Les crimes de l’invasion commis le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis ont permis un léger redressement pour le PS, mais ont surtout favorisé l’extrême droite. Dans tous les sondages, le score du Front national (FN) progresse très fortement. Il serait en mesure de l’emporter dans trois régions, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Bourgogne-Franche-Comté. Le FN se retrouve dans la situation du parti Les Républicains (LR, ex-UMP) il y a quelques semaines : vainqueur annoncé n’ayant plus que tout à perdre. Depuis sa victoire écrasante aux élections départementales, Nicolas Sárközy a échoué à imposer son rythme ; il subit celui de François Hollande comme de Marine Le Pen et la victoire du parti LR sur le papier aux régionales est déjà effacée par la progression annoncée du FN et le recul moins fort que prévu de la gauche.
Débâcle pour Estrosi en PACA
En PACA, la faillite de Christian Estrosi est totale. Selon une enquête IFOP, la liste de Marion Maréchal-Le Pen totaliserait au premier tour 39 % des voix contre 29 % pour ‘Motodidacte’ et 18 % pour le représentant du gouvernement, Christophe Castaner. Depuis octobre, l’écart entre la liste libérale et le FN n’a cessé de grandir : il était de 2 points au 17 octobre, 7 points au 20 novembre et à 10 points désormais. En cas de triangulaire au second tour, le FN gagnerait avec 39 %, contre 34 % pour les libéraux et 27 % pour la gauche.
La seule menace pour le FN serait le retrait de la liste PS au second tour ; cela serait conforme à la volonté de Manuel Valls qui avait annoncé vouloir « tout faire » pour empêcher la victoire du FN.
Selon BVA, Marion Maréchal-Le Pen recueillerait 42 % (+6), contre 28 % (-4) pour Christian Estrosi et 16 % au PS, pour respectivement 43 % (+6), 32 % (-4) et 25 % (-2) au second tour.
Marine Le Pen en tête dans le nord
La situation est similaire dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie : Marine Le Pen, tante de la précédente, est donnée par BVA à 42 % (+5,5) au premier tour, très loin devant Xavier Bertrand (24 %, -2) et le PS (17 %, -2), dans cet ancien bastion rouge. Au second tour, le FN l’emporterait en cas de triangulaire avec 44 % contre 30 % et 26 % pour ces mêmes adversaires. Ici également, le risque pour la présidente du FN serait le retrait de la liste PS ou la fusion des deux listes. L’enquête donne cependant le FN vainqueur dans ces deux cas de figure avec 52 % et 51 %.
Les autres listes obtiendraient au premier tour : 0,5 % pour l’UPR, 2 % pour DF, 6 % (-2) pour EÉLV-PG, 5 % (-0,5) pour le PC et 2,5 % (+1) pour LO.
Une surprise en Bourgogne-Franche-Comté ?
Selon l’enquête BVA, le second tour s’annonce serré dans la région. La liste libérale-centriste de François Sauvadet obtiendrait 35 % (-1), autant que celle de Sophie Montel, en très forte progression (+5) et désormais nettement devant le PS de Marie-Guite Dufay (30 %, -4).
Au premier tour, le FN serait largement en tête désormais (32 %, +0,5), la liste libérale reculant de quatre points (27 %), celle de gauche n’obtenant que 20 % (+1). Les listes d’extrême gauche recueilleraient 13 % (2 % pour LO, 8 % pour le FG et le MRC et 3 % pour EÉLV).
L’enquête IFOP donne des résultats sensiblement différents, avec un PS à 35,5 % au second tour devant des libéraux à 34 % et un FN à 26 %.
La tripolarisation de la vie républicaine
Le sort de plusieurs autres régions est incertain. Si la gauche est assurée de l’emporter en Bretagne (7 points d’avance) et en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (4), si les libéraux vont vraisemblablement prendre les régions Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine (4), Centre-Val-de-Loire (8), Île-de-France (5) et Pays de la Loire (8), les écarts sont faibles pour Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (2 points d’avance pour la gauche), Normandie (un point d’avance pour la gauche avec 34 %, contre 33 % au FN et autant pour les libéraux) et une égalité dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (36 % pour le PS et les libéraux, contre 28 % pour le FN).
Au total avec des scores au niveau national proche (36 % pour les listes dirigées par Les Républicains (LR, ex-UMP), 33 % pour celles menées par le PS et 31 % pour les listes FN), la tripolarisation de la vie politique française se confirme. Elle intervient dans un contexte de recomposition à gauche, avec une extrême gauche de plus en plus extrémiste qui pourrait finir par être nourrie comme l’extrême droite également par la crise générale du régime, et des sociaux-démocrates au moins aussi proches des libéraux-conservateurs que des néomarxistes.
Plus il est annoncé vainqueur et plus le FN doit redouter les élections. L’outsider d’hier est aujourd’hui annoncé comme le grand vainqueur, alors même qu’il demeure au niveau national en retrait par rapport aux deux principales forces. Il existe donc un fort pouvoir de désillusion en cas d’échec…
Si la gauche empêchait le FN de conquérir une seule région, ce serait une importante victoire – symbolique et à la Pyrrhus, mais victoire tout de même –, pour Manuel Valls. Qu’importe le résultat final : le Front national, malgré son attachement à la République, s’imposera définitivement comme la troisième force politique de France au lendemain des élections, en capacité de se maintenir au second tour dans l’ensemble des régions métropolitaines, avec de fortes hausses dans des régions jusqu’ici encore réticentes (+7 dans le sondage BVA dans les Pays de la Loire ou +4 en Bretagne). Sauf erreur magistrale de sa direction, sans rien faire, le parti est quasiment assuré de figurer au second tour de l’élection présidentielle de 2017.
(Cf. : BVA, « Élections régionales 2015 : intentions de vote, rapport national » (pdf))