Le 6 octobre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté le recours intenté par Jean-Marie Le Pen dans l’affaire dite de l’occupation allemande en France. Ainsi s’achève de la pire des façons un dossier vieux de plus de onze ans. Un bref retour en arrière s’impose pour mieux comprendre les ressorts de ce dossier. Le 7 janvier 2005, RIVAROL publiait une longue interview de deux pleines pages du président du Front national au terme de laquelle on pouvait lire à propos du soixantième anniversaire des commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale les propos suivants : « En France du moins, l’occupation allemande ne fut pas particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures inévitables dans un territoire de 550 kilomètres carrés. […] » S’ensuivirent plusieurs procès pour contestation de crimes contre l’humanité et apologie de crimes de guerre contre le Menhir, le directeur de RIVAROL et le journaliste ayant réalisé l’entretien, en première instance en 2007, en appel en 2008, de nouveau en appel en 2012, après une première cassation. En juin 2013 la cour de cassation rejeta définitivement le recours des trois prévenus, confirma leur condamnation (trois mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour Le Pen, 5 000 euros et 2000 euros d’amende respectivement pour le directeur de notre hebdomadaire et le journaliste).
C’est alors que Jean-Marie Le Pen saisit en dernier recours la Cour européenne des droits de l’homme. Ceux qui pensaient que les juges européens étaient plus respectueux de la liberté d’expression et d’opinion des parlementaires et des publicistes en seront pour leurs frais puisque la CEDH juge “irrecevable” la requête de Le Pen, considérant que sa condamnation était « fondée sur des motifs pertinents et suffisants ». La décision des tribunaux français s’est certes traduite par une « ingérence dans la liberté d’expression » de Jean-Marie Le Pen, reconnaissent les juges européens, mais celle-ci n’était pas “disproportionnée”, ont-ils estimé. On nage là dans l’arbitraire le plus absolu car qui décide et au nom de quels critères des limites légitimes et proportionnées à la liberté d’expression. « Les juridictions nationales ont condamné le requérant à l’issue d’une analyse méthodique et approfondie des propos incriminés, en relevant que ceux-ci étaient loin de se limiter à une critique constructive mais tendaient en réalité à réhabiliter une organisation criminelle », a ajouté la CEDH qui vise là une brève anecdote racontée par Le Pen s’agissant du massacre d’Ascq qui avait été arrêté en avril 1944 par la Feldgendarmerie (Le Pen avait parlé de la Gestapo de Lille). Cette simple anecdote racontée brièvement dans le cadre d’une conversation à bâtons rompus a suffi aux magistrats français et européens pour évoquer une volonté délibérée de la part du fondateur du Front national de réhabiliter la Gestapo, organisation jugée criminelle à Nuremberg. On voit là à quel point, soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, seule une lecture totalement manichéenne du conflit est autorisée : tous les bons et les héros étaient d’un côté, tous les méchants et les assassins de l’autre.
Suite de l’éditorial de Jérôme Bourbon dans le Rivarol du 13 octobre 2016