEL. Le dirigeant de SYRIZA a rencontré son homologue de l’ANEL Panos Kammenos ; les deux individus sont tombés dans les bras l’un de l’autre, alors que la situation grecque n’a vraiment pas de quoi réjouir quiconque.
Si la situation est la même qu’avant les élections, elle s’accompagne de la perte d’environ huit députés pour cette coalition SYRIZA-ANEL ; c’est cette coalition qui a explosé il y a quelques semaines, et qui ne compterait que quatre voix de majorité si elle était reconduite. Si l’ANEL, parti prétendument « d’extrême droite », finissait par exemple par rejeter les mesures pro-invasion de SYRIZA, elle exploserait aussitôt.
Aucune autre majorité ne semble possible, puisque les partis de gauche proche idéologiquement de SYRIZA (KKE notamment, le LAE, issu d’une scission de SYRIZA en août, refusait toute alliance mais n’aura aucun député), rejetant les accords avec la ‘troïka’, ont déjà annoncé refusé de travailler avec lui. Alexis Tsipras a de son côté déclaré qu’il refusait de s’unir avec les « anciens » partis du PASOK et de la ND, alors que le dirigeant du parti libéral – qui subit ce soir une contre performance – a fait savoir qu’il était prêt à travaille0r avec l’extrême gauche.
Les nationalistes de l’Aube dorée (XA, Χρυσή Αυγή), dans un contexte toujours très difficile – dirigeants assignés à résidence, persécutions judiciaires en cours, censure médiatique, etc. – ont progressé par rapport aux élections de janvier dernier, retrouvant son niveau d’avant les persécutions. Il s’impose comme le troisième parti de Grèce contre l’opposition libérale et l’extrême gauche, tous favorables et soumis aux politiques mondialistes.
Victoire européiste
Dès l’annonce des premiers résultats partiels, François Hollande s’est vanté d’avoir appelé Alexis Tsipras pour le féliciter de sa victoire. C’est aussi le cas du président du parlement européen, visiblement ravi de ces résultats.
« Je viens juste de féliciter Alexis Tsipras »
s’est réjoui Martin Schultz, appelant à un « gouvernement solide » (sic). Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui avaient bruyamment soutenu Alexis Tsipras, se sont fait extrêmement discrets ce dimanche.
Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, qui dirige les réunions des ministres des Finances de la zone euro, s’est également félicité de cette victoire, appelant à la formation rapide d’un gouvernement Tsipras II pour « la poursuite du processus de réforme en Grèce ».
De fait, la victoire d’un SYRIZA acceptant les conditions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Commission européenne est un succès pour les mondialistes. Pour les Grecs, rien n’est moins sûr.
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Liste des sigles :
Coalition de la gauche radicale (SYRIZA, Synaspismós Rhizospastikís Aristerás) – Nouvelle Démocratie (ND, Néa Dimokratía), l’Aube dorée (XA, Χρυσή Αυγή), Mouvement socialiste panhellénique (PASOK, Panellínio Sosialistikó Kínima), Gauche démocrate (DIMAR, Dimokratiki Aristera), Parti communiste de Grèce (KKE, Kommounistiko Komma Elladas), La Rivière (to Potami), Grecs indépendants (ANEL, Anexartitoi Ellines), Unité populaire (LAE, Laiki Enótita).