Nous publions ci-dessous la traduction d’un entretien accordé par Gabor Vona, le président du mouvement nationaliste hongrois Jobbik au médiat russe The Voice of Russia. Il y évoque la crise du capitalisme mondialisé, les racines de la décadence de l’Europe, et le point de vue des nationalistes hongrois sur le conflit syrien, Israël ou la Turquie.
Le Jobbik se décrit comme « un parti doté de principes, conservateur et patriotique chrétien radical ». Pourriez-vous expliquer ce que cela signifie d’être « doté de principes », « conservateur » et « patriotique chrétien radical » dans le monde politique d’aujourd’hui ?
Gabor Vona : Être doté de principes, conservateur et patriotique radical signifie fondamentalement dire un « non » catégorique au monde moderne qui nous entoure dans la région euro-atlantique aujourd’hui. Ce monde se caractérise par une richesse apparente, des attentes économiques optimistes, la démocratie et bien d’autres choses qui semblent positives au début. À mon avis, cependant, une réalité décadente choquante sous-tend ces choses. L’Europe et l’Occident ont renié leurs valeurs anciennes les plus essentielles. La crise économique n’est qu’une façade qui ne sera jamais dépassée, parce que l’essence de la vraie crise est que l’Europe connaît une crise des valeurs depuis les XVIIIe et XIXe siècles. Quand le mariage homosexuel devient une question centrale de la sphère politique, c’est qu’il y a un gros problème. La plupart des partis tentent de s’adapter à ces tendances ; même s’ils comprennent la détérioration, ils pensent que la société peut encore être amendée ou réformée. Notre opinion est tout à fait différente. Il n’y a rien que nous puissions faire dans l’ordre mondial actuel. Nous devons nous opposer à lui. Puisque nous sommes Hongrois, on ne peut évidemment le faire en Hongrie, dans la société hongroise, mais je suis sûr que notre lutte n’est pas la lutte d’une seule nation, elle est beaucoup plus essentielle que cela.
Gabor Vona
Il y a beaucoup de politiciens influents qui travaillent à transformer l’Union européenne en un État fédéral, en utilisant le modèle américain, impliquant un gouvernement central et le transfert explicite de la souveraineté de ses membres à Bruxelles. Certains disent que le processus fédéraliste est déjà en marche. Quelle est votre opinion sur ce processus ?
Gabor Vona : C’est un mauvais traitement basé sur un diagnostic erroné. L’Europe ne pourra jamais devenir un super-État fédéral. La seule façon dont ils ont réussi à en créer un aux États-Unis fut d’abord d’exterminer ou d’enfermer les Amérindiens, les peuples et les nations historiques qui vivaient là, dans des réserves. Bien sûr, ils peuvent planifier le même destin pour les nations historiques d’Europe. Nous pouvons rester les bras croisés comme certains idiots sans culture et regarder nos États être asservis ; si nous nous rebellons, ils essayeront de nous marginaliser, et s’ils ne le peuvent pas, ils nous criminaliseront. Naturellement, cela ne signifie pas que leur plan va réussir, mais comme je l’ai mentionné, le tout est bâti sur de mauvais et incorrects fondements. L’Europe doit retourner à ses racines et construire l’Europe des nations, ou elle deviendra un foyer de conflits permanents que les autres grandes puissances – les États-Unis, la Russie, la Chine, le monde arabe, etc – finiront par se partager entre eux.
Les valeurs chrétiennes sont identiques aux anciennes valeurs universelles de l’homme, telles que Dieu, l’ordre, la hiérarchie, le courage, la vérité, le sacré, l’ordre naturel dans la communauté, par opposition à l’individualisme moderne, à l’absence de valeurs, à la déviance et au libéralisme.
L’UE adopte une claire et visible base anti-chrétienne dans ses politiques concernant le système éducatif, le droit de la famille, etc. Est-il difficile d’être un parti chrétien et de promouvoir les valeurs chrétiennes ?
Gabor Vona : Pour parler de valeurs chrétiennes, nous devons clarifier certaines choses. Nous ne sommes pas un parti clérical, missionnaire. À notre avis, les valeurs chrétiennes sont identiques aux anciennes valeurs universelles de l’homme, telles que Dieu, l’ordre, la hiérarchie, le courage, la vérité, le sacré, l’ordre naturel dans la communauté, par opposition à l’individualisme moderne, à l’absence de valeurs, à la déviance et au libéralisme. La raison pour laquelle nous les nommons valeurs chrétiennes est que nous vivons au sein d’une culture chrétienne, et c’est pourquoi nous n’avons pas de problèmes avec les musulmans, bouddhistes ou d’autres cultures, si elles sont fondées sur les mêmes bases. À cet égard, il est en effet difficile de promouvoir nos valeurs politiques parce que nous, contrairement aux soi-disant partis démocrates-chrétiens (comprendre mous et malléables), nous relevons réellement le défi, nous allons vraiment à la racine des problèmes et nous parlons aussi des questions considérées comme taboues.
