En 1943, Pierre Sidos avait rejoint, à l’âge de 16 ans, le mouvement franciste, témoignant d’un attachement certain au nouvel ordre européen. Son père, François, héros de la grande guerre (il prit notamment part à la bataille de Verdun en tant qu’officier des troupes coloniales), est un ancien membre des Jeunesses Patriotes lui aussi adhérent du Parti franciste.
En 1941, François Sidos fut nommé délégué régional du ministère de la Justice pour le SSS, le Service des sociétés secrètes, dans le cadre de la loi du 10 novembre 1941 qui instituait auprès du secrétariat d’Etat à la Justice une commission spéciale chargée de donner son avis sur toutes les questions relatives aux sociétés secrètes, dont les loges maçonniques soumises à son examen par le chef de l’État.
Il est également un haut responsable de la Milice française, mouvement créé en janvier 1943, prenant la suite du SOL (Service d’Ordre Légionnaire), pour soutenir la politique de Révolution nationale du chef de l’État français, Philippe Pétain.
A partir de la mi-août 1944, il fut chargé de mission de l’État français et devint représentant officiel du Gouvernement du Maréchal Pétain dans la Poche de La Rochelle encerclée par les forces alliées. Il prit alors la tête, jusqu’à la fin de la guerre, de la Délégation atlantique du Gouvernement français de Sigmaringen (Allemagne) et s’occupa de la propagande de l’État français en exil, notamment par des émissions de radio et la publication du journal Voix de France.
Le 28 mars 1946, François Sidos, après un « jugement » lapidaire d’une prétendue Cour de justice de la Charente-Maritime, fut condamné à mort et fusillé à 8 heures 15, à la batterie de Chef de Baie à La Rochelle. Son fils Jacques écopait de 10 ans de travaux forcés et Pierre de 5 ans puis ils étaient expédiés au camp de rétention du Struthof où ils rejoignirent deux mille jeunes en instance de rééducation politique en vertu des mesures d’épuration applicables aux mineurs suspectés de sympathies vichystes. Ils ne seront libérés qu’en 1948.
La famille Sidos avait alors perdu tous ses biens, confisqués en vertu de la loi sur l’indignité nationale, finalement amnistié en 1951 et 1953.
On trouvera ci-dessous un court récit biographique de François Sidos par son fils, Pierre, accompagné, de sa dernière et poignante lettre du 28 mars 1946 :
Mon père a été fusillé le 28 mars 1946, dans l’ère improprement nommée « Épuration », où s’est accomplie l’élimination physique d’un grand nombre de fidèles du maréchal Pétain par leurs adversaires politiques.
Il a été exécuté sous un gouvernement à direction socialiste, après avoir été condamné à mort deux mois et demi auparavant, sous la pression du parti communiste, alors que De Gaulle était président du Conseil.
En 1944, il avait été pendant quelques mois l’un des inspecteurs généraux adjoints au maintien de l’ordre. L’inspection générale au maintien de l’ordre étant un organe administratif officiel dépendant du ministère de l’Intérieur d’alors.
Il était âgé de 56 ans. Père de six enfants, dont l’aîné Jean était mort au champ d’honneur, le 16 juin 1940, à l’age de 20 ans, dans des conditions particulièrement héroïques, à Bouglainval, proche de Chartres. Le plus jeune, Henri, tombera au combat en Algérie, près de Philippeville, le 14 mars1957, à l’age de 25 ans.
Officier de réserve, titulaire de la Légion d’honneur à titre militaire, de la Médaille militaire, de la Croix de guerre 1914-1918, il est encore inscrit sur le « Livre d’or des soldats de Verdun » sous le n°16.066. Au moment de sa mise à mort il demanda vainement de commander lui-même le peloton d’exécution. Il est tombé, sous des balles françaises, en criant « Vive la France ! ».
Son arrestation avait été accompagnée de l’emprisonnement de toute le famille, y compris des grands parents maternels âgés de 75 et 70 ans ; avec le placement momentané dans un établissement de l’Assistance publique des deux plus jeunes enfants, ayant respectivement 11 et 8 ans.
Le vol de l’alliance de ma mère, titulaire de la médaille de la famille française ; le pillage et l’occupation illégale de la demeure familiale ; les privations, humiliations et tourments physiques sont des faits difficilement racontables dans le détail, mais dont les auteurs sont identifiables parfaitement. La passion partisane ou le banditisme vulgaire l’emportaient alors sur le patriotisme national invoqué.
« Cette orgie d’horreurs », que dénonçait Victor Hugo en 1876, au lendemain de la Commune de Paris, est réapparue cette fois dans toute la France à l’époque de l’irrémissible disgrâce de l’épuration « entre guillemets ».
Comme pour Jean-Baptiste Clément, auteur de la chanson Le temps des cerises écrite en référence à l’impitoyable répression qui fit suite à l’écrasement de la Commune : « C’est de ce temps-là que je garde au cœur une plaie ouverte ».
Pierre Sidos
La dernière lettre de François Sidos :
« Mon Aimée,
Mes chers enfants,
Après avoir été injustement et illégalement condamné, ma grâce est refusée.
Je vais être dans quelques minutes, non pas exécuté mais assassiné.
Je laisse ce crime sur la conscience de ceux qui l’ont perpétré.
Mon fils François, tu trouveras dans le dossier remis à Me Villeneau les preuves de mon innocence et des précisions sur les faux témoignages. Je te laisse ainsi qu’à tes frères le soin de me venger.
Je vous dis Adieu, mes chers tous que j’ai tant aimés.
Pour toi, ma femme adorée, ma fidèle compagne des bons comme des mauvais jours, toutes mes pensées. Sois courageuse, continue à élever nos enfants dans le chemin de l’Honneur.
Qu’ils conservent la mémoire de leur père qui va mourir étant toujours resté honnête homme, bon citoyen et bon français.
Adieu tous.
Je vous embrasse une dernière fois.
Qui vive… ? France ! quand elle sera débarrassée de tous ceux qui la déshonorent. »
Source : Présent du samedi 22 juin 1985