Article extrait du dernier numéro de Rivarol.
Ça n’arrête pas. La pluie. Le vent. Les inondations. Après la trombe grise, une autre trombe grise. Cela fait longtemps que le niveau des crues dépasse les quatre mètres, il est en route vers des records de saut à la perche. Ensuite ce sera le gel. La sécheresse. Les sauterelles. C’est comme Hollande. Il n’arrête pas. Zeus lançait la foudre, lui, c’est les catastrophes. Peillon. Taubira. Bertinotti. Vallaud-Belkacem. Un jour c’est le saint mariage des sodomites, le lendemain l’extermination souriante des vieillards, des petits bébés et des adultes blessés, à la convenance personnelle des familles, de préférence recomposées, le troisième matin la vente des ventres féminins par des féministes. Chaque semaine un nouvel ouragan sociétal nous tombe sur le blair avec la régularité d’une vague bretonne sur Ouessan. On devrait donner les noms de nos ministres aux typhons qui ravagent le monde, Najat, Christiane, Vincent, ce serait une façon pour eux de passer à la postérité, c’est aussi bien que Petra ou Qumeira, cela flatterait leur ego. Quant à François, leur chef, l’ami chéri d’Obama, il mérite un surnom de roi : pas le bon, le gros, le long, le bègue, le hutin, le bel, le chauve, ni même le bien aimé, mais François le climatique, ou plus simplement le pluvieux. Il est comme la pluie. Les trois premières gouttes, ça a fait rire le populo, depuis, il est ennuyeux comme la pluie.
Ne plaisantons pas des lois sociétales. Ne croyons pas à tort qu’il s’agit d’un simple leurre pour détourner l’attention d’une situation économique catastrophique : les princes qui nous gouvernent ne s’appellent pas Gerald Ford, ils sont tout à fait capables de faire deux choses à la fois, ruiner la France et la pervertir en même temps. Le projet principal de nos dirigeants progressistes n’a pas changé depuis plus de deux cents ans, ce sont des despotes éclairés, il s’agit toujours de chasser les jésuites, d’émanciper les juifs, de réformer les mœurs et les croyances de leurs sujets. Le projet politique est le même, mais le derrière qui occupe le trône élyséen n’est plus la main, si j’ose dire ainsi, qui tient vraiment le sceptre. François le climatique n’est que la grenouille qui annonce le temps, le ludion qui monte et qui descend. À vrai dire plus personne ne tient vraiment le sceptre. Une vraie gouvernance mondiale ne se fait pas avec des hommes, ni même avec des robots, mais avec des règles. Inutile d’avoir un dirigeant énergique, un chef de peuple (au contraire, c’est nuisible, cela introduit un facteur humain, toujours dangereux, imprévisible, dans l’équation), inutile si l’on dispose d’une norme morale et d’une procédure technique bien définies.
Or les préceptes moraux sont légion dans cette république normative euraméricaine qui nous accable chaque jour un peu plus, mais tous reposent, nous le savons bien, sur le grand tabou, le grand indiscutable qui habite le tabernacle de l’arche, la trois fois sainte Shoah. Ce cœur de la croyance et de la morale, comme celui des réacteurs nucléaires, est fragile : il faut toujours en observer l’activité pour en garder la maîtrise. Sinon, c’est la fin du monde. De notre monde. Or cette fin du monde menace. Nous assistons à un Fukushima de la Shoah. Elle avait été calculée, solide comme un roc de décor hollywoodien, avec sa double enceinte de lois Gayssot- Pleven, pour résister à des cyclones de type Robert, Jürgen, Pedro ou Claudio. Mais là, elle s’est chopé le tsunami Dieudonné. Pas prévisible. Un tsunami à quenelles. Les pires. Un éclat de rire de vingt mètres de haut qui s’écroule d’un bloc. Ça emporte tout. On les a vus passer, tous, maître Trucmuche et maître Machin (je modifie les noms par respect de la vie privée), comme des camions dans le courant, des immeubles promeneurs. Et le petit Valls, dressé sur ses ergots comme un coq sous l’averse, pathétiquement fidèle à ses mandants.