Dans l’un de vos entretiens, vous avez fait valoir que la crise financière européenne est le résultat d’une crise à grande échelle du « capitalisme globalisé ». Comment définissez-vous le « capitalisme globalisé » et pourquoi est-il mauvais pour des pays comme la Hongrie ? Peut-on prétendre que « le capitalisme globalisé » est une forme de « néo-colonialisme » ?
Gabor Vona : le capitalisme globalisé est un ordre mondial politico-économique contrôlé par les États-Unis, qui impose ses propres règles du jeu (la démocratie libérale, le libre-échange, les capitaux transnationaux, les réseaux bancaires internationaux, la politique culturelle libérale) au reste du monde. Le fait qu’ils agissent ainsi n’est pas étonnant en soi, puisque tous les empires ont fait de même tout au long de l’histoire. Le vrai problème est que, alors que les grands empires historiques essayaient de créer une culture durable et saine, ce qu’ils n’ont pas toujours réussi, l’empire américain tente de répandre un ordre qui était malade et biaisé dès le commencement. Cet ordre mondial ne peut pas être comparé à celui de la Rome antique, parce que la Rome antique, même par la force militaire ou pour des considérations économiques, diffusait une culture viable digne des êtres humains. La « Rome » d’aujourd’hui, les États-Unis, propagent une culture inhumaine qui n’a que des intérêts économiques.
L’un des arguments favoris de la propagande de l’UE est que les pays d’Europe orientale comme la Hongrie, la Roumanie ou l’Ukraine ne peuvent pas avoir une économie forte et un niveau de vie élevé sans être membres de l’UE. Ils soutiennent que l’UE, même si elle a des problèmes, est la seule option pour la prospérité. Qu’opposez-vous à cet argument ? Quelles solutions proposez-vous ?
Gabor Vona : Le premier point n’est pas correct, c’est tout le contraire. L’Europe centrale et orientale a été colonisée. Nous n’avons pas besoin de l’UE : c’est elle qui a besoin de nous. Du travail pas cher et nos marchés, voilà ce qui comptait. Regardez la situation actuelle des pays de notre région. Rattrapent-ils leur retard ? Pas du tout. En fait, l’écart se creuse. L’Ouest savait très bien que ça allait arriver, ils agitaient seulement une carotte devant nous. Pourquoi pensez-vous que la Turquie n’est pas admise à l’Union européenne ? Parce qu’ils sont musulmans ? Pas du tout. Parce qu’ils ont une économie forte et indépendante qui ne peut être colonisée comme cela a été fait pour les Hongrois, les Roumains, les Slovaques, etc. Les entreprises turques sont solides, leur marché est bien protégé. Ils pourraient facilement nous soumettre, cependant. L’alternative serait une sorte de coopération régionale. Cela fait partie des raisons pour lesquelles je continue à agir pour un accord historique entre les nations qui vivent ici.
Un récent scandale diplomatique entre la Roumanie et la Hongrie a été lié à votre nom. Le président de la Roumanie a promis de « régner à Budapest ». Le gouvernement hongrois s’est impliqué dans le conflit. Tout a commencé à partir de l’une de vos déclarations. Quelle est votre opinion sur ce scandale ?
Gabor Vona : Un journaliste m’a demandé si je pourrais entreprendre un conflit pour défendre les intérêts hongrois. Je lui ai répondu : bien sûr. Cela a été rapporté par la presse comme si j’avais prononcé une déclaration de guerre. C’est un exemple typique de l’usage néfaste des médiats. Bien sûr, il est assez clair que Basescu1 voulait un scandale alors qu’il se préparait pour sa nouvelle carrière politique. Il avait besoin de démontrer qu’il était un politicien roumain dur contre les Hongrois. Je trouve cela pathétique. C’est une pensée à court-terme qui en dit beaucoup sur sa personnalité.
Quels changements au Pays sicule2 vous feraient dire : « c’est parfait maintenant, je ne veux rien de plus » ?
Gabor Vona : Je considère l’autonomie comme un objectif réaliste que la Roumanie devra également accepter tôt ou tard. Le rôle historique de la nation hongroise en Transylvanie est incontestable. Si seulement tout le monde avait compris que nous devons vivre ensemble, plus exactement, que nous devons lutter ensemble contre le capitalisme mondialisé… Cependant, nous avons besoin de conditions dignes pour vivre ensemble. Des conditions dans lesquelles personne ne se sentirait perdant. À ce jour, la tension demeure.
