Jadis, dans la « banlieue rouge », les maires communistes donnaient aux rues le nom de Gagarine, de Karl Marx, de Robespierre ou encore de Maurice Thorez. Aujourd’hui, dans la banlieue chic, les maires UMP baptisent des places du nom de Nelson Mandela. Les premiers avaient l’excuse de la croyance dans des lendemains qui allaient chanter quand les seconds sont simplement en génuflexion devant le conformisme médiatico-idéologique le plus niais.
Le 8 novembre 2014, monsieur Patrick Ollier, député-maire UMP de la bourgeoise Rueil-Malmaison a ainsi bien mérité de la pensée unique. En ce jour anniversaire du débarquement allié en Afrique du Nord, ceint de tricolore et entouré de son conseil municipal, marchant avec une grande originalité dans les traces de nombreux maires socialistes, écologistes et communistes, il baptisa en effet une place de sa cité du nom de Nelson Mandela.
Au-delà du minuscule calcul visant à grappiller quelques voix d’électeurs issus du « grand remplacement », une telle décision prise par un conseil municipal de « droite » en dit long sur le naufrage intellectuel d’un courant politique sans colonne vertébrale, sans points de repère et peut-être encore plus affligeant, sans mémoire.
Aussi, afin de « rafraîchir » celle de monsieur le député-maire, je reproduis ici le communiqué que j’ai publié le 21 décembre 2013 sur le blog de l’Afrique réelle :
« Un communiqué du SACP (South African Communist Party) en date du 6 décembre 2013 nous apprend officiellement ce dont l’on se doutait, mais qui n’avait jamais été réellement établi, à savoir que selon les propres termes du document, le “camarade Nelson Mandela” était un haut dirigeant communiste puisqu’il “ne faisait pas seulement partie du SACP, mais également de son Comité central”.
Pourquoi Nelson Mandela a-t-il toujours démenti, tant oralement que par écrit, avoir été membre du SACP ? Pourquoi donc a-t-il menti ?
Un retour en arrière s’impose. En 1960, quand Nelson Mandela fut nommé-coopté au Comité central du SACP, le monde était en pleine “guerre froide” et les Soviétiques avaient décidé de menacer la route du Cap, vitale pour ce qui était alors l’“Occident”, en déstabilisant le pays qui en était le gardien, à savoir l’Afrique du Sud. Pour l’URSS, la lutte contre l’apartheid fut le moyen de populariser cette stratégie en lui donnant un “habillage” moral. La mission que le KGB confia alors à Nelson Mandela, fut de prendre le contrôle de l’ANC au profit du SACP en évinçant la vieille garde réformiste et non violente qui le contrôlait, afin de lui faire adopter la lutte armée.
Aidé par Yossef Mashel Slovo, dit Joe Slovo, un officier supérieur du KGB, Nelson Mandela s’acquitta parfaitement de ces deux missions. Il réussit ainsi à imposer la création de l’Umkhonto we Sizwe, l’aile militaire et terroriste de l’ANC dont il fut le premier chef. Il transforma également l’ANC en une simple courroie de transmission du SACP. En 1989, sur les 30 membres de son comité directeur, quatre ou cinq revendiquaient ainsi officiellement leur appartenance au SACP cependant que plus d’une vingtaine étaient des membres clandestins du parti ayant reçu l’ordre de cacher leur appartenance afin de ne pas effaroucher les “compagnons de route” et les “idiots utiles”.
Le SACP a donc brisé un secret jusque-là bien gardé et cela, au risque d’écorner le mythe Mandela. Pourquoi ?
La réponse est d’une grande simplicité : le SACP est politiquement en perdition, car il est perçu par les Noirs comme un parti archaïque “blanc” et “indien”. Or, depuis 1994, la vie politique sud-africaine repose sur un partage du pouvoir, donc des postes et des prébendes, entre l’ANC, le syndicat Cosatu et le SACP. Il s’agit de l’Alliance tripartite. Cette rente de situation est aujourd’hui fortement contestée par de nouvelles forces politiques noires demandant que les “dépouilles opimes” étatiques soient repartagées à la lumière de la véritable représentativité des uns et des autres. Afin de tenter de conserver sa place au sein de l’Alliance tripartite, le SACP à bout de souffle a donc révélé que le “grand homme” était un de ses dirigeants…
Ce misérable calcul boutiquier aura du moins un grand avantage, car il permettra peut-être d’ouvrir les yeux à ceux qui pleurent un Nelson Mandela pacificateur-rédempteur alors qu’il était en réalité un agent du KGB, une “taupe communiste” dans le vocabulaire de la « guerre froi“guerre froide”…
Je souhaite donc un bon réveil après l’hypnose à ceux qui ont cru voir en lui le messie d’une nouvelle religion universelle ».
Monsieur Patrick Ollier et le conseil municipal UMP de Rueil-Malmaison semblent donc être toujours sous hypnose… Mais qu’importe, dans un peu plus de deux ans, leur famille politique sera probablement revenue aux affaires… Une famille politique aux solides convictions exprimées à l’Assemblée. Ainsi le 10 mai 2001, sous la présidence de Jacques Chirac, quand, à l’unanimité, ses députés votèrent la loi « Taubira », loi qui qualifie de « crime contre l’humanité » la seule traite esclavagiste européenne…
Ne boudant pas son plaisir devant la dhimitude doctrinale de la “droite” parlementaire, Christiane Taubira eut la cruauté de préciser que si sa loi votée à l’unanimité par les amis de Monsieur Ollier passe sous silence la traite arabo-musulmane, c’est afin que les « jeunes Arabes […] ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes »1.
Que les électeurs cocus sortent des rangs et avancent de trois pas…
(Source originale : Bernard Lugan)
________________________________________
1 L’Express, 4 mai 2006.