Le naufrage bien sûr exaspère leur tendance naturelle à l’excès, leur goût du commandement humiliant, leur pente vers l’incroyable, le compliqué, l’impudent. Ils se raidissent, ils se réfugient, dans la folie. Pour vous en convaincre, suivez-moi pour un petit tour des dernières attractions de Shoahland.
D’abord une escale anodine mais confortable à Nice, dont le maire est un délicat intellectuel, Christian Estrosi. Il a déjà envoyé onze mille collégiens à Auschwitz, comme les associations diocésaines organisent des voyages en Terre Sainte. En plein de mois de janvier, la dernière fournée, bien emmitouflée dans ses anoraks, a affronté un froid de « moins quinze degrés ressentis ». Dans ces conditions climatiques, les collégiens avaient les lèvres gercées, et, au grand soulagement des professeurs, n’ont pas fait de quenelle : « On ne rigole pas avec la mort d’un million de personnes. » Le froid engourdissant aussi leurs neurones, ils n’ont pas eu l’idée de comparer les restes archéologiques à leur portée avec les textes saints de la Shoah : mais cette méthode, recommandée pour les études bibliques aujourd’hui, est-elle pertinente pour la sainte religion de la Shoah ? Malgré tout, hors caméra, dans les secrets des consciences, l’apostasie se propage, à tout le moins l’indifférence : le voyage à Auschwitz n’intéresse plus les jeunes, il faudra bientôt leur proposer la prems, avec caviar et vodka herbe à bison Zubrowka pour qu’ils consentent à visiter les fours crématoires.
Tout le monde cependant n’a pas la chance d’aller à Auschwitz. Alors, il y a des méthodes de remplacement. Pour les plus pauvres, citons le cinéma. Voilà quelques jours, un enseignant dont je ne donnerai pas le nom par charité, et qui écrit sur le blog Boulevard Voltaire des articles souvent pertinents, s’est plaint de l’incapacité de ses élèves à apprendre correctement l’histoire de la Sainte Shoah, et même de montrer le moindre respect pour son récit. Alors, écrit-il, « à bout d’arguments », il leur passe Nuit et Brouillard pour les faire taire. Qu’un professeur d’histoire qui se veut rationnel, et qui montre par ailleurs une capacité évidente à raisonner intelligemment, avoue ainsi qu’il est obligé « à bout d’arguments », de manipuler l’affect des enfants dont il a la charge par des images de cinéma en dit long. C’est rejoindre le niveau Spielberg, Martin Gray, Elie Wiesel. Avouer qu’il est le seul efficace. Je crois que cela se dit Houban, en langue sacrée.
Le nécessaire enseignement de la Sainte Shoah, recueille heureusement auprès des pouvoirs publics et des justes riches un soutien marqué, qui permet des actions de sensibilisation méritoires et multiformes. On ne compte plus les musées à travers le monde qui permettent aux populations décillées de se souvenir des heures les plus sombres de l’histoire, les expositions d’art conceptuel, les expériences théâtrales et musicales qui participent à la liturgie de la Shoah. Tout cela est devenu banal. Mais l’on peut dire deux mots sur la nouvelle animation pour jeunes lancée à Ath en Belgique pendant une semaine. C’était interactif et interdisciplinaire, cela tenait de l’exposition et du jeu de rôle : les écoliers à leur arrivée étaient pris en main par des gardiens, jugés, puis entassés dans un wagon pendant quelques minutes, avec la bande sonore de La liste de Schindler. On touche là au fin fond de la télé réalité, et cela ouvre des profondeurs abyssales à notre rêverie sur la valse en spirale de la fiction et la vérité. Vers quoi ?