Lors d’une récente conférence à Moscou que vous avez dit que les organisations patriotiques d’Europe de l’Est se battent entre elles au lieu de lutter contre les maîtres de la mondialisation. Pourquoi cela arrive-t-il ? Y a-t-il une chance de faire travailler toutes les forces patriotiques d’Europe à un objectif commun au lieu de se battre avec les ombres du passé ?
Gabor Vona : Ce n’est pas une tâche facile et le différend roumano-hongrois actuel montre clairement combien est délicate cette coopération pour l’avenir. Nos adversaires peuvent nous opposer presque du jour au lendemain. Dans notre monde actuel de médias manipulés, cela est devenu encore plus facile. Il suffit de regarder comment ils dressent les pays arabes les uns contre les autres après le Printemps arabe, tout comme les groupes sociaux à l’intérieur de ces pays. Donc, nous, les nations d’Europe de l’Est, nous devons être totalement sincères et déterminées si nous voulons nous battre côte à côte. Personnellement, je suis ouvert à cela et je l’ai évoqué des dizaines de fois. Malheureusement, j’ai reçu peu de réactions positives.
Rassemblement des nationalistes d’Europe organisé en octobre 2013 par le Jobbik en Hongrie.
Avec les Jeunesses nationalistes (JN, France), le Parti national britannique (BNP, Grande-Bretagne),
l’Union de la jeunesse eurasiste (ESM, Russie), le Mouvement social républicain (MSR, Espagne),
Tous les jeunes Polonais (MW, Pologne) et la Division jeunesse du Jobbik.
Si vous étiez premier ministre, quelles seraient vos relations avec la Russie et la Chine ?
Gabor Vona : Je considère la Russie comme un pays d’une importance capitale. Outre la Turquie, je crois que la Russie est l’autre puissance eurasienne qui pourrait lancer une véritable résistance politique, économique et culturelle contre le bloc euro-atlantique. Bien sûr, je sais que les choses ne sont pas noires ou blanches, mais l’importance de la Russie est un fait. C’est pourquoi j’ai entrepris la tâche d’être le chef du groupe d’amitié russo-magyar au Parlement hongrois et c’est pourquoi je travaille à l’établissement des meilleures relations possibles avec la Turquie. Je garde une certaine distance vis-à-vis de la Chine. J’ai une sorte d’attitude neutre à l’égard de la Chine. Évidemment, ils sont une puissance avec laquelle il faut compter, mais je vois que la Chine semble plus intéressée par l’ère Pacifique et l’Afrique que par l’Europe.
Pourriez-vous décrire votre point de vue sur la politique étrangère d’Israël ?
Gabor Vona : Israël doit être forcé de reconnaître l’État indépendant de Palestine et d’abandonner ses efforts de colonisation concernant la Hongrie. Ces derniers ont été mentionnés par Shimon Peres lors d’une conférence, ce n’est donc pas ma théorie du complot, contrairement à la façon dont les médiats de gauche libérale essaient de le présenter. Si ces deux mesures sont prises, nous devrons essayer de maintenir des relations correctes avec Israël, mais de toute évidence, personne ne doit s’attendre à me voir courber l’échine devant eux comme d’autres dirigeants européens le font.
Nous avons deux secrets. Tout d’abord, nous avons raison, deuxièmement, nous sommes courageux.
Quel est votre point de vue sur le conflit syrien ?
Gabor Vona : En fait, il s’agit d’un conflit international dont la Syrie est le théâtre. Les États-Unis et Israël tentent de bouleverser le statu quo. J’espère sincèrement que le conflit sera résolu dès que possible, parce que les civils souffrent de tout cela. Évidemment, je pourrais en dire plus, mais la situation évolue de jour en jour, et à ce stade, il suffit de souligner l’importance de la paix.
À en juger par la couverture médiatique que vous obtenez en Hongrie et dans d’autres pays européens, on peut dire que la plupart des organes de presse vous détestent intensément, vous et le Jobbik. Vos réponses montrent clairement pourquoi la presse occidentale vous hait. Malgré cela, votre parti a connu beaucoup de succès et il est de plus en plus soutenu par le peuple. Comment cela est-il arrivé ? Quel est le secret de la réussite politique de votre parti radical ?
Gabor Vona : À l’heure actuelle, le Jobbik est devenu le parti le plus populaire auprès des jeunes en Hongrie. Nous avons deux secrets. Tout d’abord, nous avons raison, deuxièmement, nous sommes courageux.
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1 NDJN : Traian Basescu est l’actuel président de la Roumanie.
2 NDJN : Le Pays sicule est un territoire situé aujourd’hui au centre de la Roumanie, en Transylvanie, et peuplé par un groupe ethnique non-Roumain magyarophone.
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