En dix jours trois personnalités politiques de premier plan ont été éjectées de la vie publique : l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, à l’issue de sa cuisante défaite lors du premier tour de « la primaire de la droite et du centre » le 20 novembre, le ci-devant Premier ministre Alain Juppé, étrillé au second tour du scrutin par Fillon et enfin l’actuel chef de l’Etat qui, le 1er décembre, a annoncé, contraint et forcé, la voix blanche, que les conditions n’étaient pas réunies pour qu’il fût candidat à sa succession. C’est la première fois qu’un président achevant son premier mandat ne sollicite pas sa reconduction, preuve de l’impopularité abyssale de Hollande que les sondages créditaient de 7 % des suffrages au premier tour de la présidentielle et plaçaient en cinquième position derrière Fillon, Marine Le Pen, Macron et Mélenchon. Une humiliation à laquelle n’a pu se résoudre l’ex-concubin de Ségolène Royal qui était lâché par quasiment tous les élus socialistes, y compris par son Premier ministre Manuel Valls qui avait annoncé dans le Journal du dimanche, le 24 novembre, sa volonté de concourir aux primaires de la gauche.
D’aucuns ont salué le courage et la dignité de Hollande à l’issue de son allocution. On ne voit pas où est le courage à renoncer à solliciter le suffrage des électeurs ni où est la dignité d’un président qui, pendant dix interminables minutes, s’est livré à un pénible exercice d’autosatisfaction au point qu’on se demandait pourquoi il se trouvait dans l’impossibilité de briguer sa succession si son bilan était si bon qu’il l’affirmait. Jusqu’au bout Hollande a tout tenté pour se représenter, lançant des ballons d’essai via ses proches qui laissaient entendre ces derniers jours qu’il pourrait ne pas concourir à la primaire mais se présenter directement devant tous les Français. Face à la levée de boucliers que suscita à gauche cette hypothèse, constatant qu’il n’avait plus ni réseau ni soutien, que ses chances d’être battu lors de la primaire étaient immenses, Hollande dut, la mort dans l’âme, se résoudre à abandonner la partie.
On le voit une nouvelle fois, l’instauration du quinquennat rend désormais quasiment impossible une réélection du chef de l’Etat sortant. L’impopularité des politiques conduites ne permet pas au locataire de l’Elysée d’être reconduit dans ses fonctions. On l’avait vu avec Nicolas Sarkozy en 2012, même si ce dernier avait quand même dépassé les 27 % au premier tour et les 48 % au second, on le remarque, de manière encore plus impressionnante avec son successeur immédiat. Autant les cohabitations étaient des machines à faire réélire le président de la République (les exemples de François Mitterrand en 1988 et de Jacques Chirac en 2002 sont là pour en témoigner), l’impopularité se déplaçant du côté du chef du gouvernement de l’autre camp (Chirac en 1988, Jospin en 2002), autant le quinquennat place-t-il l’Elyséen en première ligne et ne le met-il pas à l’abri des insatisfactions de l’opinion. N’oublions pas que le septennat avait été adopté au début de la IIIe République par une Assemblée majoritairement monarchiste et qu’il s’agissait de donner au chef de l’Etat la durée nécessaire à une action au long cours.
Si le systeme accepte de sacrifier certains de ses éminents représentants, c’est pour mettre en scène des doublures : Fillon qui fut pendant cinq ans le Premier ministre de Nicolas Sarkozy et Valls qui fut pendant près de trois ans le chef de gouvernement de François Hollande après avoir été son ministre de l’Intérieur où il se fit remarquer, non pour sa lutte contre la criminalité mais pour son combat à mort contre un humoriste pas suffisamment judéophile à son goût et à celui de sa moitié. Le 5 décembre Manuel Valls a donc annoncé sa candidature à la présidentielle avant de démissionner le lendemain (il est remplacé à Matignon par l’affreux Bernard Cazeneuve). Dans sa déclaration de candidature longue de vingt minutes, l’ex-député-maire d’Evry s’est présenté comme l’homme de la conciliation et de la réconciliation à gauche et s’est employé à démoniser ses adversaires, François Fillon accusé de vouloir démanteler les services publics et la sécurité sociale et l’extrême droite accusée de racisme et d’antisémitisme.
Suite de l’éditorial de Jérôme Bourbon dans le Rivarol n° 3261 du 8 décembre 2016