Laissons-là ces messes pour enfants et jetons un œil sur une nouvelle procession de flagellants dont on essaie d’établir la tradition aux États-Unis. On se souvient peut-être qu’à la fin de 2010 l’inverti Guillaume Pépy, au nom de la SNCF, avait présenté ses excuses à des rescapés de la Shoah en Floride pour le préjudice que leur avait censément porté entre 1941 et 1944, la société dont il était le PDG. Il espérait à l’époque installer une ligne ferroviaire entre Orlando et Tampa, et estimait donc que cela valait bien une génuflexion. Las, peut-être le manque de phylactères l’a-t-il desservi, mais la SCNF n’a pas eu le marché. Quoi qu’il en soit, on connaît le raisonnement des associations juives qui saisissent la justice à ce sujet : les trains français ont transporté des juifs vers des camps où ils sont morts, il faut que le sang des innocents assassinés retombe sur les peuples judéocides jusqu’à la septième génération, donc que la SNCF paie, d’une manière ou d’une autre. Je connais quelques anciens de la bataille du rail qui jugent cette interprétation difficile à avaler, mais bon. Aujourd’hui, deux élus démocrates du Maryland viennent de déposer un projet de loi restreignant l’accès de la SNCF aux marchés publics américains tant qu’elle n’aura pas versé d’indemnités aux juifs qu’elle a transportés durant les heures les plus sombres. Comme par hasard, plusieurs sociétés sont là-bas en concurrence pour construire un tronçon de 25 kilomètres de voie ferrée. Un survivant d’Auschwitz, Léo Bretholtz, a lancé une pétition qui aurait recueilli plus de cinquante mille signatures, laquelle juge inconcevable que la SNCF soumette son projet tout en refusant de raquer. Il faut dire qu’en 2011, celle-ci a reconnu avoir été un rouage de la machine d’extermination nazie, alors… Ce qu’il y a de bien, dans le libre-échange, c’est que certains sont plus libres que d’autres, et cela renforce la morale de la Shoah.
Nous pourrions nous amuser à nous promener ainsi comme avec un train fantôme à travers des horreurs construites et convenues, des fantasmes enfantins nés d’une imagination aussi dévoyée que limitée. Certaine correspondante m’approvisionne en munitions inépuisables. Mais cela me fatigue vite. Je préfère les quenelles de brochet à la carpe farcie aux mensonges et à la tyrannie. Je conseillerais à Judas de se modérer. Sa réussite dans la vengeance le rend fou. Il charge inutilement la branche sur laquelle il se trouve assis. Et en appuyant trop fort sa botte sur nos nuques, il risque de se priver d’un plaisir : Hey, Jude, si tu nous étouffes tout de suite, tu nous entendras moins longtemps crier.
En ce début de février, il n’est peut-être pas mauvais de rappeler le torpillage de navires civils allemands bourrés de milliers de réfugiés qui furent torpillés par les flottes russes et anglaises en janvier 1945. Et, les 11 et 12 février 1945, l’incendie au phosphore de Dresde savamment provoqué par Churchill, qui a prouvé qu’un bombardement “conventionnel” pouvait faire presque autant de victimes qu’une bombe atomique. Je le note pour rééquilibrer un peu les balances mémorielles qui règlent la morale mondiale. Et puis pour l’oublier. Nous, Européens, ne sommes pas des fous de la mémoire. Nous, Français et Allemands, nous sommes pas mal écharpés pendant des siècles, et rien n’est si commun à la guerre que le crime, même si souvent aussi, de part et d’autre, nous nous sommes battus avec honneur et humanité. C’est tout ce qu’il faut savoir. Ne nous laissons pas prendre la tête, au sens propre, ne laissons pas coloniser notre mémoire, comme dans certains films d’anticipation, par des souvenirs plus ou moins factices qui ne sont pas les nôtres. Laissons les fous déterrer les morts, laissons-les à leurs tripatouillages de zombies. Il est temps de regarder devant soi, afin de ne pas être changés en statues de sel, pendant qu’explosent derrière nous Sodome, Gomorrhe et Fukushima